Ecrit le 9 janvier 2008
La loi dit : la durée légale du travail est de 35 heures par semaine. Cela veut dire, tout simplement, que la 36e heure est une heure supplémentaire qui doit être payée plus cher que les 35 premières heures.
légal n’est pas maxi
Durée légale, cela ne veut pas dire : durée maximum, ni même durée effective. On connaît beaucoup d’entreprises qui tra-vaillent plus de 35 heures. Le contingent d’heures supplémentaires autorisées est de 220 heures/an (et même de 360 heures dans l’hôtellerie !) ce qui permet de monter, en moyenne, jusqu’à 39 heures. Au delà , il est possible de travailler mais avec des heures majorées à 50 %.
Le patronat veut faire sauter la durée légale de 35 heures ! La gentille Mme Parisot, présidente du Medef, déclarait encore, à la veille du réveillon : « Ma préconisation, c’est de rendre les choses beaucoup plus simples en balayant tous ces mécanismes très complexes, et en revenant à la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémen-taires, branche par branche, ou entreprise par entreprise ».
Le gouvernement emboîte le pas, c’est certain, si l’on en croit les déclarations (contradictoires !) du Premier Ministre Fillon et du porte-parole Wauquiez.
Les braves gens, pas toujours au courant, croient qu’il s’agit de permettre aux salariés de travailler plus ! Mais en réalité il s’agit de permettre aux patrons de payer moins.
La remise en cause des 35 h ferait en effet disparaître les heures supplémen-taires donc diminuer les majorations de salaires qui leur sont liées.
Exemple : Continental
L’entreprise Continental (Sarreguemines) contrairement à ce qu’écrit à tort toute la presse, ne peut revenir sur les 35 h et « passer aux 40 h » . c’est impossible. Les patrons qui présentent les choses ainsi et les journaux mentent. Car la loi est la loi : les 35 h s’appliquent aussi à Continental ! (sauf si la loi est changée).
Cela veut dire, que, même après avoir fait voter leurs salariés pour travailler 40 h, les bulletins de paie doivent continuer de faire figurer le salaire brut affecté aux 151 h 66 et, sur une ligne distincte, les heures supplémentaires majorées de 25 % entre 35 et 40 h. Ces dernières sont forcément majo-rées de 25 % car c’est la loi... Toute autre bulletin de paie serait illégal !
Alors que se passe t il ? Pour ne pas payer les majorations, l’employeur va baisser le taux horaire de toutes les heures de façon à amortir les 40 h !
Donc la vraie information que devrait donner la presse sur Continental ce n’est pas que les 35 h sont remises en cause mais c’est que le taux horaire est baissé de façon à ne pas payer la majoration des heures supplémentaires entre 35 et 40 heures.
Baisse des salaires
c’est fantastique que dans ce pays, on soit si mal informé, ou plutôt qu’on soit désinformé à ce point ! Il s’agit d’un cas délibéré de baisse du salaire et de baisse du taux des heures supplémentaires, pas d’un cas de remise en cause des 35 h !
Pire : quand on examine ce qui se passe dans cette entreprise (de pneus) on s’aperçoit que la Direction n’a jamais eu de difficulté à y trouver des salariés quand la charge de travail nécessitait des heures supplémentaires. La durée moyenne du travail était d’ailleurs de 37,5 heures.
désormais les quelque 1300 salariés devront faire 40 heures. Arithmé-tiquement, cela devrait leur donner 8 % de salaire en plus (en raison de la majoration des heures sup’). Eh bien non, la Direction annonce que ça leur fera 5,6 % de plus et qu’en outre l’entreprise économisera 2 millions d’euros par an soit 1500 € par salarié.
C’est drôle, plus les salariés travaillent et plus l’entreprise économise ! Mais vous allez voir que, dans quelques temps, on apprendra qu’il y a trop de personnel dans cette entreprise !
Travailler tous
Rappelons que l’objectif des 35 heures était le partage du travail. Grâce aux 35 h contrairement à tout ce qui est dit, en l’an 2000, non seulement il y a eu 350 000 à 450 000 emplois créés (la fourchette est large mais reconnue par tous) mais il y a eu aussi une augmentation de la masse salariale globale. Pas des salaires nominaux, et cela a manqué !
Le « gel » des salaires n’a été le fait que de 2 à 3 % des accords signés à l’époque. Cela a été le fait de la « guerre contre les 35 h » déclarée par le Medef : c’est encore le patronat qui a fait du chantage aux salariés de 2002 à aujourd’hui alors que ses profits se sont envolés ! (Les entreprises du CAC 40 ont gagné 57 milliards de profits en 2003, 66 milliards en 2004, 87 milliards en 2005, 100 milliards en 2006 et sans doute davantage en 2007 edt si elles connaissent des pertes en ce moment, c’est pas la faute des salariés, c’est la conséquence de la crise des subprimes aux USA).
Caisses
On peut défendre les 35 h et hausser les salaires, les caisses ne sont pas vides !
La « cagnotte privée » n’a jamais été aussi pleine, les 500 familles françaises les plus riches ont gagné 80 milliards d’euros de plus en 2006 qu’en 2005, c’est là qu’il faut prendre l’argent, imposer les sociétés et les grandes fortunes, faire payer les 500 familles, il y a de l’argent pour les salaires à reverser ! Mais ça fait ringard de parler des 500 familles !
La remise en cause des 35 h annoncée par le cafouillage des mesures gouverne-mentales sur les heures supplémentaires, les RTT, les comptes-épargne-temps, l’intéressement, la participation, devient ridicule. Elle ne résoudra pas le problème de l’écart croissant entre les prix et les salaires. Elle ne résoudra pas l’exigence grandissante d’une meilleure répartition des richesses produites par les salariés.
Il faut augmenter le Smic, il faut rendre les heures supplémentaires plus coûteuses que l’embauche. Il faut provoquer les embauches, et faire reculer le chômage de masse, remplacer les partants en retraite.
Mais le gouvernement a fait d’autres choix, défavorables aux salariés, favorables aux plus aisés de notre pays.
Ecrit le 7 mai 2008
Chantage
La direction de Peugeot Motocycles propose de faire construire un nouveau scooter sur les sites français à condition que les salariés renoncent aux 35 heures. Si les salariés refusent, ce nouveau modèle sera réalisé à Taiwan. c’est le nouveau slogan à la mode de Sarkozy, après le « travailler plus pour gagner plus », c’est le « travailler plus pour simplement garder son travail ».
Il est vrai que lorsqu’on a un travail, on tient à le conserver, certains accepteront sans doute cette proposition de la direction, ils renonceront aux 35 heures. Mais dans quelques mois, les actionnaires estimeront qu’ils ne gagnent pas encore suffisamment, alors ils demanderont aux salariés d’abandonner leurs congés payés puis leurs repos hebdomadaires et puis il faudra accepter une baisse des salaires pour que les actionnaires gagnent encore et toujours plus.
Pourtant, il faudra bien qu’un jour nous osions dire « non », sinon dans quelques années ce seront les Chinois qui délocaliseront leurs usines en France, ce beau pays où jadis les gens étaient heureux et avaient des droits. Demain, c’est dans l’Hexagone que tous les patrons de la planète sans scrupules viendront installer leurs usines car ils y trouveront les meilleures conditions pour les actionnaires et les pires pour les salariés.
Florent Chauveau