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Ecrit le 5 avril 2020
Boris Vian aurait eu 100 ans le 10 mars 2020. Un lecteur nous suggère de publier Le déserteur et la lettre que Boris Vian a écrite à M. Faber en expliquant le sens de sa chanson.
Paroles de la chanson Le Deserteur par Boris Vian
Monsieur le président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir.
Monsieur le président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer de pauvres gens.
C’est pas pour vous fâcher,
Il faut que je vous dise,
Ma décision est prise,
Je m’en vais déserter.
Depuis que je suis né,
J’ai vu mourir mon père,
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants.
Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers.
Quand j’étais prisonnier,
On m’a volé ma femme,
On m’a volé mon âme,
Et tout mon cher passé.
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes,
J’irai sur les chemins.
Je mendierai ma vie
Sur les routes de France,
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens :
" Refusez d’obéir,
Refusez de la faire,
N’allez pas à la guerre,
Refusez de partir."
S’il faut donner son sang,
Allez donner le vôtre,
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le président.
Si vous me poursuivez,
prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer. *
Censure
(source : Wikipedia)
Boris Vian a publié sa chanson en 1954 à la fin de la guerre d’Indochine (1946-1954) alors que la contre-offensive française face aux troupes du général Võ Nguyên Giáp conduit à la défaite française de Diên Biên Phu où 1 500 soldats français sont tués. Pierre Mendès France doit ouvrir des négociations qui conduisent aux accords de Genève, signés le 21 juillet 1954. Le Vietnam, le Laos et le Cambodge deviennent indépendants. Puis en novembre 1954, la Toussaint rouge marque le début de la guerre d’Algérie (1954-1962)8.
En 1953, la chanson Quand un soldat, datée de 1952, chantée par Yves Montand et écrite par Francis Lemarque est interdite. Les affaires Henri Martin et Raymonde Dien font scandale.
Peu après sa sortie, la chanson est interdite de diffusion à la radio pour « antipatriotisme », notamment à cause de son dernier couplet. Paul Faber, conseiller municipal de la Seine, avait été choqué par le passage à la radio de cette chanson, et avait demandé qu’elle soit censurée en janvier 1955. En guise de réponse, Boris Vian écrit une mémorable « Lettre ouverte à Monsieur Paul Faber » qu’il adresse pour diffusion à France-Dimanche ; toutefois cette lettre n’est publiée qu’Ã titre posthume. En 1958, la radiodiffusion et la vente de ce chant antimilitariste furent interdites, Boris Vian se voyant, de plus, refuser par son éditeur la partition de la première version de la chanson. L’interdiction fut levée en 1962 après la guerre d’Algérie2.
Dans les années 1965-1970, pendant la guerre du Viêt Nam, la chanson a été utilisée pendant des marches pacifistes et interprétée par Joan Baez et Peter, Paul and Mary. En 1991, elle a également été utilisée durant des manifestations contre l’intervention occidentale dans la guerre du Golfe. Renaud adapte (une seconde fois), la chanson qu’il publie dans L’Idiot international le 9 janvier 1991. En conséquence, la chanson pacifiste est inscrite sur la liste de proscription des radios.
Mais le sujet reste brûlant : une directrice des écoles à Montluçon, Mme Pinon, fut suspendue à vie de toute direction d’établissement pour l’avoir fait chanter à deux élèves le 8 mai 1999 pour commémorer la capitulation allemande du 8 mai 1945.
La chanson
Le déserteur, chantée par Boris Vian
La lettre à Faber
Cher Monsieur,
Vous avez bien voulu attirer les rayons du flambeau de l’actualité sur une chanson fort simple et sans prétention, Le déserteur, que vous avez entendue à la radio et dont je suis l’auteur. Vous avez cru devoir prétendre qu’il s’agissait là d’une insulte aux anciens combattants de toutes les guerres passées, présentes et à venir.
Vous avez demandé au préfet de la Seine que cette chanson ne passe plus sur les ondes. Ceci confirme à qui veut l’entendre l’existence d’une censure à la radio et c’est un détail utile à connaître.
Je regrette d’avoir à vous le dire, mais cette chanson a été applaudie par des milliers de spectateurs et notamment à l’Olympia (3 semaines) et à Bobino (15 jours) depuis que Mouloudji la chante ; certains, je le sais. l’ont trouvée choquante : ils étaient très peu nombreux et je crains qu’ils ne l’aient pas comprise. Voici quelques explications à leur usage.
De deux choses l’une : ancien combattant, vous battez-vous pour la paix ou pour le plaisir ?
Si vous vous battiez pour la paix, ce que j’ose espérer, ne tombez pas sur quelqu’un qui est du même bord que vous et répondez à la question suivante : si l’on n’attaque pas la guerre pendant la paix, quand aura-t-on le droit de l’attaquer ?
Ou alors vous aimiez la guerre — et vous vous battiez pour le plaisir ? C’est une supposition que je ne me permettrais pas même de faire, car pour ma part, je ne suis pas du type agressif. Ainsi cette chanson qui combat ce contre quoi vous avez combattu, ne tentez pas, en jouant sur les mots, de la faire passer pour ce qu’elle n’est pas : ce n’est pas de bonne guerre.
Car il y a de bonnes guerres et de mauvaises guerres — encore que le rapprochement de « bonne » et de « guerre » soit de nature à me choquer, moi et bien d’autres, de prime abord — comme la chanson a pu vous choquer de prime abord.
Appellerez-vous une bonne guerre celle que l’on a tentée de faire mener aux soldats français en 1940 ? Mal armés, mal guidés, mal informés, n’ayant souvent pour toute défense qu’un fusil dans lequel n’entraient même pas les cartouches qu’on leur donnait (Entre autres, c’est arrivé à mon frère aîné en mai 1940.), les soldats de 1940 ont donné au monde une leçon d’intelligence en refusant le combat : ceux qui étaient en mesure de le faire se sont battus — et fort bien battus : mais le beau geste qui consiste à se faire tuer pour rien n’est plus de mise aujourd’hui que l’on tue mécaniquement ; il n’a même plus valeur de symbole, si l’on peut considérer qu’il l’ait eu en imposant au moins au vainqueur le respect du vaincu.
D’ailleurs mourir pour la patrie, c’est fort bien : encore faut-il ne pas mourir tous — car où sera la patrie ? Ce n’est pas la terre — ce sont les gens, la patrie (Le général de Gaulle ne me contredira pas sur ce point, je pense.). Ce ne sont pas les soldats : ce sont les civils que l’on est censé défendre — et les soldats n’ont rien de plus pressé que de redevenir civils, car cela signifie que la guerre est terminée.
Au reste si cette chanson peut paraître indirectement viser une certaine catégorie de gens. Ce ne sont à coup sûrpas les civils : les anciens combattants seraient-ils des militaires ? Et voudriez-vous m’expliquer ce que vous entendez, vous, par ancien combattant ? « Homme qui regrette d’avoir été obligé d’en venir aux armes pour se défendre » ou « homme qui regrette le temps où I’on combattait » — Si c’est « homme qui a fait ses preuves de combattant », cela prend une nuance agressive. Si c’est « homme qui a gagne une guerre », c’est un peu vaniteux.
Croyez-moi... « ancien combattant », c’est un mot dangereux ; on ne devrait pas se vanter d’avoir fait la guerre, on devrait le regretter — un ancien combattant est mieux placé que quiconque pour haïr la guerre. Presque tous les vrais déserteurs sont des « anciens combattants » qui n’ont pas eu la force d’aller jusqu’Ã la fin du combat. Et qui leur jettera la pierre ?
Non... si ma chanson peut déplaire, ce n’est pas à un ancien combattant, cher monsieur Faber. Cela ne peut être qu’à une certaine catégorie de militaires de carrière ; jusqu’à nouvel ordre, je considère l’ancien combattant comme un civil heureux de l’être. Il est des militaires de carrière qui considèrent la guerre comme un fléau inévitable et s’efforcent de l’abréger. Ils ont tort d’être militaires, car c’est se déclarer découragé d’avance et admettre que l’on ne peut prévenir ce fléau — mais ces militaires-là sont des hommes honnêtes. Bêtes mais honnêtes. Et ceux-là non plus n’ont pas pu se sentir visés. Sachez-le, certains m’ont félicité de cette chanson.
Malheureusement, il en est d’autres. Et ceux-là , si je les ai choqués, j’en suis ravi. C’est bien leur tour. Oui, cher monsieur Faber, figurez-vous, certains militaires de carrière considèrent que la guerre n’a d’autre but que de tuer les gens. Le général Bradiey par exemple, dont J’ai traduit les mémoires de guerre, le dit en toutes lettres. Entre nous, les neuf dixièmes des gens ont des idées fausses sur ce type de militaire de carrière. L’histoire telle qu’on l’enseigne est remplie du récit de leurs inutiles exploits et de leurs démolitions barbares ; j’aimerais mieux — et nous sommes quelques-uns dans ce cas — que l’on enseignât dans les écoles la vie d’Eupalinos ou le récit de la construction de Notre-Dame plutôt que la vie de césar ou que le récit des exploits astucieux de Gengis Khan. Le bravache a toujours su forcer le civilisé à s’intéresser à son inintéressante personne ; où l’attention ne naît pas d’elle-même, il faut bien qu’on l’exige, et quoi de plus facile lorsque l’on dispose des armes. On ne règle pas ces problèmes en dix lignes : mais l’un des pays les plus civilisés du monde, la Suisse, les a résolus, je vous le ferai remarquer, en créant une armée de civils ; pour chacun d’eux, la guerre n’a qu’une signification : celle de se défendre. Cette guerre-là , c’est la bonne guerre. Tout au moins la seule inévitable. Celle qui nous est imposée par les faits.
Non, monsieur Faber, ne cherchez pas l’insulte où elle n’est pas et si vous la trouvez, sachez que c’est vous qui l’y aurez mise. Je dis clairement ce que je veux dire : et jamais je n’ai eu le désir d’insulter les anciens combattants des deux guerres, les résistants, parmi lesquels je compte bien des amis, et les morts de la guerre - parmi lesquels j’en comptais bien d’autres. Lorsque j’insulte (et cela ne m’arrive guère) je le fais franchement, croyez-moi. Jamais je n’insulterai des hommes comme moi, des civils, que l’on a revêtus d’un uniforme pour pouvoir les tuer comme de simples objets, en leur bourrant le crâne de mots d’ordre vides et de prétextes fallacieux.
Se battre sans savoir pourquoi l’on se bat est le fait d’un imbécile et non celui d’un héros ; le héros, c’est celui qui accepte la mort lorsqu’il sait qu’elle sera utile aux valeurs qu’il défend. Le déserteur de ma chanson n’est qu’un homme qui ne sait pas ; et qui le lui explique ? Je ne sais de quelle guerre vous êtes ancien combattant - mais si vous avez fait la première, reconnaissez que vous étiez plus doué pour la guerre que pour la paix ; ceux qui, comme moi, ont eu 20 ans en 1940 ont reçu un drôle de cadeau d’anniversaire. Je ne pose pas pour les braves : ajourné à la suite d’une maladie de cœur, je ne me suis pas battu, je n’ai pas été déporté, je n’ai pas collaboré — je suis resté, quatre ans durant, un imbécile sous-alimenté parmi tant d’autres — un qui ne comprenait pas parce que pour comprendre, il faut qu’on vous explique.
J’ai trente-quatre ans aujourd’hui, et je vous le dis : s’il s’agit de tomber au hasard d’un combat ignoble sous la gelée de napalm, pion obscur dans une mêlée guidée par des intérêts politiques, je refuse et je prends le maquis. Je ferai ma guerre à moi. Le pays entier s’est élevé contre la guerre d’Indochine lorsqu’il a fini par savoir ce qu’il en était, et les jeunes qui se sont fait tuer là -bas parce qu’ils croyaient servir à quelque chose — on le leur avait dit — je ne les insulte pas, je les pleure ; parmi eux se trouvaient, qui sait, de grands peintres, de grands musiciens, et à coup sûr, d’honnêtes gens.
Lorsque l’on voit une guerre prendre fin en un mois par la volonté d’un homme qui ne se paie pas, sur ce chapitre, de mots fumeux et glorieux, on est forcé de croire, si l’on ne l’avait pas compris, que celle-là au moins n’était pas inévitable. Demandez aux anciens combattants d’Indochine — à Philippe de Pirey, par exemple (Opération Sachis, chez Julliard) — ce qu’ils en pensent. Ce n’est pas moi qui vous le dis — c’est quelqu’un qui en revient — mais peut-être ne lisez-vous pas. Si vous vous contentez de la radio, évidemment, vous n’êtes pas gâté sur le chapitre des informations. Comme moyen de progression culturelle, c’est excellent en théorie la radio ; mais ce n’est pas très judicieusement employé.
D’ailleurs, je pourrais vous chicaner. Qui êtes-vous, pour me prendre à partie comme cela, monsieur Faber ? Vous considérez-vous comme un modèle ? Un étalon de référence ? Je ne demande pas mieux que de le croire — encore faudrait-il que je vous connusse. Je ne demande pas mieux que de faire votre connaissance mais vous m’attaquez comme cela, sournoisement, sans même m’entendre (car j’aurais pu vous expliquer cette chanson, puisqu’il vous faut un dessin). Je serai ravi de prendre exemple sur vous si je reconnais en vous les qualités admirables que vous avez, je n’en doute pas, mais qui ne sont guère manifestées jusqu’ici puisque je ne connais de vous qu’un acte d’hostilité à l’égard d’un homme qui essaie de gagner sa vie en faisant des chansons pour d’autres hommes. Je veux bien suivre Faber, moi. Mais les hommes de ma génération en ont assez des leçons ; ils préfèrent ses exemples. Jusqu’ici je me suis contenté de gens comme Einstein, pour ne citer que lui - tenez, voici ce qu’il écrit des militaires, Einstein...
« ... Ce sujet m’amène à parler de la pire des créations : celle des masses armées, du régime militaire, que je hais ; je méprise profondément celui qui peut, avec plaisir, marcher en rangs et formations, derrière une musique : ce ne peut être que par erreur qu’il a reçu un cerveau ; une moelle épinière lui suffirait amplement. On devrait, aussi rapidement que possible, faire disparaître cette honte de la civilisation. L’héroïsme sur commande, les voies de faits stupides, le fâcheux esprit de nationalisme, combien Je hais tout cela : combien la guerre me paraît ignoble et méprisable ; J’aimerais mieux me laisser couper en morceaux que de participer à un acte aussi misérable. En dépit de fout. Je pense tant de bien de l’humanité que Je suis persuadé que ce revenant aurait depuis longtemps disparu si le bon sens des peuples n’était pas systématiquement corrompu, au moyen de l’école et de la presse, par les intéressés du monde politique et du monde des affaires. »
Attaquerez-vous Einstein, Monsieur Faber ? C’est plus dangereux que d’attaquer Vian, je vous préviens... Et ne me dites pas qu’Einstein est un idiot : les militaires eux-mêmes vont lui emprunter ses recettes, car ils reconnaissent sa supériorité, voir chapitre atomique. Ils n’ont pas l’approbation d’Einstein, vous le voyez - ce sont de mauvais élèves ; et ce n’est pas Einstein le responsable d’Hiroshima ni de l’empoisonnement lent du Pacifique. Ils vont chercher leurs recettes chez lui et s’empressent d’en oublier le mode d’emploi : les lignes ci-dessus montrent bien qu’elles ne leur étaient pas destinées.
Vous avez oublié le mode d’emploi de ma chanson, monsieur Faber : mais je suis sans rancune, je suis prêt à vous échanger contre Einstein comme modèle à suivre si vous me prouvez que j’y gagne. C’est que je n’achète pas chat en poche.
Il y a encore un point sur lequel j’aurais voulu ne pas insister, car il ne vous fait pas honneur ; mais vous avez déclenché publiquement les hostilités ; vous êtes l’agresseur. Pour tout vous dire, je trouve assez peu glorieuse — s’il faut parler de gloire — la façon dont vous me cherchez noise.
Auteur à scandale (pour les gens qui ignorent les brimades raciales), ingénieur renégat, ex-musicien de Jazz, ex-tout ce que vous voudrez (voir la presse de l’époque), je ne pèse pas lourd devant monsieur Paul Faber, conseiller municipal. Je suis une cible commode ; vous ne risquez pas grand-chose. Et vous voyez, pourtant. Loin de déserter, j’essaie de me défendre. Si c’est comme cela que vous comprenez la guerre, évidemment, c’est pour vous une opération sans danger ? Mais alors pourquoi tous vos grands mots ? N’importe qui peut déposer une plainte contre n’importe qui — même si le second a eu l’approbation de la majorité. C’est généralement la minorité grincheuse qui proteste — et les juges lui donnent généralement raison, vous le savez ; vous Jouez à coup sûr. Vous voyez, je ne suis même pas sûrque France-dimanche, à qui je l’adresse, publie cette lettre : que me restera-t-il pour lutter contre vos calomnies ?
Ne vous battez pas comme ça, monsieur Faber, et croyez-moi : si je sais qu’il est un lâche, je ne me déroberai jamais devant un adversaire, même beaucoup plus puissant que moi ; puisque c’est moi qui clame la prééminence de l’esprit sur la matière et de l’intelligence sur la brutalité, il m’appartiendra d’en faire la preuve — et si j’échoue, j’échouerai sans gloire, comme tous les pauvres gars qui dorment sous un mètre de terre et dont la mort n’a vraiment pas servi à donner aux survivants le goût de la paix.
Mais de grâce, ne faites pas semblant de croire que lorsque j’insulte cette ignominie qu’est la guerre, j’insulte les malheureux qui en sont les victimes : ce sont des procédés caractéristiques de ceux qui les emploient que ceux qui consistent à faire semblant de ne pas comprendre ; et plutôt que de vous prendre pour un hypocrite j’ose espérer qu’en vérité, vous n’aviez rien compris et que la présente lettre dissipera heureusement les ténèbres.
Et un conseil : si la radio vous ennuie, tournez le bouton ou donnez votre poste ; c’est ce que j’ai fait depuis six ans ; choisissez ce qui vous plaît, mais laissez les gens chanter, et écouter ce qui leur plaît. C’est bien la liberté en général que vous défendiez quand vous vous battiez, ou la liberté de penser comme monsieur Faber ?
Bien cordialement, Boris Vian
Pauvre Boris
Ecrite avant tout en réaction à l’enregistrement du « déserteur » par Richard Anthony puis par le groupe pseudo rock Les Sunligths, cette chanson dénonce ce chaubiz qui ne recule devant rien pour faire des sous. Bref, Ferrat envoie quelques scuds et ça déménage peut-être un peu mais grâce à une mélodie toute en douceur (Ã la Ferrat quoi), ça ne gratte pas trop et ça ne devrait pas -chers auditrices zé auditeurs- trop offusquer les uns ou les autres. Quoique...Et bien, tant pis !
Bonne écoute.
Tu vois rien n’a vraiment changé
Depuis que tu nous a quittés
Les cons n’arrêtent pas de voler
Les autres de les regarder
Si l’autre jour on a bien ri
Il paraît que « Le déserteur »
Est un des grands succès de l’heure
Quand c’est chanté par Anthony
Pauvre Boris
Voilà quinze ans qu’en Indochine
La France se déshonorait
Et l’on te traitait de vermine
De dire que tu n’irais jamais
Si tu les vois sur leurs guitares
Ajuster tes petits couplets
Avec quinze années de retard
Ce que tu dois en rigoler
Pauvre Boris
Ils vont chercher en Amérique
La mode qui fait des dollars
Un jour ils chantent des cantiques
Et l’autre des refrains à boire
Et quand ça marche avec Dylan
Chacun a son petit Vietnam
Chacun son nègre dont les os
Lui déchirent le cœur et la peau
Pauvre Boris
On va quitter ces pauvres mecs
Pour faire une java d’enfer
Manger la cervelle d’un évêque
Avec le foie d’un militaire
Faire sauter à la dynamite
La Bourse avec le Panthéon
Pour voir si ça tuera les mythes
Qui nous dévorent tout du long
Pauvre Boris
Tu vois rien n’a vraiment changé
Depuis que tu nous a quittés