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Ecrit le 11 décembre 2002
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Carte du Pays de Châteaubriant
Les industriels castelbriantais prendront-ils le maquis ?
En invitant Michel Houdebine pour une réunion à Châteaubriant, l’ADIC (association des industriels), que dirige Jean Paul Pierres, a fait fort, aussi bien sur l’intervenant que sur les propos qu’il a tenus.
Entrepreneur, breton et engagé
L’homme d’abord : Michel Houdebine, 55 ans, se définit lui-même comme « entrepreneur, breton et engagé ». Entrepreneur : il est PDG d’une entreprise de 500 personnes et président des industriels du Pays de Pontivy. - Breton : il est breton de cœur depuis qu’il est venu aider à débarrasser les plages de Bretagne, avec une pelle et une poubelle, lors de la marée noire du Torrey Canyon. Il est aussi administrateur du festival interceltique de Lorient - engagé : il est conseiller municipal de sa commune de Noyal-Pontivy et membre de diverses associations.
Et qu’a-t-il dit ? Qu’il est d’une région à la limite des Côtes du Nord et du Morbihan, entre un pays de tradition bretonne et un pays de tradition gallèse, entre des élus de couleur « rose » et des élus « blancs », au milieu de la Bretagne, au milieu de tout, au milieu de rien. Cette région, comme la nôtre souffrait d’un manque de routes importantes, d’un manque de structures universitaires, et même (ce qui n’est pas notre cas), d’un manque de structures médicales.
Or il se trouve qu’il va y avoir là -bas, prochainement, « le Triskell » = 170 km de routes à 4 voies, nord-sud (alors que les grands axes bretons sont plutôt est-ouest), et un IUT en matière agro-alimentaire. De plus le taux de chômage est réduit à 5 %. Que s’est-il passé ?
Réseau et pressions
Michel Houdebine a expliqué comment, dans la région de Pontivy, les industriels se sont organisés en réseaux et ont fait pression sur les élus (politiques) et sur les administrations. Il a pris alors l’image de l’armée :
– l’armée traditionnelle, d’organisation pyramidale, avec un chef à qui l’on doit obéir sans discuter. « Ca marche, mais quand le chef se trompe c’est la catastrophe »
– et « le maquis », organisation horizontale, dont tous les membres occupent le terrain et communiquent sans cesse entre eux. Il a cité par exemple « le Vietnam tenant tête à la puissante armée américaine », mais aussi les maquis de la guerre de 39-45, ceux d’Indochine, d’Afghanistan, de Tchétchénie, etc.
Pour lui, la seule solution pour impulser un développement local, c’est la culture de « maquis » du réseau : responsabilité, indépendance, solidarité - lutte contre l’isolement, l’éparpillement, l’individualisme - être solidaire et non solitaire - partager - privilégier les alliances, bâtir des projets communs.
Avec des pancartes
Pour lui, un « maquis économique » suppose l’existence
– d’une spécialisation économique (une performance)
– d’un territoire
– et d’une envie de créer
« Je crois à la force du territoire, c’est là où commence la vie » a-t-il dit en ajoutant qu’il faut « développer notre pays et vivre heureux »
Au delà des mots et de l’enthousiasme qu’il a su communiquer, il a montré très concrètement comment les industriels du pays de Pontivy se sont mobilisés par des études, des interventions, des communiqués de presse (même sur des sujets qui, théoriquement, ne les concernent pas directement, comme la santé). Les industriels de Pontivy sont allés jusqu’à mettre des pancartes sur les routes ! (il leur a d’ailleurs été dit, à l’époque, que cela ne se faisait pas, entre gens de bonne compagnie !).
Pas innocent
A part quelques personnes qui, dans la salle, ne veulent pas entendre ce langage, et à part ceux qui, parmi les élus, sont régulièrement et singulièrement absents, la plupart des auditeurs de Michel Houdebine, étaient tout ouïe, chacun sentant bien que ce qu’il disait touchait à un point sensible de la région de Châteaubriant : la tentation de l’isolement. Cette conférence, organisée par l’ADIC, était tout sauf innocente. C’était le moyen de montrer publiquement, à des élus réticents, qu’un « pays » ça doit marcher et servir le développement local.
« Comment avez-vous fait pour dépasser les frontières des communes, des Communautés de Communes et arriver à construire un pays autour de projets communs » a-t-il été demandé à Michel Houdebine. Mais ce n’est pas l’histoire de Pontivy qui intéressait, mais l’exemple qu’elle peut donner pour la région de Châteaubriant. Car la tentation de l’isolement est le noeud du problème à Châteaubriant. Les responsables de la Maison de l’Agriculture le pensent très fort . Les responsables de l’ADIC aussi. Alors qu’est-ce qu’ils attendent pour bouger ?
Pudeurs de fillette
« Bouger, ce n’est pas dans notre culture » nous a dit l’un d’eux. « C’est le travail des politiques » nous a dit un autre. L’exemple de Pontivy montre que des industriels peuvent bouger, doivent bouger
D’ailleurs, que risquent-ils, eux ? Pas de perdre leur emploi. Pas de perdre un marché.
Au contraire, ils risquent d’impulser un développement qui les servira. Alors, de quoi ont-ils peur ? Est-ce de risquer un coup d’Å“il mauvais de la part des politiques en place ? Est-ce d’utiliser des méthodes de pression qu’ils pensent réservées à « la France d’en bas » ?.
Des responsables de l’ADIC sont convaincus qu’il y a quelque chose à faire, pour que la Communauté de Communes de Châteaubriant résiste à la tentation d’un isolement désastreux - qu’il y a quelque chose à faire pour que les élus prennent leurs responsabilités et ne démissionnent pas de leurs pouvoirs dans les mains de deux ou trois personnes.
Mais ces responsables de l’ADIC sauront-ils dépasser leurs « pudeurs de fillette » ? Sauront-ils prendre le risque ( ?) de parler ou préfèrent-ils se réserver, pour plus tard, le droit de geindre, quand justement il sera trop tard ? « Vivre et se développer avec d’autres plutôt que de mourir seul » a dit Michel Houdebine.