Ecrit le 11 février 2009 (1)
Guadeloupe : en grève générale depuis le 20 janvier 2009. Les stations-services sont bloquées pour protester contre « la vie chère ». On s’en désintéresse ?
(1) pour les amis des Dom-Tom qui viennent nous voir : La Mée est un journal satirique !
Ecrit le 11 février 2009
Pourquoi le conflit social n’est-il pas réglé en Guadeloupe ?
c’est la faute des journalistes évidemment ! s’ils avaient interrogé N.Sarkozy à ce sujet, il aurait parlé et le poids de sa parole aurait dénoué le conflit. c’est du moins ce que dit le secrétaire d’Etat Yves Jégo qui s’est rendu là -bas le 1er février alors que la grève est totale depuis le 20 janvier. Et le pauvre, il mène les négociations. Il dit même qu’il y a perdu 4 kg ! c’est donc que la crise est grave.
A propos, que veulent les Guadeloupéens ? Ils veulent des prix des produits, analogues à ceux de la métropole, en acceptant même de payer 10 % de plus pour le transport.
Ils exagèrent, n’est-ce pas ! Ils ont le soleil et ils veulent manger en plus ? Impensable !
Ecrit le 18 février 2009
LPK (Liyannaj Kont Pwofitasyon)
5 décembre 2008, en Guadeloupe, une quarantaine d’associations décident de s’unir dans un mouvement appelé LPK (Liyannaj Kont Pwofitasyon : collectif contre l’exploitation). Il ne peut être taxé d’indépendantiste. Il est d’essence populaire, par le large éventail de syndicats qu’il regroupe, par l’adhésion effective d’une fraction non négligeable du monde associatif.
Le journal caribcreole1.com, sous la signature de Marie Hélène léotin, explique : « une sociologue du travail disait que nous avons pensé à l’économique, nous avons pensé à l’environnemental, nous n’avons pas pensé au social, c’est-Ã -dire à une meilleure redistribution des richesses. Les gens n’ont plus la possibilité de vivre correctement. Nous ne parlons pas de pouvoir d’achat mais bien de pouvoir de vivre »
décembre 2008 : avertissement
16-17 décembre 2008, le LPK lance de grandes grèves massivement suivies. Le collectif dénonce : « Plus que jamais nous affirmons à tous les exploiteurs et à tous les profiteurs (État, capitalistes, collectivités majeures...) : La Gwadloup sé tan nou : la Guadeloupe est à nous. Le coût élevé de la vie dans notre pays est dû essentiellement à une taxation abusive (Etat et collectivités) et à des marges bénéficiaires exorbitantes faites par les gros importateurs qui réduisent la Guadeloupe à une colonie de consommation avec la complicité de l’Etat. Les banques et établissements financiers en Guadeloupe, outre le fait qu’ils n’accompagnent pas les projets portés par des Guadeloupéens, font payer trop cher leurs services et pratiquent les taux d’intérêt les plus élevés ».
« Dans notre situation, marquée par un chômage massif, l’emploi précaire et les licenciements dont les femmes sont particulièrement victimes, la hausse du coût de la vie, touchent toutes les catégories sociales et plus durement encore ceux qui ont peu de ressources financières. Les conséquences aujourd’hui, sont un appauvrissement et un surendettement entraînant l’impossibilité de payer les loyers, les charges, les impôts et de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille (se nourrir, se loger, se soigner, se former, ...). Cette misère sociale est propice à toutes les déviances (drogue, alcoolisme, violence). Ce n’est plus tolérable »
Toutes les activités devant soi-disant assurer le développement de la Guadeloupe s’écroulent (canne, banane, ananas, melon, hôtellerie et tourisme ...). La production guadeloupéenne est marginalisée et mise en difficulté. Les agriculteurs, les artisans, les marins-pêcheurs ont les pires difficultés pour produire et commercialiser à un prix concurrentiel leur permettant de vivre. Les aides et subventions sont inadaptées, voire inexistantes.
Le droit à l’éducation et à la formation, essentiel au développement des jeunes et des travailleurs de ce pays, est bafoué. « La formation professionnelle est sacrifiée (fermeture de l’AFPA , faiblesse des budgets qui lui sont consacrés...) et laissée à des affairistes plus enclins à se remplir les poches qu’Ã assurer une formation de qualité. En définitive le Guadeloupéen, diplômé ou pas, est exclu du marché du travail » dit le LPK.
20 janvier 2009 : grève générale
Le LPK appelle alors à la grève pour le 20 janvier 2009 pour exiger notamment :
– La baisse immédiate de 50 cts du prix des carburants ;
– La baisse des prix de tous les produits de première nécessité et de tous les impôts et taxes ;
– Une augmentation du salaire minimum de 200 euros nets ;
– La baisse du prix de l’eau et des transports de passagers ;
– La titularisation de tous les précaires publics et privés
– La priorité à l’embauche et aux postes de responsabilité pour les Guadeloupéens et le refus du racisme à l’embauche ; " (etc).
Un accord est presque trouvé mais F.Fillon refuse de donner l’aide nécessaire et Sarkozy, si bavard, ne dit rien. Le conflit s’enlise et se durcit. Le patronat et le préfet jouent le pourrissement de la grève. Une provocation est toujours possible.
Souvenir : 87 morts en 1967
Si des groupes de grévistes en venaient à « réquisitionner » (ou si des éléments incontrôlés pillaient) le contenu des supermarchés fermés ou d’entrepôts alimentaires (ou pour tout autre prétexte), cela pourrait faire voir rouge à la bourgeoisie locale qui pourrait déclencher l’assaut. (flash-ball et lacrymos). Et si les grévistes se muent en insurgés et ripostent, un bain de sang n’est pas exclucomme en 1967
1967, la Guadeloupe se relève péniblement du passage du cyclone Inès, qui a dévasté l’île en septembre 1966, laissant derrière lui des morts et un champ de ruine. La Guadeloupe est miséreuse. La situation sanitaire des villes est catastrophique. On y crève la gueule ouverte. Les nègres se tuent au travail dans les champs de canne pour un salaire minable. Le climat social est tendu, et le 26 mai 1967, une foule se rassemble devant la Chambre de Commerce, à Pointe-Ã -Pitre. Il s’agit principalement d’ouvriers du bâtiment, en grève depuis le début du mois. Leur demande ? une augmentation des salaires de 2%. Sous le soleil de midi, les manifestants apprennent que les négociations sont rompues. Pas d’augmentation, pas de journées moins longues, pas de protections au travail. Rien ! Pire encore, le représentant du patronat, M. Brizzard, aurait même dit : « Quand les nègres auront faim, ils reprendront le travail ! » . La rumeur (ces paroles ont-elles vraiment été prononcées ?) se répand dans Pointe-Ã -Pitre. La tension monte d’un cran, et les têtes nègres commencent à s’agiter : « qui est ce monsieur Brizzard ? où est-il ? qu’il vienne négocier avec nous, han !. »
Positionnées devant la Chambre de Commerce et sur la Place de la Victoire, les forces de l’ordre chargent. Les bombes lacrymogènes pleuvent, et les coups de matraque, les coups de crosse, cassent les têtes comme des cocos secs. Bim ! Ouach ! La colère éclate du côté des manifestants, qui ripostent en lançant des pierres, des bouteilles, des conques de lambi. Pointe-Ã -Pitre s’embrase peu à peu. Sans sommations, les CRS alignent les manifestants et tirent. Les nègres tombent comme des mouches, raides morts.
A partir de là , la colère est incontrôlable ; elle se déverse telle de la bile dans les rues de la ville. Des groupes se forment, traqués par les CRS qui tabassent, rossent et arrêtent tout ce qui ressemble à un nègre. Les voitures sont brulées, les commerces de la ville sont mis à sac, les manifestants ont sorti leurs armes : des lances-pierres, des coutelas, des fusils issus du pillage de l’armurerie de Pointe-à -Pitre. En fin d’après-midi, on compte déjà une quarantaine de blessés, dont les trois quarts sont des civils. Les jeunes entrent également dans la danse.
Pendant trois jours, Pointe-Ã -Pitre se transforme en antichambre de l’enfer. On tente de dresser des barricades en évitant les balles, on court, on se bat comme des damnés. Les rues boivent le sang des hommes, blancs ou nègres, peu importe. . Les gens sont même tués pendant les lugubres, et silencieuses veillées mortuaires de leurs camarades. Les mères et les femmes pleurent les fils et les maris qui ne sont pas rentrés. Les cases de Pointe-Ã -Pitre ressemblent à des tombeaux muets.
Peu à peu, le calme revient. Le 28 Mai, on ramasse les corps mutilés et criblés de balles. On se rend compte que les CRS utilisaient des balles dum-dum, celles qui explosent délicieusement après avoir pénétré la chair tendre. Selon les rapports officiels, on compte huit morts. Ce n’est qu’en 1985 que l’on su qu’il y avait eu au moins 87 morts. Les jours qui suivirent donnèrent lieu à une vague d’arrestations, des militants sont emprisonnés et envoyés en France métropolitaine pour atteinte à l’intégrité du territoire national. Mais qui l’a su en France ?
Maintenant, vous ne pouvez pas dire que vous ne savez pas. La Guadeloupe, elle, se souvient très bien.
Source : http://www.djgwada.fr/
Ecrit le 18 février 2009
Békés : Histoire de pwofitasyon
En Guadeloupe, depuis le 20 janvier 2009 les gens sont en grève contre la « pwofitasyon » (profitation, exploitation) et contre la vie chère. Selon lemonde.fr, le pré-rapport établi sur la filière pétrolière présente une « longue liste d’anomalies, de chiffres non justifiés, de formules peu calées sur la réalité des coûts ».
Par ailleurs les tensions restent vives entre les familles riches des anciens colons et celles des anciens esclaves. La diffusion du documentaire de Canal+ « Békés, les derniers maîtres de la Martinique » , vendredi 6 février, a fait grand bruit. L’un d’eux y déclare en effet ceci : « Dans les familles métissées, les enfants sont de couleurs différentes, il n’y a pas d’harmonie. Moi, je ne trouve pas ça bien. Nous, on a voulu préserver la race. »
Ndlr : cela ne serait pas du racisme par hasard ?
Avec cette grève dure on a vu que « lèkilé kabrit pa pè chyen ankò » : les chèvres n’ont plus peur des chiens.
Voir la vidéo : http://www.lepost.fr/article/2009/02/13/1422762_antilles-la-video-qui-met-le-feu-aux-poudres.html
Note du 16 février 2009
Blocage complet dans le conflit aux Antilles
Le blocage semble total dans les Antilles françaises après près de quatre semaines de grève contre « la vie chère ». Après la démonstration de force du Collectif contre l’exploitation (LKP), à l’origine de la grève qui paralyse la Guadeloupe depuis le 20 janvier et qui a rassemblé samedi 14 février des milliers de manifestants, un durcissement est à craindre. Les responsables du collectif exigent toujours que l’Etat respecte « ses engagements » salariaux, ce que le gouvernement conteste.
Même blocage à la Martinique, où le Collectif du 5 février, qui mène depuis dix jours la grève, a claqué samedi la porte des négociations avec la grande distribution sur des baisses de prix. D’ici là , le collectif a appelé à une « grande mobilisation »pour le 16 février.
Note du 16 février 2009, Site internet du « Monde » à 17h38 :
Premières interpellations musclées en Guadeloupe
Alors que presque aucune arrestation n’avait marqué les vingt-six premiers jours de grève en Guadeloupe, la situation s’est tendue, lundi 16 février. Douze personnes ont été interpellées et une quarantaine d’autres étaient en passe de l’être, autour de barrages routiers érigés par les manifestants, notamment au Gosier, près de Pointe-Ã -Pitre.
Les forces de l’ordre ont démantelé neuf barrages érigés tôt le matin par les grévistes du collectif LKP contre la vie chère et la « profitation », mais de nouveaux barrages de fortune étaient bâtis à la hâte un peu plus loin, selon des témoins, sur fond d’échauffourées. Les manifestants interpellés, dont certains portaient cagoule et masque de chirurgie, se voient reprocher des « entraves à la circulation », et des « violences à l’encontre des forces de police avec jets de pierres », selon une source policière.
Des grévistes ont de leur côté déploré des « actions violentes » de la police vis-Ã -vis des interpellés. Un des responsables du LKP, Alex Lollia, s’est vu délivrer à l’hôpital cinq jours d’interruption temporaire de travail (ITT) après avoir été blessé sur un barrage routier dégagé par la police. A sa sortie de l’hôpital, il portait une minerve. Il a expliqué aux journalistes présents : « les CRS sont arrivés en masse, ils ont commencé à nous frapper et à lancer des gaz lacrymogènes. C’était excessivement violent ». Le syndicaliste a affirmé avoir entendu des policiers proférer des insultes racistes.
Jeudi 12 février, sur Canal 10, chaîne créole très écoutée sur place, le leader du LKP Elie Domota avait lancé une sévère mise en garde : « Si quelqu’un blesse un membre du LKP ou un manifestant guadeloupéen, il y aura des morts. »
Pendant le week-end, M. Domota avait durci le ton, accusant une nouvelle fois le gouvernement de manquer à sa parole et avertissant que le mouvement contre la vie chère allait « s’amplifier », faute d’une garantie de l’Etat dans les négociations salariales.
Note du 18 février
Un mort
POINTE-A-PITRE (AFP) « ” La mort par balles d’un syndicaliste en Guadeloupe, premier décès après un mois de conflit social, a entraîné l’envoi de renforts de gendarmes tandis que Nicolas Sarkozy évoquait pour la première fois à la télévision la »désespérance" des Guadeloupéens.
Jacques Bino, membre du « collectif contre l’exploitation » (LKP) qui revenait en voiture d’un piquet de grève, a été atteint à la poitrine d’une balle « tirée par la fenêtre ouverte du passager », a affirmé mercredi le procureur de Pointe-Ã -Pitre, Jean-Michel Prêtre.
Le magistrat a souligné que les trois projectiles de chasse tirés contre le véhicule n’étaient « pas des balles perdues », ajoutant qu’il n’y avait pas alors de policiers positionnés à proximité.
Trois policiers qui accompagnaient des pompiers venus porter secours à la victime ont été légèrement blessés. Selon le maire de Baie-Mahault (10 km de Pointe-Ã -Pitre), trois gendarmes ont aussi été légèrement atteints dans sa ville.
Le Premier ministre François Fillon a « condamné fermement ces actes et appelé à la responsabilité de tous les acteurs pour que cesse cette violence ».
Dès avant l’annonce du drame, le leader du LKP, Elie Domota, avait lancé un appel au calme.
Mais, en créole sur la radio RCI, il avait aussi qualifié de « provocation » les actions des forces de l’ordre, demandant au préfet de « retirer ses gendarmes » et accusant ceux-ci de racisme. Selon Libération et Le Figaro, il a même accusé les autorités de vouloir « casser du nègre ».
M. Domota a aussi émis des « doutes » sur ce qu’il a qualifié de « version officielle » de la mort de Jacques Bino.
Entouré d’un très important service de sécurité, il s’est ensuite joint vers 16H00 (21H00 à Paris) à plusieurs centaines de manifestants pour une marche silencieuse vers le quartier Henri IV de Pointe-Ã Pitre, où a été tué le syndicaliste.
Une autre marche silencieuse d’hommage a rassemblé de 2 à 3.000 personnes en Martinique, à Fort-de-France.
Le ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a réagi aux incidents de la nuit en jurant que « les pillages, les violences contre les personnes, les exactions » ne seront pas « tolérés » aux Antilles.
Elle a instauré une réunion quotidienne sur la sécurité aux Antilles. A l’issue de la première, a été annoncé l’envoi en Guadeloupe de « quatre escadrons de gendarmes mobiles », soit 280 militaires.
Quelque 1.000 gendarmes et autant de policiers sont déjà sur place.
En toute fin de son allocution rendant compte du sommet social de l’Elysée, Nicolas Sarkozy a évoqué la situation, soulignant « l’angoisse » et « une certaine forme de désespérance de nos compatriotes des territoires d’Outre-mer ».
M. Sarkozy avait évoqué le sujet en Conseil des ministres, mais c’était la première fois qu’il s’adressait directement aux Français sur ce sujet depuis le 20 janvier, début des grèves en Guadeloupe.
Documents
Chronologie du conflit :
– http://www.lemonde.fr/web/module_chrono/0,11-0@2-3224,32-1155802@51-1146113,0.html
YvesJégo avait promis ...
– http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2009/02/15/01006-20090215ARTFIG00115-domota-la-greve-a-ouvert-les-yeux-des-guadeloupeens-.php
Contre les archaIsme coloniaux :
– http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/02/16/neuf-intellectuels-antillais-contre-les-archaismes-coloniaux_1156114_823448.html#ens_id=1146113
Le point de vue d’Elie Domota :
– http://www.afrik.com/article16289.html
Qui est Elie Domota ?
– http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/social/20090218.OBS5239/elie_domota_president_dune_guadeloupe_en_lutte.html
Lettre ouverte aux journalistes :
– http://phenixblog.canalblog.com/archives/2009/02/13/12522961.html
– Martinique : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=51808
– Guadeloupe : http://www.medialternative.fr/w/GUADELOUPE-Lettre-ouverte-aux.html
Vous pouvez déjà consulter le site de Lyannaj Kont Pwofitasyon (http://www.lkp-gwa.org/).
Il serait bien que leurs communiqués puissent avoir le même écho que ceux du gouvernement. Ne serait-ce qu’au nom de l’équité dans le droit et le temps de parole.
Vous pouvez également écouter depuis Internet une radio locale qui donne un temps de parole important à tous les protagonistes qui interviennent dans la négociation. Il s’agit de Radio Caraïbes International (http://gp.rci.fm/).
Vous pouvez même utiliser un stream audio (http://mq.rci.fm/player/gp.m3u) pour tout suivre en direct.
Nous vous recommandons également le site du syndicat UGTG (http://ugtg.org/).
Bonne lecture !