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Ecrit le 17 août 2011
Les crises sociales se multiplient dans le monde : Angleterre, Israë l ... Elles se doublent d’une crise politique en Syrie. Les licenciements repartent de plus belle. La croissance est en panne en France. Mais qui sait ce qui se passe en Afrique ?
Israë l : Yes we tent
A la mi juillet, des tentes ont été installées le long d’un boulevard Rothschild chic de Tel Aviv pour protester contre une hausse effrénée du coût du logement. Criant « le peuple veut plus de justice sociale », ce sont plus de 100.000 Israéliens qui ont défilé dans les rues des villes israéliennes samedi soir 30 juillet. Ils étaient 300 000 le 6 août.
Ce mouvement social, qui a débuté dans les rangs des organisations étudiantes, s’est étendu à d’autres villes et d’autres catégories sociales. Un million de manifestants sont attendus en septembre. Ils protestent contre des choix très inégalitaires : moins d’État, plus de privatisations ; moins d’impôts, plus de taxes indirectes ; moins de budgets sociaux, plus d’investissements pour la défense et les colonies.
Angleterre : la violence des émeutiers
Ils ont 15-16 ans, parfois moins. La violence des émeutiers a surpris les Britanniques qui croyaient que ces manifestations étaient réservées à la France. Point de départ : une bavure entre jeunes et policiers. Modalités : des émeutes shoppings’attaquant aux temples de la consommation, dans un contexte de chômage, de pauvreté, de marginalisation sociale, à quelques stations de métro des flamboyants Traders de la City.
Milliardaires en panne
Etonnant, aux États-Unis, quelques dizaines d’Américains fortunés font appel au bon sens du gouvernement à qui ils suggèrent de relever leurs impôts et ceux des particuliers qui ont des revenus supérieurs à un million de dollars par an, ce qui concernerait environ 1 % de la population. D’après eux, cette initiative pourrait rapporter entre 500 et 600 milliards de dollars en dix ans.
Ces riches contribuables - rejoints par plusieurs stars du cinéma - affirment avoir bénéficié des abattements fiscaux hérités de George W. Bush, puis renforcés sous Barack Obama. Certains d’entre eux disent avoir économisé près de 10 millions de dollars. D’autres se vantent même d’en avoir profité pour changer de bateau. Aujourd’hui, ils exigent que cette « erreur » soit réparée. Un exemple à suivre.
Mais en France, comme dit Alfred Grosser (Edito de Ouest-France du 11 août 2011) : Nous vivons en un temps étrange.
– Oui, il faut, pour faire progresser les désavantagés par leur milieu social, que l’enseignement soit plus individualisé. Donc, on supprime massivement le nombre d’enseignants.
– Il faut que les malades, dans les hôpitaux, reçoivent des soins plus humanisés. Donc, on supprimera massivement les postes d’infirmières.
– Il faut que les plus démunis soient aidés, logés, nourris. On diminuera donc drastiquement le soutien aux associations qui ont cette visée.
Qu’est-ce qu’une solidarité proclamée, mais déniée dans les faits ? C’est ce déni qui crée le sentiment justifié d’une rupture dans notre société, entre une petite strate ignorant la solidarité, et une strate sans cesse grandissante de citoyens et de citoyennes qui trouvent leur liberté de plus en plus abstraite, faute d’une marche perceptible vers plus d’égalité, faute aussi d’une fraternité ressentie. [fin de citation]
Les licenciements sont repartis de plus belle !
A Calais, Seafrance, filiale à 100 % de la SNCF, qui gère les ferries assurant le transport trans-Manche, veut supprimer 200 emplois. L’effectif pourrait passer d’environ 1 600 personnes il y a quelques mois à 650 salariés en septembre, soit une baisse de 60 %.
Les salariés de l’entreprise Ontex, à Villefranche-sur-Saône, ont trouvé une manière originale d’attirer l’attention de la Première dame de France sur la délocalisation dont fait l’objet leur usine : 187 paquets de couches pour bébé ont été envoyés en recommandé à Carla Sarkozy, afin de tenter de la sensibiliser au sort des 187 salariés en passe d’être licenciés.
La banque britannique HSBC a annoncé qu’elle allait supprimer 30.000 postes dans le monde après avoir enregistré un bénéfice semestriel en hausse de 35%. résultat, l’action HSBC a bondi de 5%. La Bourse aime le sang et les larmes.
Le 19 juillet la prestigieuse banque d’affaires Goldman Sachs a annoncé 1000 suppressions d’emplois dans le monde, afin de faire face au ralentissement de son activité. Lloyds banking Group (LBG) confirme la perte de 15 000 emplois d’ici 2014.
Fin juillet, le groupe RIM qui fabrique les smartphones BlackBerry a annoncé la suppression de 2000 postes, soit 11% de ses effectifs.
La Poste américaine veut supprimer 220 000 emplois. Ces suppressions de postes s’ajoutent aux 100.000 salariés partant à la retraite et non remplacés.
L’entreprise chinoise Foxconn, qui produit l’iPad et l’iPhone d’Apple a décidé de remplacer une partie de son personnel par des robots, d’ici 3 ans ....
Croissance en panne
L’envolée du chômage le laissait penser, l’Insee l’a confirmé : l’économie française est au point mort.
Après 0,9% de croissance sur les trois premiers mois, le produit intérieur brut (PIB) a stagné au deuxième trimestre, remettant en cause les prévisions du gouvernement sur l’ensemble de l’année. Et, par ricochet, les objectifs de réduction du déficit.
L’investissement des entreprises a fortement ralenti (de +1,9% au premier trimestre à +0,7% au deuxième), la consommation des ménages subit le coup de l’aggravation du chômage et de la politique d’austérité sans précédent menée par le gouvernement et recule fortement (-0,7%). Les exportations stagnent (+0,0%). Seul le repli des importations (-0,9%) évite le retour à une croissance négative.
Tous ceux qui disaient « c’est terminé, la crise est derrière nous, le chômage va baisser », tous ceux-là ont raconté n’importe quoi aux Français. On dit à l’ensemble des Français « vous devez continuer à vous serrer la ceinture car c’est le seul moyen de s’en sortir », alors qu’au même moment on accorde par exemple en France 2 milliards de baisse de l’impôt sur la fortune. Donc on voit bien qu’il y a un sentiment de deux poids deux mesures. On demande des efforts à tout le monde, sauf à ceux qui ont le plus d’argent ! " a déclaré Michel Sapin, socialiste.
En Italie, alors qu’un plan de rigueur de 48 milliards d’euros a été adopté à la mi-juillet, un supplément de 45 milliards a été adopté le 12 août.
Et dire que Berlusconi déclarait, il y a quelques mois, que l’Italie avait une bonne santé financière !
Par ailleurs une « taxe de solidarité » est prévue sur deux ans pour les revenus les plus élevés (5% pour ceux supérieurs à 90.000 euros par an, 10% au-dessus de 150.000), répondant ainsi a minima, à une demande pressante de l’opinion publique, furieuse des privilèges de « la caste » comme est désormais surnommée la classe politique italienne. Parmi les autres mesures, la fusion de provinces et communes, l’anticipation de l’accroissement progressif de l’âge de départ à la retraite des femmes à 65 ans, la suppression de 50.000 postes d’élus au niveau de l’État central et des collectivités locales, la réduction des transferts de l’État aux collectivités locales, mais aussi la suppression des « ponts » (week-ends prolongés) pour augmenter la productivité.
L’opinion publique estime, elle, qu’il faut demander, en outre, une contribution exceptionnelle à la classe politique, qui se caractérise par des privilèges économiques d’une ampleur telle qu’ils pourraient susciter une vague générale d’indignation.
Burkina Faso : les jeunes et les militaires
Pendant que nous avons les yeux fixés sur les difficultés des pays riches, il ne faudrait pas oublier ce qui se passe, ailleurs, dans le monde.
Le Guatemala, en Amérique Centrale, par exemple, est frappé par la « famine verte » : cinquième producteur mondial de sucre, de café et de bananes, il est confronté à l’épuisement des récoltes de subsistance et aux très faibles revenus des populations qui ne peuvent pas acheter suffisamment de maïs, de fèves ou de riz. Plus de 6.500 personnes sont mortes l’an dernier au Guatemala de complications liées à la malnutrition. 2.175 d’entre elles avaient moins de cinq ans.
Le Burkina Faso, en Afrique, traverse une crise sans précédent dans son histoire. Partie des manifestations de scolaires suite à la mort suspecte du jeune Justin Zongo, en février dernier à Koudougou et dans d’autres villes du pays, cette crise a été amplifiée par des mutineries dans l’armée. M. Raogo Antoine Sawadogo, président du Laboratoire Citoyennetés explique, dans le journal « Le Nord » :
La ville de Koudougou se sent délaissée, surtout depuis la fermeture de l’usine Faso Fani qui générait beaucoup d’em-plois pour les bras valides, avait des retombées économiques certaines pour la région et faisait de la ville une plaque tournante d’activités socioculturelles.
Une caractéristique de cette crise : la police est mise en cause. Conséquence :
des commissariats de police dans plu -sieurs localités du pays ont été incendiés. La raison ? c’est la police qui accueille les problèmes au quotidien des citoyens. La police est donc un dépotoir d’événements malheureux. En même certaines mé-thodes utilisées par la police dans la conduite de leurs enquêtes sont aux antipodes des dispositions républicaines. Quand un individu se lève le matin avec de nombreux problèmes sur le dos et qu’on l’arrête à un stop pour lui tendre une contravention, voire si on exige la moitié de suite, il part frustré en vous mau-dissant. Si quelqu’un est convoqué par la police à maintes reprises et que par hasard, il meurt, cela crée des suspicions.
Généralement les manifestations précé-dentes partaient de Ouagadougou. Mais cette fois-ci, elles ont démarré en périphérie notamment à Koudougou, Ouahigouya, Fada, avant de gagner Ouagadougou. Cela veut dire simplement que l’analyse selon laquelle, si on maîtrise Ouagadougou, on maîtrise l’ensemble du pays, n’est plus vraie.
Le rôle des jeunes
« Nous sommes face à une nouvelle situation, se traduisant par des manifestations violentes et orchestrées par des jeunes. Les aspirations, les attentes d’amélioration des conditions de vie des peuples ainsi que leurs demandes en matière de gouvernance sont toujours en décalage avec les capacités des gouvernants à y répondre » dit M. Sawadogo
« La jeunesse a compris que la méritocratie, la transparence, la bonne gouvernance sécurisent tous les citoyens. Elle revendique les mêmes chances devant les offres de services publics, les concours, les marchés, la redistribution équitable des richesses ».
« Pour me résumer, je dirai que la crise sociopolitique actuelle est caractérisée par une forte entrée en scène du Local et de la jeunesse et partant, le refus de la trop grande concentration du pouvoir, des ressources et des investissements dans la capitale, entre les mains d’une minorité de privilégiés. Elle est donc soutenue par une forte revendication d’une forme d’Etat, un Etat qui transfère réellement le pouvoir, les ressources et les compétences vers les milieux de vie quotidienne des popu-lations à savoir les villages, les secteurs, les communes et les régions ».
Armée et justice
A la suite des élèves , des militaires sont entrés dans la danse pour protester, armes aux poings contre une décision judiciaire prononcée à l’encontre de cer-tains de leurs camarades et revendiquer de meilleurs conditions de vie. Cette réaction surprenante, pour un corps où la discipline est le maître mot, montre le mauvais fonctionnement des institutions et notamment de la justice : les gens ont le sentiment qu’il y a toujours des mains souterraines qui dictent les décisions judiciaires. Les manifestants sont aussi habités par ce sentiment. Dans le passé, des forces de l’ordre ont posé des actes en violation de droits humains et n’ont pas été inquiétées. Donc les manifestants raisonnent par comparaison. Ils savent que les manipulations, la corruption, ont pignon sur rue.
« Au sein des forces armées présentement beaucoup de jeunes ont un bagage intellectuel solide. Ils ont l’esprit alerte pour analyser et décortiquer les tenants et les aboutissants des conditions dans lesquelles ils baignent. Ils sont allés au Darfour, en Centre Afrique, au Congo RDC, en HAITI etc., ils connaissent ce que leurs camarades perçoivent comme salaire et ce qu’ils perçoivent au retour de ces missions. Le temps des sacro-saints slogans disant que la discipline fait la force des armées est dépassé. Il me paraît urgent de trouver des mécanismes qui puissent motiver le respect de la discipline au sein de l’armée. Cela passe par l’amélioration des conditions de vie des individus qui font cette armée et la gestion transparente de leur dû ». dit encore M. Sawadogo
Face à cette crise, le gouvernement du Burkina a pris des mesures, notamment la diminution des prix des produits de première nécessité, et la promesse d’apurer les avancements des fonction-naires. Mais, pour M. Sawadogo, ces mesures « on peut les comparer à des sparadraps, des aspirines administrées pour calmer la douleur. Les calmants ne soignent pas définitivement une maladie »
Equilibre
Comment placer l’intérêt de l’État, de l’ensemble des citoyens en priorité par rapport aux intérêts des individus, ou des groupes sociaux ?
« Au Burkina, nous sommes face à de grandes marginalités. Le fossé entre les riches et les pauvres, l’urbain et le rural, les jeunes et les aînés, l’élite intellectuelle et le non alphabétisé est très profond. Cette crise doit nous permettre de revoir les mécanismes de régulation pour cor-riger le fonctionnement de nos institutions. c’est une occasion historique qu’il ne faut rater. La sérénité, le calme, la cohésion sociale, on ne peut les pérenniser que lorsque les dirigeants auront bâti des mécanismes efficaces pour assurer au fils du pauvre les mêmes chances qu’au fils du ministre, ou du riche commerçant, quand ils doivent concourir pour un poste et pour une offre de service de l’État ».
La force principale d’un pays viendra de sa jeunesse. Tout le monde doit accepter que les jeunes nous interpellent. c’est une énergie dormante. Cette énergie dormante est comme un volcan. Le jour où le volcan fait irruption, il est difficilement maîtrisable
Source : un journal du Burkina Faso : http://www.le-nord.info