Ecrit le 12 juin 2019
Les agriculteurs peinent encore à capter la valeur ajoutée
Le dernier rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges confirme deux tendances : les prix agricoles sont déconnectés des prix à la consommation, et les agriculteurs peinent à capter la valeur ajoutée.
Philippe Chalmin, président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, a présenté le 3 juin 2019 le rapport qui sera remis au Parlement.
Après les fortes baisses de 2014 et 2015 et une stagnation en 2016, l’année 2018 confirme la progression globale des prix à la production agricole initiée en 2017 (+ 2,2% en moyenne). Les prix payés aux
producteurs progressent nettement pour le blé tendre, les fruits et les légumes et dans une moindre mesure pour le lait de vache. À l’inverse, ils sont en baisse pour le blé dur, le porc, les bovins et veaux de boucherie. Les prix à la production restent quasiment stables pour les volailles et le lait de chèvre.
Mais la couverture de l’ensemble des coûts de production agricole en tenant compte du coût du travail et du capital reste précaire : si la situation s’est améliorée pour le blé tendre, elle demeure négative pour l’élevage y compris pour le porc. En porc, le prix de vente est passé en dessous du coût de production pour l’éleveur (incluant une rémunération du travail égale à 2 Smic par UTH), contrairement aux deux années précédentes. En viande bovine, il est désormais habituel que l’ensemble des produits et des aides ne permettent pas à l’éleveur de se rémunérer correctement (les élevages ont dégagé en moyenne entre 0,7 et 1,3 Smic selon le système de production). En production ovine, les résultats se dégradent également (entre 0,7 et 1,3 Smic également), à l’exception des systèmes pastoraux (maintien à 1,5 Smic). En lait, les systèmes de plaine parviennent à rester à l’équilibre.
La rémunération de la plupart des éleveurs s’est dégradée par rapport à 2017, en raison de la hausse quasi-générale des coûts de production que l’évolution des prix à la production n’a pas permis de compenser, alors que celle des producteurs de blé tendre s’améliore par rapport à 2017.
Les prix à la consommation des produits alimentaires enregistrent en 2018 une nouvelle hausse d’un peu plus de 2%, légèrement supérieure à l’inflation. La hausse la plus notable concerne les fruits et légumes (respectivement + 6,5 % et + 7 %), elle est plus faible pour les produits laitiers (+3 %), le poisson et le jambon (+ 2,2 %), la viande de porc fraîche (+ 0,9 %), la baguette de pain (+ 1,5 %) et la viande bovine (+ 1,4 %). Seuls les prix des pâtes alimentaires sont en baisse (- 1,2 %) tandis que ceux des viandes de volaille restent stables.
Comme chaque année, l’Observatoire a calculé les charges moyennes et les marges nettes par rayon alimentaire frais des GMS, (Grandes et Moyennes Surfaces) pour l’année 2017, les données 2018 n’étant pas encore totalement disponibles. De ce fait, ce rapport ne permet pas d’observer l’impact des dispositions de la loi EGALIM. Pour l’ensemble des rayons alimentaires frais après imputation des charges, la marge nette 2017 rapportée au chiffre d’affaires, ressort à 1,2 % avant impôt, en baisse par rapport à 2016 (1,7 %). Elle s’établit à 0,8 % après impôt. L’univers viande reste globalement positif (2,3 % après impôt) grâce aux rayons volailles et charcuterie qui dégagent les marges nettes les plus élevées et compensent celles de rayon boucherie toujours négatives.
En dépit de résultats plus faibles qu’en 2016, les marges nettes des rayons fruits et légumes et produits laitiers restent positives (respectivement 2 % et 0,5 % après impôt).
Le rayon boulangerie dégage à l’inverse une marge nette négative (- 0,3 % après impôt), du fait notamment du poids important de la main-d’œuvre dédiée.
Le rayon marée, comme les années précédentes reste le plus déficitaire (- 5,7 % après impôt).
Amortisseur
Le rapport de l’Observatoire souligne à nouveau le rôle d’amortisseur des fluctuations agricoles exercé par l’industrie et la distribution. Ainsi, les prix des produits des industries alimentaires sont restés quasi stables en 2018 par rapport à 2017 (+ 0,2 % selon l’Insee). Les prix sortie industrie sont en légère hausse pour les viandes bovines (+ 2,5 %), et les produits laitiers (+ 1,7 % pour l’ensemble des produits, avec toutefois une baisse sensible du prix du beurre après le record de 2017). En revanche, les prix sortie industrie ont baissé s’agissant de la viande porcine (- 9 % pour les découpes de porc et - 2,2 % pour les jambons), la viande de volaille (- 0,5 %), la farine boulangère pour l’utilisation artisanale (- 0,9 %) et les pâtes alimentaires (- 1,8 %).
Enfin, les travaux de l’Observatoire sur l’euro alimentaire mettent en exergue l’augmentation de la part de la valeur ajoutée des importations dans les dépenses alimentaires – hors restauration - des Français.
En conclusion, souligne Philippe Chalmin, « les prix agricoles, et donc le revenu des producteurs, ne dépendent pas ou bien peu des prix payés par les consommateurs pour des produits alimentaires dont la composante agricole est de plus en plus faible. Les prix des matières premières sont désormais, pour l’essentiel, en prise directe avec le marché mondial et ses fluctuations. Comment parvenir à lisser les fluctuations jusqu’au stade consommateur, dans un contexte de faible élasticité des prix en aval ? La logique contractuelle, assortie de règles du jeu claires, entre industrie et distribution, et élargie quand cela est possible à la production agricole, devrait être la norme et non, comme c’est le cas, l’exception », estime le président de l’Observatoire.
Difficile, dans ces conditions, d’organiser le « ruissellement » prévu par les États-généraux de l’alimentation.
Pesticides
Après l’annulation de l’arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytosanitaires en France, un nouvel arrêté a été adopté le 4 mai 2017. Le Collectif de Soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest et Eva JOLY, le syndicat Solidaires, le Collectif Vigilance OGM Pesticides 16 et Générations Futures ont estimé que ce nouvel arrêté est à tout point de vue en régression par rapport à celui de 2006. Ils se sont donc associés pour engager un recours et pour demander l’annulation de cet arrêté et sa réécriture pour une amélioration de la protection des populations et de la ressource en eau.
Le 5 juin 2019 le rapporteur public devant le Conseil d’État a demandé purement et simplement l’annulation de l’arrêté . La décision du Conseil d’État devrait être rendue prochainement.
De la peau et de l’amidon
Scandale alimentaire ! Depuis l’été 2018, La Croix Rouge , Les Restos du Cœur, le Secours Populaire Français, et la Fédération française des banques alimentaires se sont fait livrer 780 tonnes de « steaks hachés » qui ne contenaient pas un seul gramme de viande. Le pot aux roses a été découvert lorsque ces associations, intriguées par la texture, le goût et la couleur des steaks hachés, ont fait analyser la « viande ». A la place de la viande ils ont trouvé du gras et de la peau mixés avec de l’amidon et du soja.
« C’est un scandale qui vise en plus des personnes en grande précarité », souligne le secrétaire national du Secours Populaire .