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(écrit le 6 août 2003)
Downsizing
« La France ne connaît pas de désindustrialisation, mais une modernisation de son industrie », estime dans une plaquette destinée au grand public, publiée mi-juillet, le ministre délégué à l’industrie. Qu’en termes choisis ces choses-là sont dites ! Downsizing
L’été 2003, du point de vue de l’emploi, est dans la continuité du printemps. Sur les cinq premiers mois de l’année 2003, 21099 entreprises ont déposé leur bilan en France, en hausse de 12,8 % par rapport à la même période de 2002, selon l’assureur crédit Euler-Sfac. Et selon le cabinet Pouey (cité par Le Monde du 13 juin 2003), « Entre janvier 2001 et mars 2003, le nombre de PME de plus de 100 salariés ayant subi un redressement judiciaire a quasiment triplé ». Ainsi, tandis que Sarkozy et consorts amusent la galerie en parlant de réduire l’insécurité, l’emploi se dégrade à grande vitesse.
Depuis début juillet 2003, les choses ne s’arrangent pas :
– Atofina (filiale de Total, chimie) prépare la suppression de 300 emplois. Elle en aura supprimé 1700 en trois ans.
– Alstom a annoncé le 18 juin la suppression de 915 emplois, deux ans après un « plan social » de 590 postes.
– Areva prévoit 140 licenciements
– Solectron a supprimé 438 emplois dans le Pas de Calais et 749 en Gironde et envisage de se délocaliser en Chine
– EADS (secteur aérospatial) va supprimer 350 emplois
– Le groupe pharmaceutique Merck ferme son site de Lyon (350 employés).
– Marine Telecom (sous-traitant d’Alcatel) va supprimer 510 emplois (liquidation judiciaire le 4 juillet).
– Cap Gemini (informatique) va détruire 287 postes en France.
– En moins d’une semaine, le groupe de tabac Altadis a annoncé la suppression de 701 emplois en France d’ici deux ans, le constructeur automobile Peugeot a fait part de son intention de supprimer 500 postes d’intérimaires à Poissy à l’automne, et le fournisseur d’accès à Internet Tiscali a dévoilé, vendredi 25 juillet, un plan de suppression de 162 postes en France.
Le drame c’est que les conditions de production ont beaucoup changé et que cela ira croissant. Huard à Châteaubriant fait actuellement avec moins de 300 personnes, et plus de précision, la même gamme d’activité que jadis avec 1600 salariés : effets de l’automatisation.Les entreprises ne font plus de stocks (les stocks sont dans les camions qui encombrent les routes). Il n’y a donc plus besoin d’emplois de magasiniers. Les rares entreprises de main d’œuvre s’en vont vers les pays en voie de développement.
La finance a pris le pas sur la production (agricole ou industrielle). mécanisation, concentration : on élimine actuellement les ouvriers comme on a éliminé les paysans. Le débat politique important est là actuellement. Mais les partis politiques ne l’ont pas compris encore.
Ah ! A propos. Soyez modernes, parlez anglais. Ne dîtes plus « licenciement », dîtes plutôt « downsizing » (down = descendre, size = dimension) ou mieux : rightsizing (right = bon, size = dimension).
L’industrie fout le camp
Selon les statistiques publiées jeudi 31 juillet 2003 par le ministère des affaires sociales, le nombre de chômeurs de catégorie 1 (immédiatement disponibles à la recherche d’un emploi à durée indéterminée et à temps plein), qui sert de baromètre officiel, s’élève à 2 404 200 personnes, soit une progression de 6,3 % par rapport à fin juin 2002.
Le chômage de catégorie 1 + 6 (prenant en compte les demandeurs d’emploi ayant exercé une activité occasionnelle ou réduite de plus de 78 heures dans le mois) est également en progression de 1,1 %. Sur un an, il progresse de 5,3 %.
Pour la métallurgie, 2003 est déjà une année noire. Elle est, avec le bâtiment, le secteur qui enregistre le plus de défaillances depuis le début de l’année. La fonderie paraître être l’activité la plus exposée :en position de sous-traitant pour les grands groupes, elle souffre particulièrement de la conjoncture actuelle : ralentissement dans l’automobile, hausse de 50 % environ du prix des matières premières depuis un an, et apparition de la concurrence ... chinoise.
Il y a quelques années, les entreprises métallurgiques se délocalisaient vers les Pays de l’Est (Pologne, Tchéquie, Slovaquie). C’est ce qui a failli arriver à l’entreprise Kuhn-Huard de Châteaubriant. Mais, maintenant, les coûts de main d’œuvre de ces pays ne sont pas attractifs par rapport à ceux de la Chine. « L’acier moulé importé de Chine arrive en Allemagne à 1,2 euro le kilo, contre 3 euros pour les produits français » constate le PDG de la Compagnie Française de Moulages et métallurgies (fonderie) qui a déposé le bilan de son atelier de Charleville fin mai 2003. La fonderie Valfond, qui a déposé le bilan de sa filiale d’Argentan (Orne), et de celle de Fumel (Haute Garonne), n’est pas en meilleure posture.
Selon la décision du Tribunal de commerce d’Argentan, en date du 30 juillet 2003, la fonderie APM va licencier 216 salariés dès le début août. Les aides au reclassement, qui se montaient à 12 000 € par salarié, ne seront peut-être pas versées car la somme correspondante a été bloquée par le CIRI (comité interministériel de restructuration industrielle) pour dédommager une partie des créanciers. Habituellement les salariés étaient prioritaires. Le gouvernement change de politique
Ecrit le 10 septembre 2003 :
Il n’y a plus de « monsieur plans sociaux »
Il y a toujours des plans sociaux. La presse en fait état tous les jours. En prenant, dans Ouest-France, la seule journée du 4 septembre, on relève 1784 suppressions de postes :
– 500 licenciements à Avco Marine (St Nazaire)
– 351 suppressions de postes à Comilog (Boulogne sur Mer)
– 52 à la Sochac à Chalonnes
– 229 dans une clinique de Marseille
– 77 intérimaires chez Yoplait (Le Mans)
– 465 salariés permanents et 110 intérimaires chez STMicroelectronics à Rennes
Le gouvernement a mis en place en octobre 2002 la MIME (mission interministérielle sur les mutations économiques), avec à sa tête M. Claude Viet, alias « Monsieur Plans sociaux », chargé de coordonner l’action des pouvoirs publics en vue de prévenir les restructurations d’entreprises.
Ce M. VIET qui a longtemps été privé de tout moyen de fonctionner (il n’avait même pas de bureau), a été prié de quitter son poste le 1er septembre 2003 (soit 11 mois après sa nomination) et de retourner travailler à la Poste où il était, avant, directeur général.
Pour le consoler de ce renvoi, le ministère des affaires sociales rappelle « les grandes qualités qu’il a toujours su mettre en œuvre au service de l’intérêt général ». Un enterrement avec des fleurs.
Les victimes de plans sociaux, elles, sont expédiées avec moins d’égards et ne retrouvent pas d’emploi de directeur ...
Ecrit le 2 septembre 2003
Un jour férié pour les vieux ?
L’idée avancée par le gouvernement de supprimer un jour férié pour financer l’aide aux personnes âgées séduit la droite et le Medef, qui, depuis, des années, cherche à rogner ces fameux jours fériés.
Le nombre de jours fériés en France se situe dans une honnête moyenne (onze par an, contre seize en Espagne, douze au Royaume Uni, dix en Finlande et Belgique et Italie)
Le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière juge « formidable » cette idée de régler un problème en « travaillant plus ». Edouard Balladur propose de supprimer deux jours. Ironique, le syndicat FO-défense suggère d’allonger la durée de l’heure, de ne fêter Noë l que tous les quatre ans ou de regrouper les fêtes militaires. Christophe Girard (Vert) propose de supprimer le 25 décembre, et d’envisager de faire travailler les enfants.
Les économistes sont plutôt dubitatifs. A l’Observatoire français des conjonctures économiques, on craint que, « dans le contexte actuel d’économie freinée », les entreprises ne soient plutôt tentées de licencier que d’augmenter la production.
Et si on créait une vignette pour les vieux ? On la collerait sur le pare-brise ...
Ecrit le 17 septembre 2003 :
Les 35 heures compromises
En appelant les salariés à supprimer un jour férié, . Raffarin ouvre la voie à une renégociation des lois Aubry, et à une remise en cause des 35 heures que le Medef réclame depuis des mois.
En effet la mobilisation des salariés durant un jour supplémentaire va modifier la durée légale du travail en France - actuellement fixée à 35 heures hebdomadaires ou à 1 600 heures par an. Or c’est sur cette durée, au-delà de laquelle les heures travaillées doivent être rémunérées en heures supplémentaires, que sont fondés les accords de branches et d’entreprises négociés à partir de l’adoption des lois Aubry (en 1998 et en 2000). Deux ministres l’ont confié au journal Le Monde, après la publication des déclarations de M. Raffarin, et quasiment dans les mêmes termes : « L’idée de supprimer un jour férié a au moins un mérite : elle permet de revenir sur les 35 heures. » C’est clair.
Actuellement les 11 jours fériés légaux prévus par le Code du travail, sont, dans la plupart des sociétés, à la fois « chômés » - c’est-Ã -dire non travaillés - et payés, en vertu d’accords collectifs ou par usage. La décision de faire travailler les Français un jour de plus ouvre la voie à une renégociation des conventions collectives et des accords d’entreprises.
De gré ou de force
Le patronat dispose visiblement du soutien du gouvernement : « Si les renégociations s’avéraient impossibles, explique-t-on au ministère des affaires sociales, le législateur pourrait, au nom de l’intérêt général, imposer une modification des textes. » Une « disposition d’ordre public social » pourrait alors majorer de 7 heures (ou d’une journée) la durée du travail. Autrement dit : dans un cas comme dans l’autre, par la négociation ou par la loi, la fin des 35 heures est annoncée.
Qui paiera quoi ?
Le Medef en fait une condition sine qua non à l’acceptation de l’effort de solidarité réclamé par le premier ministre. Nul ne sait encore par quel mécanisme les fonds dégagés au nom de la « fraternité nationale », selon l’expression de M. Raffarin, pourront atterrir dans les caisses de l’Etat.
Le cadre fixé par le premier ministre ménage en effet deux hypothèses :
– celle d’un surcroît de cotisations patronales
– et celle d’une contribution des entreprises sur la richesse dégagée par cet effort supplémentaire.
Si les chefs d’entreprise sont prêts à y souscrire, c’est d’abord parce qu’elle signifie, à leurs yeux, la fin des 35 heures, déjà assouplis par François Fillon. (il n’est pas dans leurs habitudes d’accepter une hausse de leurs cotisations). Sans doute aussi leur a-t-on promis, sans le dire, la suppression rapide de cette cotisation supplémentaire. Il ne resterait alors que la perte des 35 heures ! Et le tour serait joué.
Le 1er septembre 2003, dans Le Parisien, le président du groupe UMP de l’Assemblée nationale, Jacques Barrot, proposait, lui, que la durée du travail soit définie « dans un cadre contractuel », précisant : « La loi devra définir les impératifs de repos et laisser aux partenaires sociaux le soin de négocier eux-mêmes la durée du travail. » A chaque fois que l’on laisse ainsi le champ libre à la seule négociation, sans les garde-fous fixés par la loi, les salariés ont tout à y perdre.
Dans un entretien publié par Le Figaro, M. Raffarin lui-même s’est dit « favorable à tout ce qui peut avancer par la voie de la négociation sociale » à propos de la durée du temps de travail et a ajouté vouloir « réhabiliter le travail plutôt que l’impôt ».
Tout ça ne sont que des mots, des « raffarinades » car, dans les faits, le chômage est revenu au premier rang des préoccupations des Français. Plus de 2,4 millions de personnes cherchent vainement un emploi, soit 9,6 % de la population active. La barre symbolique de 10 % semble devoir être irrémédiablement franchie dans les prochains mois. Pour la première fois depuis dix ans, l’économie française a détruit 60 000 postes dans le secteur concurrentiel au premier semestre.
Le gouvernement est en plein désarroi, les factures impayées s’accumulent dramatiquement dans les ministères (voir Le Canard Enchaîné du 10 septembre). Sur le plan économique, le gouvernement hésite et tâtonne (baisse des impôts en espérant que les ménages consommeront plus, petites aides aux entreprises en espérant qu’elles investiront) et, surtout, laisse filer à vau-l’eau le déficit budgétaire quitte à provoquer une très grave crise avec nos partenaires européens.
Ecrit le 17 septembre 2003 :
Cocorico
Selon Ouest-France et le Ministère du Travail (annonce du 11 septembre) la France a recommencé à créer des emplois : une progression de « zéro virgule, zéro, zéro et des poussières » avec un solde positif de 7000 postes créés dans le privé. Mais avec les milliers d’emplois qui seront prochainement non remplacés dans la fonction publique, à la SNCF et ailleurs, on est bien ! Le régime de l’assurance chômage n’a jamais autant compté d’allocataires (2,53 millions) malgré les radiations effectuées par les ASSEDIC et les diminutions de durée d’indemnisation.
Couac
La production manufacturière française a reculé de 1,9 % sur un an, tandis que la production industrielle (avec énergie et industries agroalimentaires) a baissé de 0,3% en juillet et de 1,5 % sur un an, selon les données corrigées des variations saisonnières publiées par l’Insee.
Parmi les différents secteurs manufacturiers français, les biens de consommation sont en hausse de +2,3% : produits pharmaceutiques, de parfumerie et d’entretien (+3,5%), imprimerie-édition (+1,6%), équipements du foyer (+1,3%). L’industrie automobile est en hausse en juillet (+0,5%), et les biens d’équipement aussi (+0,3%).
L’habillement-cuir est en baisse (-1,7%). Les biens intermédiaires sont en repli (-0,6%) sur l’ensemble des branches, à l’exception des produits minéraux (+1,4%) et du papier-carton (+1,3%). Sont en baisse les produits de l’industrie textile (-2,8%), les métaux et produits métalliques (-1,2%), les produits chimiques, en caoutchouc ou en plastique (-1%) et les composants électriques et électroniques (-0,4%). Par ailleurs, les industries agricoles et alimentaires baissent (-0,7%) ainsi que l’énergie (-2,2%). Seule la construction progresse de 0,1%.