Ecrit le 23 janvier 2002
La loi de modernisation sociale, a été validée samedi 11 janvier 2002 par le Conseil constitutionnel à l’exception de l’article définissant les licenciements économiques.
1 - LE LICENCIEMENT « ECONOMIQUE »
définition du Licenciement économique : Cette définition, qui limitait les cas de licenciements économiques à des difficultés économiques « sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen », des mutations technologiques « mettant en cause la pérennité de l’entreprise » ou à des nécessités de réorganisation « indispensables à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise » a été censurée par le Conseil constitutionnel.
C’est donc la définition actuelle du code du travail (article L 321-1), qui s’applique : un licenciement économique est consécutif « notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ».
2 - REGLES GENERALES
DOUBLEMENT de l’indemnité de licenciement, qui passe à 20 % du salaire mensuel par année d’ancienneté.
PREVENTION :
– Obligation pour l’entreprise, avant tout plan social, d’avoir conclu ou commencé à négocier un accord 35 heures. A défaut, le juge des référés peut suspendre les licenciements.
– Limitation des « paquets de neuf » licenciements, destinés à éviter la mise en place de plans sociaux, obligatoires à partir de dix suppressions d’emploi.
POUVOIRS des représentants des salariés et de l’administration :
– Obligation pour l’employeur de présenter « les conséquences sociales et territoriales » des restructurations prévues. Le Comité d’entreprise peut formuler des « propositions alternatives ».
– Dans les entreprises de plus de 100 salariés, si « une divergence importante » subsiste entre l’employeur et le Comité d’entreprise, possibilité de saisir « un médiateur ». Il a un mois pour faire « une recommandation » aux deux parties qui a valeur d’accord si elle est acceptée.
Le Conseil constitutionnel a précisé que cette saisine ne pourra intervenir qu’en cas de fermeture totale ou partielle d’un site entraînant la suppression d’au moins 100 emplois.
– Le Comité d’entreprise peut saisir le juge des référés pour vérifier qu’il y a eu un réel débat contradictoire.
RECLASSEMENT DES SALARIES : Dans les entreprises de plus de 1.000 salariés, création d’un « congé de reclassement » pouvant aller jusqu’Ã 9 mois (12 mois pour les salariés de plus de 50 ans), pendant lequel les personnes concernées peuvent être reclassées sans rupture du contrat de travail.
REINTEGRATION DES SALARIES : le juge peut, en cas de plan social insuffisant, prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié.
REINDUSTRIALISATION des sites touchés : contribution (entre 2 et 4 SMIC par emploi supprimé) des entreprises de plus de 1.000 salariés à la réactivation des bassins d’emploi lorsqu’elle ferment un site.
3 - PRINCIPALES AUTRES MESURES
EMPLOI PRECAIRE : La prime de précarité versée en fin de CDD (contrat à durée déterminée) passe de 6 % à 10 % de la rémunération brute. délai de carence séparant deux contrats sur un même poste calculé désormais en fonction des jours ouvrables et non des jours calendaires.
HARCELEMENT MORAL : Inscrit dans le code du travail, il est passible d’un an de prison et de 15 245 € (100.000 F) d’amende.
VALIDATION DES ACQUIS de l’expérience professionnelle pour l’obtention d’un diplôme ou d’un titre de qualification.
RETRAITES : Abrogation de la « loi Thomas » de 1997 qui créait les plans d’épargne retraite.
Ecrit le 23 janvier 2002 :
Violence Sociale
Le Conseil constitutionnel a provoqué la colère des Communistes en décidant de censurer une des dispositions du plan anti-licenciements qu’ils avaient arraché de haute lutte au gouvernement et au PS, celle relative à la définition du licenciement économique. « Un encouragement à la violence sociale », a dit Robert Hue, président du PCF en se déclarant « indigné ». « Inacceptable », a renchéri le président du groupe communiste à l’Assemblée Alain Bocquet pour qui, avec « ce diktat », le Conseil s’est fait « le chantre des intérêts du grand patronat ».
Pendant trois longues semaines au printemps dernier, les deux responsables communistes avaient négocié pied à pied pour que soit inclus un volet anti-licenciements dans le projet de loi de modernisation sociale, sous peine de faire capoter l’ensemble du texte et au risque de mettre à mal la majorité plurielle. Leurs efforts se trouvent ainsi réduits à néant par l’avis du Conseil Constitutionnel.
Robert Hue a immédiatement adressé au Premier ministre une lettre lui demandant de saisir l’Assemblée nationale d’un nouveau texte pour qu’elle puisse se prononcer « avant la fin de la session », le 22 février.
Il y a un an, la gauche s’était déjà irritée du refus du Conseil constitutionnel d’entériner des allègements de CSG sur les bas salaires.
La droite et le patronat, qui étaient vent debout contre le dispositif anti-licenciements prévu, ont affiché leur satisfaction
Les neuf Sages n’ont cependant accordé qu’une demi-satisfaction à la droite et au Medef qui critiquaient l’ensemble du dispositif anti-licenciements prévu dans la loi de modernisation sociale : les lourdes procédures encadrant les licenciements collectifs vont pour leur part entrer en vigueur. L’organisation patronale a annoncé qu’elle poursuivrait son action « pour que l’ensemble des autres dispositions anti-emploi contenues dans cette loi » soit abrogé.
déclaration du bureau d’ATTAC
La liberté d’entreprendre inclut désormais la liberté de licencier pour convenance boursière ! s’indigne ATTAC qui ajoute :
« Prenant en compte l’émotion de l’opinion face aux affaires Renault Vilvorde, Michelin, Danone, Marks & Spencer, la nouvelle définition figurant dans la loi visait en effet à s’opposer aux licenciements de convenance boursière. S’inscrivant dans la défense d’un droit fondamental, le droit au travail, elle restreignait le pouvoir exorbitant d’actionnaires décidant de fermer une entreprise non pas parce qu’elle perdait de l’argent, mais parce qu’elle n’en gagnait pas assez ! »
« En interprétant de manière spécieuse l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme (où il n’est pourtant nulle part fait mention de la »liberté d’entreprendre« ), et en affirmant que la loi en question »conduit
le juge (...) à substituer son appréciation à celle du chef d’entreprise« , le Conseil constitutionnel conforte l’idée que l’entreprise, et singulièrement le chef d’entreprise, seraient au-dessus des lois. » - « Cette décision va au-devant des désirs de toutes les forces qui, en France et dans le monde, affirment et mettent en pratique la thèse selon laquelle les intérêts de la finance doivent primer sur toute autre considération, en particulier celles de la démocratie et des droits sociaux. »
Cette décision scandaleuse peut aussi susciter des réflexions sur le rôle et la légitimité d’une institution théoriquement chargée de veiller à la constitutionnalité des lois, mais dont le comportement n’apparaît pas étranger aux nominations de ses membres par des politiques : 3 par le président de la République, 3 par le président du sénat et 3 par le président de l’Assemblée nationale.
Attac, Paris, le 15 janvier 2002.
Ecrit le 23 janvier 2002 :
Qui c’est ?
Le Conseil constitutionnel a pour mission principale de contrôler si les lois adoptées par le Parlement sont conformes à la Constitution de La république. Une disposition qu’il a déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée.
Le Conseil Constitutionnel est composé de neuf membres désignés pour neuf ans, il est renouvelé par tiers tous les trois ans, le président de la République, le président du sénat et le président de l’Assemblée nationale nommant chacun un membre à chaque renouvellement.
Actuellement 7 des membres ont été nommés par des personnalités de droite et 2 par des personnalités de gauche :
*** Trois désignés par le président de la République :
– Pierre Mazeaud, 70 ans, nommé par Jacques Chirac en 1998.
– Monique Pelletier, 73 ans, nommé par Jacques Chirac en 2000.
– Olivier Dutheillet de Lamothe, 51 ans, nommé par Jacques Chirac en février 2001.
*** Trois désignés par le président du sénat :
– Yves Guéna, 77 ans, nommé membre du Conseil par René Monory (UDF), alors président du sénat, en 1997. Il est président du Conseil depuis le 1er mars 2000.
– Simone Veil, 72 ans, nommée par René Monory en 1998.
– Dominique Schnapper, 66 ans, nommée par Christian Poncelet (RPR) en février 2001.
*** Trois désignés par le président de l’Assemblée nationale :
– Michel Ameller, 74 ans, nommé par Philippe séguin (RPR), alors président de l’Assemblée, en 1995.
– Jean-Claude Colliard, 54 ans, nommé par Laurent Fabius (PS), alors président de l’Assemblée, en 1998.
– Pierre Joxe, 66 ans, nommé par Raymond Forni (PS) en février 2001.
Cela fait donc 7 membres de Droite et 2 de Gauche.
Licenciements : la grande triche