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(écrit le 9 avril 2003)
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Destination Auschwitz
Le Congrès des déportés Tatoués va avoir lieu les 12 et 13 avril à Châteaubriant. Ils étaient 1655 le 27 AVRIL 1944, à être envoyés au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
Sur ces « Tatoués », 60 ans après, on ne sait pas encore tout, on ne sait pas pourquoi ils ont été envoyés à Auschwitz qui était un camp affecté à la « solution finale » des Juifs et des Tziganes.
On manque encore d’indications sur certains Résistants de ce sinistre convoi. Dans l’état actuel des recherches, il y aurait eu 14 personnes de Châteaubriant et région :
Roger Aulnette
Ernest Bellanger
célestin Deroche (père) (Sion)
François Laguilliez
Georges Lefeuvre (Ruffigné)
Louis Lefeuvre (Ruffigné)
Marcel Letertre (père)
Emile Letort
André Maignan (Martigné)
André Malin
Auguste Morantin
Marcel Pigrée (Ruffigné)
Michel de Pontbriand (Erbray)
Maurice Plaud
Les écuries de la mort
Les causes du détour du convoi par Auschwitz-Bikenau sont toujours restées mystérieuses. Rappelons que le complexe d’Auschwitz-Birkenau était affecté à la solution finale des Juifs et des Tziganes depuis l’été 1942. Il les faisait disparaître par trains entiers dans les chambres à gaz puis dans les crématoires.
Au 30 avril 1944 deux exceptions à cette monstrueuse noria raciale : la première le 6 juillet 1942 avec l’arrivée de 1170 politiques français, la seconde le 24 janvier 1943 avec 203 femmes politiques françaises. Ces deux transports, après enregistrement et immatriculation, avaient été insérés et broyés dans l’engrenage concentrationnaire spécifique de Birkenau.
Les 1655 français, Résistants pour la plupart, qui débarquent à Birkenau ce 30 avril 1944, vont y connaître un cheminement exceptionnel. Dès le débarquement la vue des prêtres en soutane qui déboulent des wagons provoque la stupéfaction des gardiens. Une attente de quelques heures s’ensuit avant que ne débutent les épreuves d’incorporation et de tatouage, prélude à cinq journées d’angoissantes incertitudes à stagner à l’intérieur des « écuries de la mort », baraques sans lits, sans tables, sans chaises, au sol en terre battue avec flaques d’eau, à proximité des chambres à gaz et crématoires IV et V.
Le 5 mai 1944, changement de régime avec transfert collectif dans des baraquements de quarantaine du camp des hommes. Quarantaine qui tourne court les 12 et 14 mai 1944. Laissant sur place 77 intransportables, les 1578 autres, regonflés par une brève mais réconfortante déclaration de l’Haupsturm führer Kramer : « vous allez partir pour Buchenwald, un bon camp, le meilleur d’Allemagne, vous y serez bien », sont humainement embarqués à 50 par wagon, portes ouvertes de jour, mais gardées, à destination de Buchenwald.
L’énigme
Les causes de ce revirement soudain n’ont pas manqué de susciter diverses hypothèses :
– selon certains, l’envoi des 1655 à Birkenau était le résultat d’une erreur bureaucratique.
– selon d’autres, ils étaient destinés à Buchenwald, mais le chef du camp les aurait refoulés une première fois.
– enfin certains affirment qu’il s’agit d’un envoi volontaire par représailles, modifié à la suite d’intervention.
Quelle que soit l’hypothèse retenue, aucune preuve n’a été retrouvée expliquant ce passage par Birkenau
L’erreur, si erreur il y a, ne pouvait provenir que du Zentralamt (office central). Le responsable du Zentralamt n’était autre que Rudoff Hoess, ancien commandant d’Auschwitz qui allait incessamment reprendre son commandement avec la fonction supplémentaire de fondé de pouvoir pour l’extermination des juifs hongrois.
Alors qu’il savait que 400.000 juifs hongrois lui étaient promis par Adolf Eichmann dans les trois mois à venir, surpeuplant ainsi un camp dont il allait prendre la direction, pouvait-il y ajouter l’engorgement supplémentaire de 1655 « aryens » venant de Compiègne ?
Y a-t-il eu erreur ?
Le 26 avril 1944, sur la place d’appel de Compiègne-Royallieu, profitant d’un instant d’inattention du sous-officier, alors qu’il se trouve devant la table de pointage, Henri Margraff (n°186011) lit à l’envers et parvient à déchiffrer les quatre dernières lettres « etz » de ce qu’il croit être la destination du convoi. Ce jour là il est loin de penser à Auschwitz dont il n’a jamais entendu parler.
Plus surprenant le cas de Marcel Pierre (186226) convoqué, dès la dispersion des rangs, dans le bureau du Commandant qui lui déclare : « je n’ai pu donner suite à une intervention en votre faveur. Il n’est pas en mon pouvoir de modifier la liste nominative de ce transport pour Auschwitz qui a été dressée par l’autorité supérieure et non par mes services ».
Ce même soir à Compiègne un pharmacien de la ville confie à Mesdames Battini et Canot, épouses de Battini (185021) et Canot (185217), que le transport du lendemain est destiné à Auschwitz, information qu’il tient d’une de ses clientes, la maîtresse du Commandant de Royallieu.
Mais alors pourquoi ? puisque Birkenau est un camp d’extermination raciale, et pourquoi le transfert 12 jours plus tard ?
Représailles
Le professeur René Cassin, proche du Général de Gaulle à Londres, précisera à Henri Loch (185955) fin 1945 mais sans lui préciser ses sources, que le fameux convoi dont il faisait partie, connu des services secrets alliés, avait été envoyé à Auschwitz à titre de représailles après l’exécution à Alger de Pierre Pucheu, l’ancien ministre de l’Intérieur de Vichy.
Pourtant la condamnation à mort de Pierre Pucheu ne soulève guère de réaction dans la presse. Le journal « Le Matin » du 10 mars 1944 consacre 28 lignes sur une colonne à son procès et le 21 mars un huitième de colonne à la relation de sa condamnation et de son exécution. Seuls les ultras de la collaboration parisienne épiloguent sur le retournement de celui que Jacques Doriot qualifie de "Chevalier du néant’’.
En revanche le procès du colonel Christofini, suivi de sa condamnation à mort, et de ses volontaires de la Phalange Africaine recrutée pour s’opposer aux côtés de l’Afrika Korps à l’invasion de la Tunisie par les Alliés, soulève un tollé général dans la presse de Vichy. La presse se fait l’écho du gouvernement de Laval afin de réclamer des représailles.
Le 24 mars 1944 « le Matin » titre : « Alger encourra des représailles immédiates s’il ose juger les anciens soldats de la phalange africaine ». Le 9 avril 1944 tous les journaux de la collaboration relatent l’éditorial de Philippe Henriot prononcé la veille à la radio diffusion nationale à l’encontre des dirigeants d’Alger : « Le gouvernement français vous a déjà fait connaître qu’il n’accepte pas sans réagir vos illégalités et vos condamnations. Il a été obligé d’envisager les représailles qu’il aurait voulu éviter... ».
Quant à la presse nazie, elle n’accorde que quelques lignes aux procès d’Alger, plus préoccupée à galvaniser l’esprit combatif de ses troupes à la veille du débarquement.
Il reste alors la version d’Henri Margraff (186011) selon laquelle le convoi part vers Auschwitz-Birkenau pour remercier la Milice de Joseph Darnand de son concours efficace.
Les troupes d’occupation éprouvaient de plus en plus le besoin de s’appuyer sur la Milice pour endiguer et réduire les poches de maquisards tant urbaines que rurales qui surgissaient un peu partout. Persuadés de la victoire des nazis et de l’instauration en France d’un régime national socialiste, animés du même état d’esprit que la Waffen S.S., les miliciens étaient équipés et armés pour combattre la Résistance. Faisant valoir leur engagement total, les miliciens obtinrent que tous les Résistants arrêtés, à défaut d’être exécutés, soient expédiés en camp d’extermination, au même titre que les Juifs. Une fois apaisés les désirs de la Milice en lui assurant qu’un convoi était envoyé à Auschwitz, les Allemands en rectifient la destination pour qu’il aboutisse dans un camp de concentration.
Le refoulement sur Buchenwald s’expliquerait donc ainsi. Le Commandant du camp d’Auschwitz apprenant qu’un « convoi non juif » est arrivé de Compiègne aurait appelé la direction des camps de concentration à Oranienburg pour obtenir des précisions sur ce convoi et son traitement à prévoir.
Pour confirmer cette thèse, Henri Margraff ajoute qu’en 1967, lors du premier pèlerinage à Auschwitz, un déjeuner-rencontre avait été organisé avec la section varsovienne des anciens combattants polonais. En face de lui un médecin colonel nommé Walter Leitz lui déclara avoir vu arriver à Birkenau le convoi parti de Compiègne le 27 avril 1944 et son contournement du Camp pour entrer au « camp Canada », signe habituel d’affectation au travail. Le lendemain matin, provenant de la « Politische Abteilung », la rumeur courait que ce convoi de Français non juifs était consigné en attente de renvoi dans un autre camp. Au fil des quelques jours qui suivirent, des conversations captées au bureau des sous officiers S.S., il résultait que le convoi allait être expédié à Flossenbürg où étaient envoyés depuis 1941 la plupart des détenus polonais non juifs. Mais aucune preuve ne vient étayer cette hypothèse.
Quelle que soit la cause de l’envoi des 1655 au cœur de la solution finale, le mystère s’épaissit quant au renvoi précipité à Buchenwald dans des conditions de confort qui, bien que relatives (cinquante par wagon portes ouvertes, gardé par des sentinelles débonnaires), restent exceptionnelles. L’énigme reste entière. Souhaitons qu’un jour des chercheurs chanceux trouvent les documents officiels permettant de lever le voile de ce mystère.
(texte émanant de l’amicale des déportés Tatoués).
Site internet à consulter :
http://www.27avril44.org
Actes racistes
En un an, de 2001 à 2002, le nombre d’actes racistes en France a été multiplié par plus de 4, et celui des « actes antisémites » par 6 - ces derniers en représentent désormais 62 % du total. Quant aux « menaces racistes », elles ont presque triplé. Telles sont les principales informations du rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), rendu public le 28 mars 2003. Ces chiffres sont fondés sur les statistiques des Renseignements généraux du ministère de l’Intérieur. La France est-elle emportée par une fièvre antisémite ? L’inquiétude est manifeste. Et pourtant, une enquête réalisée par BVA pour la commission reflète au contraire un rejet massif de l’antisémitisme. Trois exemples : 89 % des Français considèrent que « les Français juifs sont des Français »comme les autres« » ; 87 % approuvent le principe de la restitution des biens juifs confisqués pendant la guerre ; et, interrogés sur le point de savoir si « l’on parlerait »trop« de l’extermination des juifs par les nazis », 17% répondent « oui », mais 80 % « comme il faut », voire « pas assez ».
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