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Ecrit le 19 mai 2010
Repères : pour ne pas souffrir sans savoir
Le gouvernement, le Medef, les grands médias toujours prompts à dénoncer les « prises d’otages » lors de chaque grève à la SNCF n’ont pas un seul mot pour condamner la gigantesque prise d’otages des salariés grecs par les spéculateurs, habillés du nom plus aimable d’investisseurs ou de « marchés financiers ». Souvenez-vous
début 2009, en pleine récession, le gouvernement conservateur grec de Caramanlis annonce un déficit de 3,7 % du PIB pour 2008. Le 4 octobre 2009, le parti socialiste grec (PASOK) remporte les élections législatives. Le nouveau premier ministre grec révèle alors les fraudes du gouvernement précédant et réévalue le déficit grec à 12,7 % du PIB.
Le 7 décembre 2009, l’agence de notation Fitch Ratings procède à une dégradation de la note accordée à la dette grecque.
1, 2, 3, 4 austérité
Le 14 décembre, le gouvernement grec annonce son premier plan d’austérité : gel de l’emploi public, gel des retraites de la fonction publique, passage de l’âge légal de la retraite à 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes.
Le 20 janvier 2010, Fitch Ratings rétrograde encore sa note. Les taux auxquels la Grèce peut refinancer sa dette continuent donc à augmenter. Le taux des obligations d’Etat à dix ans passe au-dessus de 6 % (le taux exigé de l’allemagne pour le même type d’opération n’est que de 3,3 %).
Le 15 février, les ministres des Finances de la zone euro demandent à la Grèce des mesures « d’austérité » supplémentaires. Le 3 mars, le gouvernement grec annonce un deuxième plan d’austérité qui s’ajoute au premier : hausse de 10 % des taxes sur les alcools, le tabac, les carburants, gel des retraites des salariés du secteur privé, hausse de la TVA à 21 %.
Le 25 mars, les chefs d’Etats et de gouvernement des 16 pays dont l’euro est la monnaie adoptent un « plan d’aide à la Grèce » et notamment un prêt. Mais Georges Papandréou ne réclame pas, alors, le versement effectif des fonds. Le résultat ne se fait pas attendre. Profitant de l’ambiguïté du plan et des difficultés de sa mise en œuvre, les spéculateurs s’en donnent à cœur joie et les taux exigés de la Grèce atteignent 7,5 % début avril. Le 9 avril, l’agence de notation Fitch Ratings abaisse la note de la dette publique grecque sous prétexte que la hausse des taux (Ã laquelle elle avait largement contribué) allait rendre difficile la réduction du déficit grec.
Le 22 avril, Eurostat annonce que le déficit 2009 de la Grèce est à 13,6 %. Que cette hausse soit due à la hausse des taux d’intérêt de la dette publique et à la récession subie par la Grèce en 2009, ne fait, évidemment, la « Une » d’aucun grand média. Le 23 avril, le gouvernement grec demande l’activation du « plan d’aide » décidé le 25 mars.
Le 27 avril, Standard & Poor’s dégrade la note d’Athènes de trois crans, la reléguant au rang de « Junk bunds », d’obligations « pourries ». Le même jour, les marchés boursiers européens subissent une baisse généralisée. L’euro qui s’échangeait, il y a quelques mois, contre 1,5 dollars ne vaut plus que 1,31 dollar. Le taux des obligations d’Etat grecques à 10 ans dépasse les 11 %. Pire, les taux à deux ans (en principe inférieurs aux taux longs) atteignent 18 % contre 15 % la veille au soir. Cela indique clairement la crainte des spéculateurs d’un défaut de paiement de la Grèce à court terme.
Le 29 avril, après s’être longuement entretenu avec les émissaires du FMI et sous la pression continuelle des dirigeants européens qui n’ont toujours pas versé le moindre centime d’euro à Athènes, le gouvernement grec annonce un 3e plan d’austérité (s’ajoutant aux précédents) : baisse de 12 % des salaires de la fonction publique et du montant des retraites, etc.
Le 2 mai, l’Eurogroupe décide d’accorder un prêt de 80 milliards d’euros, étalé sur trois ans (au taux de 5,2 %) à la Grèce. Il faut cependant encore que chaque Parlement national des quinze autres membres de la zone euro accepte que son pays finance sa quote-part du prêt avant que le premier euro soit versé à la Grèce. Ce prêt sera complété par un crédit de 30 milliards d’euros du FMI, lui aussi étalé sur 3 ans.
Ces prêts ne sont pas destinés à relancer l’économie grecque mais à rembourser les rentiers du montant de la dette grecque qui arrivera à échéance au cours des 3 années à venir, sans oublier, bien entendu, les intérêts dus à ces mêmes rentiers. Il faudra ensuite que la Grèce rembourse les prêts du FMI et des pays de la zone euro ainsi que les sommes dues au titre des intérêts de ces prêts.
En contrepartie de ces prêts, le gouvernement grec devra mettre en place un 4e plan d’austérité, alourdissant d’autant la rançon exigée du peuple grec. Mesures contre les retraites, contre les revenus des fonctionnaires, augmentation de la TVA de 21 % à 23 %, mise en place d’un salaire minimum au rabais pour les jeunes et les chômeurs de longue durée etc.
Les investissements publics seront sévèrement réduits et le secteur des transports et de l’énergie seront « libéralisés » et donc offerts aux appétits des multinationales qui pourront les racheter à bas prix, toujours dans le but de rembourser les rentiers détenteurs des titres de la dette grecque.
Ces mesures ne permettront pas à la Grèce de redresser son économie. Les marchés financiers le savent. Et voilà qu’un un trader se trompe en tapant sa commande sur son clavier ! 1000 milliards sont supprimés d’un seul coup. Des rumeurs, injustifiées, parlent d’un possible défaut de paiement de l’Espagne et de l’Italie. On craint le pire.
750 milliards virtuels !
Deux jours et deux nuits plus tard, les Européens accouchent d’un plan de soutien aux pays attaqués par les marchés. Les Européens font comprendre qu’ils veulent changer les règles du jeu de la finance et que ceux qui parieraient sur le fait qu’un Etat de la zone euro pourrait ne pas rembourser sa dette perdront forcément leur pari. Tout sera mis en œuvre pour l’éviter.
Les Etats étaient sans le sou mais il n’aura fallu que deux nuits pour trouver 750 milliards. Et pour sauver qui ? Ceux là même qui ont déclenché une nouvelle fois l’incendie. Les pauvres banques, les malheureux assureurs, les pitoyables traders !
Le lundi 10 mai la Bourse remonte. c’est l’euphorie.
Mais dès le lendemain les Bourses chutent à nouveau : les marchés financiers doutent. Ils savent que les politiques d’austérité engagées dans tous les pays pour réduire les déficits publics, auront nécessairement des conséquences sur la croissance.
Ils savent aussi que l’argent des 750 milliards promis est virtuel ! Sur Telos, Charles Wyplosz explique : « L’idée est qu’il n’a pas besoin d’être là puisqu’il s’agit de garanties, pas de prêts. L’Union Européenne va simplement se porter garante des dettes publiques espagnole ou portugaise. Il ne faudra lever des fonds que si les gouvernements espagnols ou portugais font défaut, ce qu’ils n’ont aucune raison de faire si les marchés continuent à leur prêter de l’argent, ce que les marchés n’ont aucune raison de ne pas faire si les dettes sont garanties. Bloquer la contagion de la crise sans dépenser un euro, il fallait y penser ! »
Mais vendredi 14 mai l’euro et les Bourses européennes dégringolent à nouveau L’euro a atteint son plus bas niveau depuis un an et demi en raison des inquiétudes sur la santé économique de la zone euro.
La boucle est bouclée : les marchés financiers qui ont provoqué la crise de 2008 mettent à genoux les Etats qui les ont sauvés. Les marchés financiers ont retrouvé le chemin des bénéfices juteux. Les peuples sont condamnés à l’austérité pour les 10 ou 15 ans à venir. En des circonstances analogues, 10 ans après la crise de 1929, il y eut la guerre
Source : http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2139