Ecrit le 15 novembre 2006 :
Le chômage baisse-t-il ? NON.
Enfin peut-être. Mais pas vraiment.
Il convient tout d’abord de faire la différence entre chômage apparent et chômage réel. (1)
Source : http://www.actuchomage.org/modules.php?op=modload&name=PagEd&file=index&topic_id=20&page_id=237
Le chômage apparent baisse, mais en même temps l’emploi stagne : cette année, si l’on projette les derniers chiffres de l’INSEE, le nombre des chômeurs officiels devrait baisser de 11% sur un an tandis que l’emploi ne devrait croître que de 0,8% contre 4,1% il y a cinq ans.
De plus, il convient d’affiner la notion d’emploi, dans le sens où celui qui l’exerce est censé pouvoir en vivre dignement.
La synthèse qui suit tente d’explorer le phénomène dont se vante le gouvernement Villepin depuis plus d’un an de baisse consécutive : info ou intox ? Que cachent les chiffres ? Comment calcule-t-on le nombre de chômeurs ? Comment l’emploi est-il évalué, et que devient-il ?(1)
Ces chômeurs qu’on cache
Les demandeurs d’emploi « officiels » (de catégorie 1 alors qu’il y en a 8) ne représentent que 57% de tous les inscrits à l’ANPE. Ainsi les chiffres ignorent un chômeur sur deux. La gestion de la statistique a pris progressivement le dessus en créant des chômeurs « invisibles » : les précaires et les emplois aidés « non disponibles immédiatement », les chômeurs en formation...
De plus 400.000 « seniors » sont dispensés de recherche d’emploi (DRE) et n’apparaissent pas non plus dans le taux officiel.
De plus, selon les sources, entre 45 et 54.000 « stagiaires de la formation professionnelle » sont escamotés par le dispositif CRP (convention de reclassement personnalisée) alors qu’ils ont été fraîchement licenciés. [C’est le cas par exemple des salariés d’UFM, Atlas, Edwimode qui sont en cellule de reconversion].
Ces chômeurs qu’on décourage
47,8% des chômeurs ne sont pas indemnisés : ils n’ont pas cotisé assez pour ouvrir des droits (jeunes, précaires...), ou ils sont en fin de droits mais leur conjoint travaille et ils n’ont pas droit à l’ASS ou au RMI (attribués par foyer fiscal).
Ne pouvant prétendre à aucune allocation, nombre d’entre eux ne voient pas l’intérêt de s’inscrire et de pointer à l’ANPE (notamment les moins de 25 ans qui ne bénéficient même pas du RMI) : ils sont donc exclus des statistiques.
Quant aux chômeurs indemnisés, ils sont en baisse constante : pour limiter son déficit, l’Unedic a durci les conditions d’accès à l’assurance-chômage. Et ça marche : l’Assedic annonce 10% d’allocataires en moins sur un an
Les radiations administratives ont explosé depuis 10 ans. Elles représentent 10,4% des cas de sorties du chômage contre seulement 2% en 1996.
L’association AC ! dénonce l’explosion des radiations. Corroborant l’étude d’Agir ensemble contre le chômage, le mensuel Alternatives Economiques constate que la convocation systématique des chômeurs s’accompagne mécaniquement d’une augmentation des radiations. De 1991 à 2003, les sorties de l’ANPE pour absence au contrôle ou radiation ont augmenté de 24%. Entre 2001 (mise en place du PARE) et 2002, le nombre de radiations des listes a augmenté de 35%.
Les arguments de l’ANPE sont diversifiés : « Vous avez déjà une allocation d’adulte handicapé, vous connaissez le marché du travail à Châteaubriant, vous ne trouverez rien, il n’est pas utile que vous restiez inscrit à l’ANPE » - « Vous avez déjà un emploi à temps partiel contentez-vous en. Il n’est pas utile que vous restiez inscrit à l’ANPE » - « Votre mari travaille, est-ce utile que vous cherchiez un emploi ? il n’est pas utile que vous restiez inscrit à l’ANPE ». Et hop ! Des chômeurs de moins
Ces chômeurs qu’on RMIse
Le nombre des RMIstes a explosé : + 20% depuis 2002. Le chômage de longue (plus d’un an) voire de très longue durée (+ de 3 ans) n’a cessé de croître : en 2004, il représentait 30% des inscrits à l’ANPE. Les « fin de droits » de l’Assedic sont déjà 400.000 à percevoir l’ASS (allocation spécifique de solidarité, ancêtre des minima sociaux créée en 1984, + 4% de hausse sur un an), mais les chômeurs les plus « invisibles » sont bien les 1,2 million d’allocataires du RMI (revenu minimum d’insertion, créé en 1988 et versé par la CAF) dont l’immense majorité ne pointe pas à l’ANPE et échappe aux chiffres du chômage.
Emplois, ou sous-emplois ?
Le comptage des emplois ne tient absolument pas compte de leur nature : ainsi, par exemple, sur 100.000 emplois créés, si le tiers est à temps partiel et la moitié à durée déterminée, on ne peut parler d’emplois à proprement dit mais de sous-emplois. Il est donc important d’évaluer les emplois en équivalent temps plein
Ainsi l’INSEE a relevé l’existence de 5.848.000 chômeurs « équivalent temps plein » sur une population active occupée de 24.921.000 personnes, alors que la population active totale (occupée + chômeurs officiels) totalisait environ 27.600.000 individus. Ce qui, pour 2005, donnait un taux de chômage en équivalent temps plein de 20,9%...
Contrats aidés, emplois de service, missions d’intérim ou CDD sans issue : encouragés par la politique du gouvernement, 70% des offres d’emplois restent dans le champ de la précarité et du Smic.
Analyse des offres d’emploi du 2e trimestre de 2006
Les « emplois durables » ne représentent que 30% des offres de l’ANPE (si l’on considère que les CNE et les CDD de plus de 6 mois sont « durables »)
L’Intérim : + 8,6% sur un an
Pour une moyenne de « près de deux semaines », les missions d’intérim explosent. A l’issue de ce travail temporaire subi, peu de chance de décrocher un CDI ou même un CDD.
« ¢ SMIC : vers la suppression de toutes les cotisations sociales des TPE. Au nom de sa » bataille pour l’emploi « , le gouvernement »revalorise le travail" en encourageant les bas salaires. En 2005, 17% des salariés sont Smicards (ils étaient 16% en 2004 et 14% en 2002)... et la majorité des offres pour des emplois même très qualifiés proposent désormais le salaire minimum. [Le rapport du Conseil d’Orientation pour l’emploi, remis le 8 février 2006, estime à 60 milliards d’euros le montant des aides publiques accordées aux entreprises .... alors que l’impôt sur les sociétés n’a rapporté que 50 milliards) (2)
Le leurre du « papy-boom »
Le « choc démographique » n’aura pas lieu. Sur les 600.000 départs annuels à la retraite actuels et escomptés pour les années à venir, seul un tiers des postes seraient visiblement maintenus, les autres ayant été supprimés ou délocalisés. De quoi faire déchanter Jean-Louis Borloo qui misait dessus pour faire baisser le chômage !
De ce fait , le papy-boom est une aubaine pour geler, voire réduire les effectifs, sans pour autant licencier. Une astuce qui a pour conséquence de maintenir une seule génération au travail...
Les emplois de demain...
Ce ne sont plus des centaines mais des milliers de suppressions d’emplois qui se profilent à l’horizon : Airbus, PSA Peugeot Citroë n, AXA, les câblo-opérateurs et leurs sous-traitants, les équipementiers automobiles, l’industrie du verre...
A cette allure combien de temps ces chiffres vont-ils rester « bons » ??? On verra après les élections présidentielles.
Source : http://www.actuchomage.org/modules.php?op=modload&name=PagEd&file=index&topic_id=20&page_id=237