Ecrit le 2 juin 2010
Que se passe-t-il à Châteaubriant ? Rien, ou pas grand-chose
Et quand il ne se passe rien d’important, votre journal La Mée a le choix : les faits divers ou les grands problèmes nationaux. Devinez ce que nous avons choisi ...
Nous avons choisi de négliger les « chiens écrasés » et de donner aux lecteurs des éléments d’information et de compréhension de la situation actuelle.
Niches fiscales et niches sociales
Le débat sur la situation des finances publiques est détourné et confisqué par les tenants de la rigueur et d’une réforme de l’Etat et de la sécurité sociale tournée vers le repli de l’action publique et des solidarités. Le dernier exemple en date : la volonté du président de la République d’afficher dans la Constitution l’objectif de réduire les déficits public.
Cette proposition ne peut se justifier sur le plan économique : en effet, la hausse de la dette procède à la fois
– de dépenses d’investissements,
– de dépenses liées à la hausse des besoins sociaux (effets du vieillissement par exemple),
– de la crise et de la baisse des recettes.
La dette, qui représente la somme des déficits passés, peut donc être bonne (cas des investissements ou des dépenses maintenues à niveau élevé en cas de crise pour en amortir les effets), conjoncturelle (crise, vieillissement) ou mauvaise (manque de recettes pour couvrir les dépenses de fonctionnement, gaspillages).
s’agissant des recettes, le débat fait rage sur les possibilités de dégager des marges de manœuvres supplémentaires afin de couvrir, par exemple, les besoins en matière de retraites ou de services publics. Afin d’éclairer le débat, l’Union SNUI SUD Trésor Solidaires, premier syndicat de la Direction générale des finances publiques (en charge des recettes et des dépenses publiques), tient à rappeler quelques données sur les recettes et les assiettes fiscales et sociales.
Bilan des baisses de l’impôt sur le revenu
Les baisses de l’impôt sur le revenu des années 2000 à 2005 ont engendré un manque à gagner qui a contribué à creuser les déficits et à alimenter la dette. Elles n’ont pas provoqué les effets escomptés en matière de croissance économique, elles ont en revanche privé l’Etat de ressources importantes : ainsi, si on avait maintenu le barème de l’année 1999, l’impôt sur le revenu rapporterait aujourd’hui 15,8 milliards d’euros en plus par an.

Le coût des niches fiscales ?
La liste des « dépenses fiscales » annexée à la loi de finances 2010 fait état d’un manque à gagner global de 75 milliards d’euros en 2010. Ce montant est sous estimé : pour la Cour des Comptes, le coût total des dépenses fiscales était de 146 milliards d’euros en 2008. Car toutes les dépenses fiscales ne figurent pas dans la liste annexée à la loi de finances depuis 2006. Et celles qui ne figurent pas « atteignent 80 milliards d’euros et sont probablement en augmentation ». Les niches posent donc un problème de rendement et de justice fiscale.
Le coût des niches sociales
s’agissant des recettes sociales, le manque à gagner des niches sociales s’élevait en 2009 à 30,4 milliards d’euros. On y trouve les allègements généraux de cotisations sociales (21,5 milliards d’euros), les exonérations des heures supplémentaires (2,8 milliards d’euros), les exonérations ciblées (3,6 milliards) Ces mesures sont compensées pour partie (ce qui sollicite le budget de l’Etat) à hauteur de 2,6 milliards d’euros.
Impôts : qui paie quoi ?
Les assiettes fiscales sont mitées de mesures dérogatoires. En matière d’impôt sur le revenu, pour les foyers à très hauts revenus, le taux d’imposition des revenus est en moyenne de 25 % (loin des 50 % annoncés !). s’agissant de l’impôt sur les sociétés, le taux effectif d’imposition s’élève à 28 % en moyenne pour les très petites entreprises (sans salarié) et s’abaisse au fur et à mesure que la taille croît pour s’établir à 13 % pour les grandes entreprises (plus de 2 000 salariés). Le taux réel d’imposition des sociétés du CAC 40 se situe même en moyenne à 8 %.
Pourquoi rappeler ces chiffres ?
En matière de recettes publiques, l’assiette miracle n’existe pas mais il est tout aussi faux de dire qu’il n’existe aucune marge de manœuvre pour, par exemple, sortir de la crise avec un système fiscal rééquilibré.
Il ne s’agit pas de supprimer tous les allègements ou éliminer toutes les dépenses fiscales (Ã tout le moins, il conviendrait d’en faire le bilan, ce qui n’a jamais été fait) mais simplement d’éviter la profusion d’idées fausses ou de mensonges par omission consistant à nier une évidence : la crise des finances publiques est aussi une crise des recettes publiques.
Niches fiscales : vers un coup de rabot ?
La volonté du gouvernement de donner un « coup de rabot » aux niches fiscales de 10 % pour élargir l’assiette fiscale et gonfler les recettes de l’Etat semble s’affirmer. Ce projet, s’il était confirmé, appelle certains commentaires.
Tout d’abord, ce projet ne porte pas une révision d’ampleur des niches fiscales : il n’en dresse pas le bilan coût/efficacité. En outre, le projet demeure simpliste et ponctuel, de sorte que les défauts inhérents à la structure fiscale resteraient bel et bien en place :
– coup de rabot ou pas, il y aurait autant de niches fiscales : l’impôt serait donc toujours aussi compliqué,
– la « gouvernance fiscale », caractérisée par la prolifération de niches, ne serait pas véritablement remise en cause,
– les cadeaux fiscaux seraient certes revus à la baisse le temps du « coup de rabot », mais ils demeureraient très élevés car les niches qui ne sont plus inscrites dans la liste des mesures dérogatoires annexée à la loi de finance (et qui représentant un manque à gagner annuel de 80 milliards d’euros environ) seraient sans doute épargnées,
– les déséquilibres liés à l’utilisation des niches pour mettre sur pied des schémas sophistiqués de défiscalisation seraient peu affectés.
Globalement, ce coup de rabot risque fort de n’être qu’un coup de com’ pour éviter de poser les questions de fond sur le coût, l’efficacité et les effets pervers d’un grand nombre de niches.