Ecrit le 10 juillet 2012
Saffré : chaque injustice est inadmissible
Comme chaque année, à la fin du mois de juin, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, c’est ici, au Pas-du-Houx, que la commémoration du Maquis de Saffré réunit les parents et les proches des maquisards tombés au champ d’honneur.
Aujourd’hui encore, en présence des représentants de l’Etat et des collectivités territoriales, de l’armée, des associations et des porte-drapeaux, les familles et les amis des combattants de la Résistance intérieure se réunissent pour commémorer ce moment essentiel des combats de la Libération dans notre région : 300 jeunes hommes, ceux que l’on a appelés ensuite les « les soldats de l’ombre », sont venus de toutes nos communes, du nord du département surtout. Les patriotes de la région avaient même reçu le renfort de jeunes Nantais et de jeunes Nazairiens réfugiés dans les villages ; certains avaient fui les bombardements, d’autres se cachaient pour échapper au service du travail obligatoire. Enfin, outre les délégués parachutés en arrière du débarquement et arrivés à Saffré après l’attaque du 18 juin contre le maquis de Saint-Marcel dans le Morbihan, on trouvait aussi dans le maquis des aviateurs anglais et américains dont les avions avaient été touchés par la D.C.A. allemande lors de leurs missions de bombardement des positions ennemies en région nantaise, le port, le réseau ferroviaire, l’aérodrome.
Par leur présence en forêt de Saffré, lieu homologué par Londres pour recevoir des parachutages d’armes, ces 300 combattants ont contraint l’ennemi à maintenir des forces importantes dans la région alors que la Wehrmacht livrait un combat titanesque contre les Alliés qui débarquaient alors sur les plages normandes depuis le 6 juin. Les quelque 1500 soldats de l’armée allemande qui ont combattu ici, le 28 juin 1944, auraient bien évidemment été utiles sur les falaises normandes pour repousser les anglo-américains, et si les maquisards du printemps 44 ont remporté une victoire, c’est bien celle-là : priver l’état-major hitlérien, et toute son armée, des forces qui auraient pu leur permettre de tenir tête aux forces alliées commandée par le général Eisenhower.
Certes, face aux soldats de la Wehrmacht, armés, aguerris, et secondés par des collaborateurs, nos maquisards ne pouvaient pas tenir alors qu’ils ne disposaient que de quelques dizaines d’armes, mais ils affrontèrent l’ennemi avec courage. Treize hommes furent tués dès les premières heures du combat ; le lendemain les nazis ont fusillé vingt-sept maquisards, puis ils en ont encore assassiné deux dans la prison de Nantes et ensuite les autres prisonniers liés au maquis furent emmenés en déportation où ils furent une trentaine à connaître une mort injuste et atroce.
Ces jeunes hommes, comme tous les autres Combattants de la Libération, après des années d’Occupation insupportables de leur pays par les Hitlériens avec leur Gestapo de sinistre mémoire et leurs Kommandanturs qui parsemaient le territoire, ces jeunes hommes, donc, rêvaient de liberté, d’espoir, de justice et de paix, et beaucoup ont donné leur vie pour cet idéal. Que ce soit le sacrifice du jeune Breton mort au maquis ou celui d’un jeune Américain venu de New York ou de San Francisco pour mourir sur une plage de Normandie, tous sont admirables et tous méritent le même respect.
Et aujourd’hui ...
Mais qu’en est-il aujourd’hui de tous ces espoirs et de tous ces sacrifices ? Comme ailleurs au sein de l’Union Européenne, en France la situation intérieure du pays est compliquée et la société est divisée ; comme ailleurs au sein de l’Union Européenne des forces populistes ultra-réactionnaires proposent leurs idées xénophobes et certains ne reculent pas devant l’expression de leur sympathie pour l’idéologie nazie. Les difficultés économiques qui divisent le continent risquent aussi de diviser les peuples et l’idéal des « pères de l’Europe » qui rêvaient d’une Europe unie, porteuse de justice, d’espoir et de fraternité, est aujourd’hui en péril.
Certes, nous ne sommes plus dans ces années vingt ou trente, celles de l’après première guerre mondiale, avec ses gouvernement fascisants dans nombre de pays d’Europe, mais ceux qui tombèrent au combat, ici, un matin de juin 44, avaient d’autres motivations et d’autres ambitions. Et la situation de notre continent n’est certainement pas la pire qui soit aujourd’hui lorsque l’on voit des forces terroristes ébranler les pouvoirs en place dans toute une partie de l’afrique. Et que dire du drame des populations syriennes encore aujourd’hui ?
La liste serait longue de tous les dangers, de toutes les injustices, de toutes les atteintes aux droits de l’homme partout dans le monde. Il n’est que d’évoquer la crainte dans laquelle vivent des minorités catholiques dans plusieurs pays où les violences meurtrières inadmissibles se déchainent contre les pratiquants. Et que dire du sort des Tibétains, de celui des Palestiniens coincés entre des murs de la honte, ou bien encore des enfants juifs de Toulouse à jamais meurtris par la mort de leurs petits camarades.
d’ampleur nationale, ou même continentale, à celle plus modeste mais tout aussi réelle sur le plan local, chaque injustice, chaque menace, chaque drame est inadmissible. Chaque jour des innocents payent de leur vie la montée des violences. Ailleurs on manque encore de nourriture, d’hôpitaux et d’écoles, et que dire des dangers sur l’avenir de la planète lorsque sont évoquées les questions environnementales ?
Certes, ce n’est ni le lieu, ni le jour, pour faire le catalogue de toutes les difficultés présentes et à venir pour l’avenir du monde. Mais comment ne pas faire le lien entre la situation présente et les motivations des combattants de la Libération ? Comment ne pas faire le lien entre le courage qu’exige aujourd’hui la prise en compte de toutes nos responsabilités face à l’avenir et l’exemple magnifique donné par nos maquisards de 1944 ?
Courage, ténacité, dignité - Cohésion nationale
Le 11 juin 1950, lorsqu’il est venu inaugurer le magnifique monument du maquis, le Général de Gaulle avait d’abord rappelé que les maquisards de la forêt de Saffré avaient toute leur place dans la grande histoire des combats de la Libération. Puis il a insisté sur la dignité de la cérémonie due à la mémoire des maquisards tombés au combat et il a rappelé « que ce maquis avait donné toutes les preuves de sa ténacité et de sa force ». « Courage, ténacité, force, cohésion nationale, dignité », ce sont les mots prononcés ici même par le Général de Gaulle en 1950 ; il n’était alors qu’un militaire à la retraite.
Mais comment ne pas méditer aujourd’hui le propos de celui qui avait été le chef de la France libre et le chef de l’armée secrète dont nos maquisards étaient membres ?
Face aux défis de l’avenir il y a toujours des raisons d’espérer, mais rien ne se fera dans la désunion, la facilité ou l’égoïsme.
Alors, une fois encore, sachons nous tourner vers les « p’tits gars » du maquis et sachons puiser dans la mémoire de leur sacrifice des raisons d’espérer pour un avenir meilleur.
signé : Jocelyne Poulin, Maire de Saffré
La mémoire des Maquisards
Etienne Gasche vient de faire paraître un nouveau livre La mémoire des Maquisards, sur le Maquis de Saffré avec des documents nouveaux, totalement inédits : les rapports des responsables du maquis, écrits dès 1944 ou peu après, des extraits de presse du temps de la guerre, situant pleinement l’histoire du Maquis de Saffré au cœur de la Résistance et son rôle pendant les combats de la Libération. Aux Editions Coiffard : Prix 28 €.