Yves BLAIS : L’inaccessible étoile
Dans la famille Blais, les têtes sont dures, les idées bien ancrées. Le père, Marcel Blais, est arrêté en 1942 (deuxième guerre mondiale) pour transport d’armes dans une valise. Il connaît diverses prisons françaises et revient malade de la guerre, avec une maladie incurable. Mécanicien vélo, il épouse Denise qui tient un petit magasin épicerie-café fourre-tout.
Le couple « vivote », la Sécurité Sociale a été refusée par les instances représentatives des artisans-commerçants qui, à l’époque, ne veulent pas déchoir en se trouvant dans la même caisse que les ouvriers. Chez les petits artisans-commerçants, c’est la galère lorsqu’il faut acheter les médicaments indispensables.
« Je sais ce que c’est la pauvreté, la recherche permanente de quelque nourriture. J’ai porté des vêtements propres mais usés jusqu’à la trame, mais je n’ai jamais été malheureux », dit Yves Blais.
Yves Blais : de l’usine à l’école
“L’étude après l’usine”
Marcel Blais meurt en juillet 1968 à 43 ans. Son fils Yves, qui travaille avec lui à l’atelier depuis l’âge de 8 ans, doit arrêter ses études en fin de première. Dur pour un élève que tout le monde qualifie de brillant. Mais il faut bien faire vivre la famille : Yves s’en va travailler chez Citroën, prenant le car de ramassage le matin très tôt.
Le soir, il continue à lire. Quand il en a le temps, il retourne voir ses copains de lycée qui sont en Terminale. Pour l’étude des langues, il se débrouille — son avance des années précédentes lui laisse de la marge. Français, Histoire, il étudie seul. Un professeur de mathématiques, J.G., l’aide à préparer le programme de l’année. Le jeune Yves Blais passe son baccalauréat en candidat libre, surprenant même son examinatrice. Les textes qu’il présente sont « vieux », de son livre de première (il n’a pas celui de Terminale). Mais l’aisance du jeune homme lui obtient une bonne note.
Retour chez Citroën où l’on ne veut pas de lui : un baccalauréat c’est trop ! En plus, le jeune homme s’intéresse aux affiches de la CGT. La direction craint d’introduire le loup dans sa bergerie sous haute surveillance.
Yves Blais passe en Espagne, où il trouve aisément du travail comme interprète dans les campings, ou auprès des carriers d’ardoise. C’est au temps du dictateur Francisco Franco :
« La nuit, une sorte de concierge était débarqué dans tous les quartiers par la police, il avait toutes les clés des maisons. Le matin, il faisait son rapport : qui est venu la nuit, qui a fait quoi ». Souvenirs de la dictature. Impossible à oublier.
Au bout de quelques saisons, Yves Blais revient en France, comme monteur de serres aux Essarts-le-Roi, près de Versailles. « 16 heures par jour, mais au moins nous étions bien payés. »
À Saint Vincent des Landes, sa mère, restée au pays, voit passer une petite annonce : « Cherche instituteur ». Yves Blais prend rendez-vous, son parcours étonne l’inspecteur primaire qui décide de tenter l’expérience. Mais aucune place n’est disponible. Yves retourne monter ses serres.
24 tonnes de confiture
Un lundi soir, télégramme : le poste est à prendre le lendemain matin à Vritz, une toute petite école où les instituteurs de la ville ne veulent pas rester. Mais comment « descendre » de la région parisienne ? Au relais routier où il dînait, il trouve un transporteur qui rentre à Angers. Yves l’aide simplement à décharger 24 tonnes de confiture. « Ça m’a dégoûté de la confiture pendant longtemps. »
Le mardi matin à 8 heures, Yves Blais est à son poste. Deux ans après, le service militaire qu’il n’aurait pourtant pas dû faire en tant que soutien de famille : pas de dispense pour les fortes têtes ! Yves Blais continue à lire beaucoup.
Trois ans instituteur en classe de perfectionnement aux Terrasses à Châteaubriant, tout en préparant un concours de « Maître formateur ». Cinq ans dans cette spécialité, puis, depuis 1989, directeur de l’école primaire de la Ville aux Roses à Châteaubriant.
En même temps, il est élu conseiller municipal à Saint Vincent des Landes où il deviend adjoint au maire et président de l’office intercommunal des sports.
Parcours atypique
Ce parcours atypique explique à quel point Yves Blais est sensible au monde des ouvriers, des petites gens, au sort des artisans-commerçants de proximité. « J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie, mais je n’ai pas changé d’opinion, ni changé de camp, et si cela devait m’arriver, ma mère saurait me rappeler quel est mon monde », dit-il.
Social et sport
En tant qu’élu, il s’occupe du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) où il tient une permanence par semaine. « Je connais toutes les ficelles et embrouilles administratives qui bloquent les gens. »
En tant que Président de l’Office des Sports, il a contribué à fédérer les clubs existants, et notamment à lancer le premier Judo-club intercommunal (qui, de ce fait, à pu passer de 80 à 250 membres, et embaucher un entraîneur). Il a aussi contribué à l’achat d’une flottille de canoës que l’Office des Sports met à disposition d’autres associations, notamment chaque été, pour une descente en canoë sur la Chère.
Depuis des années, Yves Blais se présente sous les couleurs du Parti Communiste Français, même s’il sait qu’il « fera » trop peu de voix. Son objectif est de porter un message, d’affirmer une présence aux côtés de ceux qui n’ont pas l’oreille de « la France d’en Haut ».
Son personnage favori est Don Quichotte, l’idéaliste au grand cœur qui veut imposer son idéal d’honneur et de justice au mépris des trivialités de la vie courante. Il a chez lui plusieurs traductions de l’œuvre de Cervantès et des éditions originales en espagnol.
Comme son héros, il poursuit sans cesse « l’inaccessible étoile » comme le chante Jacques Brel.
Campagne électorale
Yves Blais n’a pas l’intention de faire des réunions publiques, mais simplement de distribuer un millier de tracts qui lui permettront de rencontrer les hommes et les femmes du canton de Derval.

