Ecrit le 19 septembre 2007
Produire plus et mieux avec moins
« Produire plus, et mieux, avec moins » : tel est le titre de la conférence de presse donnée à Rennes le 4 septembre 2007, par la Chambre d’Agriculture de Bretagne. Globalement une bonne documentation, une bonne analyse qui manifeste une évolution certaine : les instances agricoles bretonnes commencent à prendre en compte les évolutions environnementales. Il reste cependant des questions, voire des incohérences.
Rouler ou manger
Par exemple, la demande énergétique : « A l’horizon 2020, les surfaces nécessaires pour produire des biocarburants correspondant à 10% de la consommation d’hydrocarbures, représentent aux Etats-Unis 33% des terres arables, et en Europe 26%. ». D’abord ces chiffres sont faramineux : 26 % des terres arables, en Europe, consacrées aux bio-carburants ! De ce fait la chambre d’agriculture signale le risque de « pénurie sur certains produits nécessaires à l’alimentation aussi bien des animaux que des hommes ».
Restera-t-il des terres ? « Avec la croissance démographique, la disponibilité en terres arables par habitant a diminué de 5000 m2 en 1950 à 2300 m2 en 2001 »
Bref, conduire ou manger, il faudra bientôt choisir !
Ca chauffe !
Le document, qui n’a pas envisagé la question de l’eau nécessaire à la production des bio-carburants, s’inquiète du réchauffement climatique : « il signifie surtout perte de récoltes, baisse de rendements et parfois baisse de qualité. La course à l’eau potable devient de plus en plus préoccupante » .
Demain on se battra ... pour de l’eau d’autant plus que « pour assurer une alimentation décente à 9 milliards d’habitants, il faudrait doubler la production végétale ». Comment peut-on doubler la production en diminuant drastiquement les terres consacrées à la production alimentaire ?
La fin de la faim
C’est là que la Chambre d’agriculture de Bretagne fait preuve d’incohérence en déclarant : en Bretagne, « nombre de pays [attendent] de nous que nous produisions plus et mieux ». C’est en quelque sorte une invitation à continuer la production intensive en Bretagne, avec l’idée que les productions bretonnes vont pouvoir nourrir le monde. Or on sait que, déjà , ceci est mis en échec par les questions de transport (et leur coût). Il en sera de même demain, et bien davantage, quand manquera le carburant .
La solution alimentaire passe par le nécessaire développement agricole des pays sous-développés. A condition que ce développement agricole soit orienté vers les cultures vivrières, et à condition aussi que les hommes aient la force de cultiver ... ce qui suppose qu’ils n’aient plus faim ! Il y a là un vaste débat mondial qui n’est pas du tout engagé.
Modulation
La Chambre d’Agriculture de Bretagne se prononce en faveur d’une modulation obligatoire : « augmentation progressive du taux de modulation pour renforcer le second pilier de la PAC : mesures de développement rural ».
Actuellement les Etats doivent prélever 5 % des aides directes attribuées aux agriculteurs (sauf les petits exploitants) pour financer les mesures de développement rural, répondant ainsi aux préoccupations de l’opinion et aux besoins des zones rurales. Il s’agirait d’augmenter ce taux de modulation.
préférence
Un des principes fondateurs de la PAC (politique agricole commune), c’est la préférence communautaire, c’est-Ã -dire un avantage en matière de prix donné aux produits de la Communauté par rapport aux importations en provenance de pays tiers. Mais la Commission européenne a fait des concessions importantes, vis-Ã -vis des Etats-Unis notamment, ce qui inquiète la Chambre d’Agriculture de Bretagne : « Les négociations actuelles comportent un risque majeur pour la viabilité des exploitations agricoles et des entreprises agroalimentaires françaises ainsi que pour le développement équilibré des territoires ».
Faut-il pour autant penser que « l’approfondissement du bilatéralisme peut être une alternative intéressante » ? Pas sûr ! En effet, le bilatéralisme c’est la possibilité de négocier à deux : dans ce cas c’est toujours le plus fort qui gagne. Tandis que, avec le multilatéralisme, plusieurs petits pays peuvent s’unir pour imposer des conditions moins défavorables dans la guerre alimentaire que se livrent les pays !
Une météo désastreuse
Au cours de l’été 2007, « les cultures ont irrémédiablement pâti de conditions météo désastreuses. Avec une pluviométrie double de la normale, les récoltes ont été difficiles et retardées. A aucun moment, il n’y a eu de réelle fenêtre de beau temps pour moissonner. Quand il pleut un jour sur deux, c’est mission impossible de récolter du grain dans de bonnes conditions »
Par exemple, avec des rendements de 55-60 quintaux en blé, la perte est souvent de 20 à 30 quintaux. De plus, le poids spécifique (densité d’un hectolitre de blé) de 55 à 60, au lieu des 75 à 80 habituels, est très pénalisant et les organismes stockeurs ont revu les prix à la baisse. « Quand on pouvait espérer 180 € avant récolte, c’est plutôt 150 € qui sera payé ». Le manque de paille se fait sentir, le foin est de mauvaise qualité.
Dioxines
Une soixantaine d’exploitations agricoles situées aux confins du Morbihan, de la Loire-Atlantique et de l’Ille et Vilaine, notamment aux alentours de Redon, ont présenté, vers le 10 août, des taux élevés de dioxines dans le lait, supérieurs à 3 picogrammes par gramme (3 pg/g), teneur maximale tolérée par l’Union européenne. Mais le risque sanitaire pour le consommateur n’existe pas puisque ce lait est soit retiré de la consommation, soit totalement écrémé et libéré de la matière grasse qui accumule les dioxines
La Direction régionale de l’agriculture et de la forêt a adressé un courrier à tous les éleveurs des communes concernées, leur demandant de ne plus utiliser les fourrages récoltés en 2006. Ceux-ci ont peut-être été contaminés par les fumées de deux incendies d’usines intervenus en 2006 dans la zone contaminée, dont celui d’une usine de polystyrène, Knauf, à Redon, le 12 juin 2006.
Ecrit le 19 septembre 2007
dérèglement au Sahel
On se souvient de la grande sécheresse (médiatisée !) qui a frappé le Sahel notamment dans les années 1968-1973. Elle a provoqué une raréfaction de l’eau : ainsi la superficie du lac Tchad de 23 500 km2 en 1963 n’était plus que de 2 000 km2 en 1985.
Mais au mois de juillet 2007, le Sahel a été victime d’intempéries sans précédent qui ont fait une cinquantaine de morts et 65 000 sinistrés. C’est le Burkina qui a subi le plus de dégâts avec 35 000 personnes qui ont tout perdu.