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Ecrit le 12 décembre 2007
Eloge des loisirs
Ceux qui brament le cantique « Travailler plus pour gagner plus » sont souvent des gens qui voient le loisir comme vide sinon comme aliénant.
On retrouve là une idée forte du patronat au XIX° siècle : la sanctification du travail (Saint Joseph, patron des ouvriers) et la diabolisation des loisirs : « l’oisiveté est la mère de tous les vices » (« oisiveté » vient du latin otium = loisir). Il fallait arracher l’ouvrier du bistro.
Les bienfaits du loisir
Familles
– Le loisir (ou temps non travaillé, si on préfère) protège et améliore la vie de famille. Et là je ne peux m’empêcher de dire que dans nombre de familles le travail posté, avec des amplitudes éclatées (les caissières), sur le WE, cela fabrique des enfants « sans parents », des enfants à la clé, obligés trop vite de s’assumer et ne s’assumant pas. La présence d’un père, d’un mère, est au départ, un départ qui dure des années, indispensable. Regardez comment on a élargi le congé parental, comment on pousse les pères à rester à la maternité le plus qu’ils veulent pour l’imprégnation qui créée ces liens qui vous tiennent solide, debout. Je n’oublierai jamais mon beau-père, la seule fois de sa vie où il me fit une confidence et il n’en fit pas à beaucoup, regrettant de ne pas avoir été là de huit jours à la naissance de sa fille : et ce qui s’en suivit pour mes enfants et moi.
Rencontres
– Le loisir donne du temps pour se cultiver, pour s’ouvrir, pour rencontrer des gens ...
partager des passions, en famille ou avec les autres. théâtre, musique, collections, visites, allez-y, allongez la liste.
Militances
– Le loisir permet de militer. Mot ringard, je sais. Militer n’est pas que s’opposer, détruire. Militer c’est chercher, proposer, et ensemble. De Mai 68, la Sarkozie ne veut retenir que l’hédonisme égoïste et le refus de l’autorité (quel culot quand on pense au moi-je permanent de NS et au fait qu’il a demandé aux Chinois d’avoir de l’autorité sur son fils !).
Moi qui ai vécu Mai 68, qui ai vécu la décennie suivante, j’ai surtout le souvenir des solidarités : pas une injustice, pas une spoliation n’échappait à nos mobilisations, Larzac et Plogoff pour les plus grandes, et il y en eut des dizaines moins connues mais pas moins efficaces.
Ce qui tua lentement mais sûrement ces enthousiasmes actifs fut une conjonction paradoxale : la montée du chômage après 1974 et l’arrivée de Mitterrand au pouvoir (attention, je n’ai pas dit de la Gauche !). Nous avons eu la naïveté de croire que « c’était arrivé » : tu parles, ça n’arrivait pas, ça s’en allait dans les solitudes et les replis communautaristes, pour finir (mais hélas, ce n’est pas fini) dans un climat de pré-guerre civile excité par l’Excité qui nous gouverne.
(Je vais faire mon petit parano. Et si le slogan « Travailler plus etc » contenait, outre ce qu’il dit, ce qu’il cache : « Plus vous travaillerez moins vous serez libres d’échapper à notre emprise » ?)