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Ecrit le 6 juin 2012
Heureusement qu’il y a des campagnes électorales pour offrir aux citoyens des occasions de débattre. Europe-Ecologie-Les-Verts (candidat Yves Aubry) a organisé sa campagne autour de thèmes : l’eau, le bois, le logement, l’aéroport Notre Dame des Landes et, le 31 mai, invitait Jean Danet, avocat honoraire et universitaire, à parler de la Justice, autour du film qu’il a réalisé : « Des deux côtés de la barre » (malheureusement pas en distribution libre)
Le film traite des implications de l’affaire du bus incendié de Marseille, le 28 octobre 2006 où une jeune étudiante, Mama Galledou, a été brûlée vive à 62 %. Il met en scène Jean Danet et deux avocats : Maître Alain Molla, avocat de Mama Galledou, et Maître Philippe Vouland, avocat de deux mineurs accusés.
Depuis l’annonce du « fait divers » jusqu’Ã l’après-procès, il s’agit de proposer aux étudiants en droit une réflexion sur le métier du pénaliste des deux côtés de la barre.
Chacune des dix-sept séquences traite du travail des avocats, en défense et en partie civile, lors d’une phase de la procédure ou à propos d’un thème précis.
Appel des avocats citoyens
Jean Danet, nettement orienté à gauche, sans être membre d’un parti, a toujours choisi la clientèle des plus démunis, « ceux qui sont en situation de domination », les paysans pauvres, les ouvriers, les salariés les plus modestes du tertiaire, les chômeurs, les mal logés et les sans-logis, les Français et les étrangers pauvres. C’est pourquoi i a vivement réagi en voyant le score important du Front National aux présidentielles. « Ces électeurs sont, pour partie, des gens très modestes qui se trompent de colère en votant ainsi ».
A la suite de cela, le SAF (syndicat des avocats de France) a lancé l’appel des avocats citoyens pour dire : « La misère, l’injustice et l’inégalité ne se divisent pas entre les Français pour qui elle serait inadmissible et les Etrangers pour qui elle serait normale. La misère, l’injustice et l’inégalité ne se partagent pas entre deux camps qu’il suffirait de dresser l’un contre l’autre au nom de théories xénophobes ou racistes. On ne les fera pas disparaître non plus en prétendant trier entre les » bons pauvres « et ceux qui abuseraient des secours ! Toutes ces recettes que les démagogues ont toujours agitées sont celles qui menaient avant-hier au nationalisme guerrier et hier aux états autoritaires. Comme hier, elles sont le poison des démocraties et elles ont pour but de discréditer les libertés. Elles sont le dernier rempart des privilégiés pour détourner la colère des plus démunis.(...) ».
Jean DANET croit à la justice « dont le rôle n’est pas seulement de condamner, mais de donner raison ». Il déplore l’éloignement de la justice, comme on le connaît dans la région de Châteaubriant.
Il ne fallait pas fermer le tribunal de Châteaubriant
« La réforme faite par Rachida Dati, a confondu la réforme de la carte judiciaire et la réforme immobilière. C’est vrai qu’il fallait regrouper les Tribunaux de Grande Instance, mais sans fermeture d’aucun Palais de Justice ! Un Procureur à Nantes et un procureur à St Nazaire, cela n’a pas de sens, un regroupement permet aux magistrats de se spécialiser : sécurité sociale, correctionnelle, droit de la famille, droit social, etc. de même, deux greffiers en chef, un à Nantes et un à St Nazaire, ce n’est pas utile. Mais il fallait garder le Tribunal de Châteaubriant et même lui donner des compétences supplémentaires et faire venir les juges à Châteaubriant pour les audiences. résultat, on a fait l’inverse : ce sont les citoyens qui se déplacent, ou ne se déplacent plus car ils n’en ont pas les moyens ! La justice doit alors juger » par défaut « : c’est un jugement qui ne sert à rien ».
Tutelles
La réforme immobilière a coûté très cher (et le tribunal de Châteaubriant était peu onéreux !). Maintenant nous avons « une maison de la justice et du droit » qui a coûté très cher à l’Etat et à la Com’Com’, qui coûte toujours à la Com’Com’ en frais de personnel et de fonctionnement et qui ne rend pas les services que rendait le Tribunal !
« Et puis, avec le vieillissement de la population, dans la région de Châteaubriant, le juge des tutelles a un rôle considérable. Un juge de Nantes peut avoir ainsi 800 personnes à suivre : comment peut-il les connaître ? ».

Photo : Jean Danet : Rita Schladt : Yves Aubry
Réformes
- Jean Danet considère que la réforme Sarkozy-Dati a loupé la réforme de l’institution judiciaire. Il reste donc plein de choses à faire :
- - Réforme du statut pénal du chef de l’Etat
- - Réforme du statut du Parquet (Ã qui il faut donner l’indépendance par rapport au pouvoir politique.
- - Réforme du Conseil Constitutionnel (où bientôt il n’y aura que des anciens présidents qui auront à juger, lors des Questions Prioritaires de Constitutionnalité, la constitutionnalité des réformes qu’ils ont fait adopter)
- - Réforme du financement de la Justice. A titre d’exemple, la France consacre au budget de la Justice 0,18% de son PIB et 58 euros par habitant contre 0,38% et 106 euros en Allemagne.
« l’année 2012 vient marquer le terme de 10 années durant lesquelles les atteintes aux droits fondamentaux, aux droits sociaux et à la défense des individus ont été constantes » dit le syndicat des avocats de France. « Mais le changement de majorité n’est pas à lui seul la garantie de sortir de cette spirale de régression. Les réflexes sécuritaires sont bien souvent partagés quelle que soit la couleur politique des gouvernants. Cette société plus juste est possible si le changement s’accompagne d’engagements fermes tant sur les droits que sur les moyens pour les mettre en œuvre ».
Judiciaire galopant
Faut-il plus de juges ? Pas sûr. « Est-il normal qu’un juge qui a fait des années d’études passe des heures à signer des ordonnances pénales pour des conducteurs en état d’ivresse ? C’est du sans intérêt. Est-il normal qu’il passe du temps à discuter du montant de la pension alimentaire en cas de divorce ? Il existe en Allemagne des »assistants du juge« pour faire ce travail » dit Jean Danet.
Le Syndicat des Avocats France souhaite que nous sortions d’une société dans laquelle le droit pénal constitue le support nécessaire et obligé de tout comportement, dans tout domaine et à tout âge de la vie. Une société ne peut s’épanouir sur une pénalisation, générale et galopante des comportements, présentée comme protection contre l’autre et contre soi-même, pour le bonheur de tous.
« Naguère, toutes sortes de conflits inter-individuels se réglaient sans recours à la justice : à l’école, dans des associations, dans des comités divers. Maintenant c’est » tout au pénal « avec engorgement de la justice et avec des magistrats qui, comme les policiers (et comme les associations !), sont jugés eux-même avec une obsession du chiffre » explique Jean Danet. « La réponse pénale ne peut concerner que les comportements gravement attentatoires à nos valeurs communes, socle de notre pacte social, commis par des auteurs responsables » dit le Syndicat des Avocats de France !
Ecrit le 6 juin 2012
Récépissé : bravo !
Pour lutter contre la multiplication des contrôles « au faciès », notamment dénoncée par Human Rights Watch, le ministre de l’Intérieur prépare un texte établissant la remise d’un reçu par la police à toute personne contrôlée. Il s’agissait d’une promesse de campagne du président François Hollande. Concrètement, chaque personne contrôlée se verrait remettre par le policier un récépissé qu’elle pourrait produire en cas de nouveau contrôle. Cela s’est fait notamment en Angleterre, Espagne, Hongrie et se fait toujours aux Etats-Unis.