Ecrit le 29 septembre 2010
L’amendement 730
A l’heure de la sous déclaration massive des accidents du travail, de l’augmentation des maladies professionnelles et des suicides au travail (comme cela a été révélé à France télécom), à l’heure de la hausse des accidents cardiaques et vasculaires liés au stress et à la souffrance au travail, à l’heure où dérivent les méthodes de management et leurs exigences dévorantes de productivité, faut-il affaiblir ou renforcer la médecine du travail ?
Non à l’amendement 730 qui abroge la médecine du travail
A la veille de l’ouverture du débat sur la réforme des retraites à l’assemblée nationale, le gouvernement, sur indication de l’Elysée, a déposé plusieurs amendements de dernière heure, notamment sur la médecine du travail.
Le gouvernement argumente : « La mise en œuvre des dispositions législatives relatives à la pénibilité fait jouer un rôle important, de fait, aux services de santé au travail ».
Tiens donc ! Faut-il rappeler au ministre du travail que ce sont les médecins conseils de sécurité sociale qui attribuent les taux d’IP (incapacité permanente) et non les médecins du travail ?
En réalité le gouvernement ressert les dispositions que le Medef, il y a un an, voulait faire signer par les organisations syndicales qui les ont repoussées à l’unanimité.
Deux articles abrogés
La plus importante et la plus grave est constituée par l’abrogation de deux articles fondamentaux du code du travail :
– Abrogation de l’article L.4622-2 qui stipule que : « Les services de santé au travail sont assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de »médecins du travail " ;
Donc, c’est clair, les services de santé sont assurés par des médecins et (voir article suivant), ces médecins peuvent faire appel à divers organismes :
– Abrogation de l’article L 4622-4 qui note que : « les services de santé au travail font appel soit aux compétences des CRAM [...] soit à des personnes ou organismes [...] Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes ou organismes associés ».
Plus de médecins du travail, mais des équipes de santé
Ces abrogations sont indispensables pour justifier l’amendement 730. Et il dit quoi, cet amendement 730 ? Il explique que le code du travail ne fait référence qu’aux médecins du travail, et qu’il faut créer maintenant des « équipes de santé au travail » (voir plus loin) et que, dans 18 mois, les accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural seront réputées caduques comme quoi les accords d’entreprise ne pourraient plus être adaptés aux entreprises mais devraient se limiter au minimum légal.
l’amendement 730 ne parle plus de médecin du travail mais de « services de santé au travail » en précisant qu’ils sont « organisés sous forme associative », comme par exemple le comité médical inter-entreprises de Châteaubriant.
Mais jusqu’Ã présent les visites médicales y sont assurées par des médecins, ayant leur diplôme de médecin et un diplôme supplémentaire de médecin du travail.
Ces médecins ont une indépendance garantie par la loi, ils sont protégés contre le licenciement par l’inspecteur du travail, et bénéficient d’un agrément renouvelé tous les cinq ans par l’autorité des services déconcentrés du ministère.
Eh bien, selon l’amendement 730, les visites « médicales » seraient assurées demain par une équipe pluridisciplinaire avec des médecins du travail (encore un peu ?), et aussi des intervenants en prévention des risques professionnels, des infirmiers et, le cas échéant, des assistants des services de santé au travail.
Et il n’est plus question de garantir « les règles d’indépendance des professions médicales ». Si cet amendement, qui prévoit l’application par décret de ces dispositions, est adopté, ce ne seront plus les médecins du travail qui seront chargés de la prévention médicale des risques professionnels, mais les employeurs responsables de l’organisation du travail et des risques qu’il font encourir à la santé des travailleurs qu’ils salarient.
Si à l’occasion du débat sur les retraites, cette manœuvre de pure opportunité permettait de voter l’amendement 730, les assemblées prendraient la responsabilité d’avoir, par une décision de couloir, voire de comptoir, non seulement abrogé la médecine du travail, mais également confié la santé au travail des salariés à leurs propres employeurs.
Retraites : les corps de l’usure, par un médecin du travail - http://www.pratiques.fr/Projet-de-loi-sur-les-retraites.html
La gauche dénonce : http://tempsreel.nouvelobs.com//actualite/politique/20101016.OBS1382/la-gauche-denonce-le-demantelement-de-la-medecine-du-travail.html