Ecrit le 16 mars 2011
63 ans après : des licenciements reconnus illégaux
La Cour d’appel de Versailles, le 10 mars 2011, a donné raison à 17 anciens mineurs de la région (représentés parfois par les veuves ou les ayants-droits) licenciés pour faits de grèves en 1948. Chacun a obtenu 30 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral suite à un licenciement jugé discriminatoire.
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La grève de 1948 avait été lancée contre des décrets modifiant le statut des mineurs... établi deux ans auparavant. « C’était une atteinte à notre dignité, à tout ce que nous avions obtenu depuis la Libération, nous qui avions vaincu l’arrogance des anciens patrons des mines », raconte Norbert Gilmez, 90 ans, un des derniers survivants. « Les décrets s’en prenaient à nos salaires alors que nos conditions de vie, de ravitaillement, de travail, étaient terribles. Ils remettaient en place des mesures disciplinaires qui avaient disparu. Ils nous enlevaient la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles pour la confier à la direction, qui allait juger elle-même si elle devait indemniser un mineur atteint de silicose ! La grève a été décidée démocratiquement par une majorité de mineurs ».
« Le gouvernement a envoyé l’armée pour calmer les mineurs, il y avait des tanks dans les cités minières », se remémore Marcel Barrois, dirigeant emblématique de l’union régionale des mineurs CGT, qui avait 22 ans à l’époque. La suite a été dramatique : le mouvement s’est affaibli et la grève s’est soldée par le licenciement de plus de 3 000 gueules noires. « Ceux qui n’ont pas été licenciés ont été convoqués pour des travaux pénibles, et ceux qui ont été licenciés ont bradé une partie de leur vie car à l’époque, le reclassement a été difficile », explique l’ancien leader syndical qui rappelle qu’en plus du licenciement, les mineurs ont perdu tous leurs avantages, du logement au chauffage, en passant par leur régime minier de sécurité sociale.
En plus du drame social, cette vague de licenciement a été vue comme une véritable trahison. « Les mineurs licenciés étaient souvent les plus engagés, la plupart avaient été déportés pendant la guerre car ils étaient résistants », se révolte encore Marcel Barrois. « C’était une insulte pour la profession minière, surtout quand on sait la place et le rôle des mineurs dans la reconstruction économique de la France », s’emporte M. Barrois.
Les années d’après 1948 ont été noires : suppression des comités d’entreprise des Houillères, exclusion des représentants syndicaux aux conseils d’administration, etc. « Cette grève de 1948 a été l’une des plus méchantes », conclut Marcel Barrois.
Aujourd’hui, plus de soixante ans après, la justice a donc reconnu que ces licenciements pour faits de grèves ont bien été « discriminatoires » car deux ans avant 1948, le préambule de la Constitution de 1946 reconnaissait bien, lui, le droit de grève. Slim Ben Achour, l’un des quatre avocats qui a porté le dossier, a salué « une magnifique victoire pour la dignité des familles et le courage de la cour d’appel de reconnaître cet aspect discriminatoire. » L’avocat s’est appuyé sur des lois de 1984 et 2004 pour éviter la prescription et faire reconnaître les droits sociaux des mineurs licenciés en 1948. Une décision qui pourrait faire jurisprudence. « J’espère que ça va ouvrir des portes, a confié Marcel Barrois. C’est une très bonne nouvelle, je n’y croyais plus, et nous allons nous battre pour que d’autres familles puissent bénéficier de cette reconnaissance. » « ¢ »Le champ des possibles s’ouvre considérablement« en matière de discrimination, ont indiqué les avocats des mineurs. En l’occurrence, »c’est la révélation des faits qui permet à la personne de pouvoir engager une procédure, aussi tardive soit-elle puisque là c’est 60 ans. C’est extraordinaire".
(d’après des articles de La Voix du Nord)
Quelques éléments :
– http://www.ihs.cgt.fr/IMG/pdf_DOSSIER-3.pdf