Ecrit le 12 juillet 2017
La Motte-Glain, un château à découvrir avec Romain Marchau, un guide passionné et passionnant qui a déjà consacré un premier mémoire universitaire à cet édifice imposant. Un second mémoire est en préparation. L’intérêt de son travail, entre autres, est de faire le lien entre ce château et la région dans laquelle il est construit : ses carrières de schiste ordovicien ou ardoisier, la chaux de Saffré, voire le tuffeau angevin.

L’édifice actuel est construit entre la fin du XIVe siècle et la fin du XVe siècle par les familles de Rougé, puis de Penhoë t (probablement Guillaume de Penhoë t) et enfin par la famille de Rohan qui devient propriétaire du château en 1475, par le mariage entre Pierre de Rohan et Françoise de Penhoë t, nièce de Guillaume. Pierre de Rohan, maréchal de Gié, fait du château de la Motte-Glain un des châteaux de prestige de la région, presque aussi important sans doute à son apogée que celui de Châteaubriant, alors grandement ruiné. En 1497, le château reçoit la visite du souverain Charles VIII et de son épouse Anne de Bretagne. En 1565 il recevra le roi Charles IX.

Il s’agit d’un château complexe, à caractère essentiellement médiéval, mais non dénué des nouvelles préoccupations propres à la Renaissance. c’est sans doute à l’origine un château défensif, avec ses tours rondes armées de canonnières, son pont-levis et ses douves, son châtelet d’entrée massif. Mais on ne sait pas si ses bouches d’artillerie ont pu être opérationnelles. Quant aux machicoulis, ils ont simplement un rôle de décoration.

Le château se veut confortable, décoré, Pierre de Rohan-Gié métamorphose une architecture défensive en une architecture de prestige. Il transforme d’anciens éléments « pratiques » en signes ostentatoires de puissance, dans le but d’accroître son influence et son prestige.

Tout, dans ce château, remplit un rôle symbolique. d’abord les canonnières affirment son statut d’homme de guerre, dont les fortifications sont dignes de celles des familles les plus puissantes, notamment du vicomte de Rohan, Jean II, qui fait réaliser des travaux similaires dans ses châteaux de Blain, Josselin, et Pontivy. Tous ces châteaux, situés au sein des terres, conservent essentiellement leurs défenses pour afficher leur puissance.

Mais à cette époque, les frontières changent profondément. La frontière n’est plus cette ligne qui joint Dol de Bretagne à Machecoul, en passant par Châteaubriant. Après l’union de la Bretagne à la France, amorcée progressivement dès le traité du Verger de 1488, et effective en 1532, la nouvelle frontière de la Bretagne devient l’atlantique. En Bretagne, en Aquitaine, dans le Poitou comme en Normandie, c’est désormais sur la côte et non plus à l’intérieur des terres que les fortifications connaîtront un véritable travail d’innovation. Les forteresses des Marches de Bretagne n’ont plus véritablement de raison d’être militaire.

Ensuite, outre ses fonctions militaires, Pierre de Rohan-Gié était diplomate, commanditaire d’art, conseiller du Roi... Il devait donc trouver d’autres manières de représenter son influence et son rayonnement. c’est là qu’entre en scène le travail effectué sur les escaliers ou sur les décorations, dont la symbolique n’emprunte plus rien à la guerre, mais plutôt à la politique, à la spiritualité et à l’art. Romain Marchau insiste sur la verticalité incarnée par la tour d’escalier sud-ouest, là où un simple escalier de service aurait parfaitement rempli sa fonction utilitaire.

La décoration, en plus de témoigner de la richesse du commanditaire, n’est pas anodine. La décoration Jacquaire est omniprésente au château de la Motte-Glain. La Motte-Glain est-elle sur une route de pélerinage à Compostelle. Rien ne permet de le confirmer ou de l’infirmer. Le maréchal de Gié semblait cependant avoir un lien tout particulier avec les pèlerinages. Sa devise, « Dieu gard de mal le Pelerin » et son testament de 1509, où il dédie son âme à « la glorieuse Vierge Marie, mon avocate, M. Saint Michel, M. Saint Pierre, M. Saint Jacques, mes patrons et avocats » en témoignent.
Pour Romain, l’iconographie Jacquaire, outre le moyen de se mettre sous la protection du saint, témoigne de la volonté de se doter d’une aura de légende, qui encore aujourd’hui, lie Pierre de Rohan-Gié avec le prestigieux pèlerinage et l’apôtre du Christ. Et, de fait, le château de la Motte-Glain, présente de très nombreuses coquilles St Jacques, besaces et bâtons de pélerins !

Le château de la Motte-Glain n’est ni un château résidentiel, ni une forteresse défensive. Il est destiné à recevoir quand il le faut des hôtes prestigieux, avec le panache, l’attrait et le style convenant au renom du maréchal de Gié. Sans doute, à cette fonction, se mêlaient aussi des préoccupations plus pragmatiques, notamment des fonctions agricoles, comme en témoignent les communs. Mais ces fonctions étaient très certainement secondaires.


Le château de la Motte-Glain est un château frontière. Frontière géographique, entre le monde angevin et le monde breton. Frontière fonctionnelle, entre le château défensif et le château prestige. Frontière stylistique, avec les deux pieds encore solidement ancrés dans l’ancien siècle, mais l’esprit déjà préoccupé par le nouveau. Encore gothique, encore à fort caractère défensif, militaire, il ouvre la voie, dans une région qui connaît de fortes mutations, vers les résidences prestigieuses inspirées du Val-de-Loire.

En 1635, le château de la Motte-Glain est vendu à Michel Le Lou, parlementaire de Bretagne. Ce changement de propriétaire a un impact considérable sur la destinée du château, lui permettant de renaître et de se transformer. De 1635 à nos jours, la famille des Le Lou, devenue successivement par mariage la famille Robineau de Rochequairie, puis de Charette, et enfin, de nos jours, de lézardière, imprime sa marque sur le château. Pour notre plus grand plaisir.

Pour visiter : 06 80 78 34 21