Ecrit le 30 janvier 2013
Un accord, inique ou historique ?
Un accord a été discuté le 11 janvier dernier entre le patronat et les syndicats. Signé par les uns,rejeté par les autres. Voici les arguments que l’on peut entendre.
Du pour, du contre
1/ l’accord cherche à lutter contre toutes les formes de précarité. Ainsi, la taxation des contrats courts ne s’applique pas quand le CDD devient un CDI.
O>> Mais les opposants disent : ne sont pas concernés les contrats liés au remplacement de personnes absentes et les commodes emplois « saisonniers ».
2/ Les contrats courts abusifs vont coûter plus cher aux entreprises : en 2011, deux embauches sur trois étaient des CDD inférieurs à un mois. Pour pousser les employeurs à embaucher les salariés en contrats durables et pour pénaliser ceux qui abusent des contrats très courts, un employeur devra désormais payer 75 % de plus sur la cotisation assurance-chômage pour les CDD de moins d’un mois et 40 % de plus pour les CDD d’un à trois mois .
O>> Mais les opposants disent : la taxation doit être plus forte et plus généralisée pour être plus dissuasive. Elle doit fixer des quotas maximum de contrats précaires dans l’entreprise.
3/ Généralisation de la complémentaire santé pour tous : aujourd’hui, près de 4 millions de salariés ne bénéficient d’aucune complémentaire-santé, ni directement ni comme ayant-droit. Pour changer cela, les branches professionnelles devront obligatoirement ouvrir des négociations d’ici le 1er avril 2013 ; à défaut d’accord, les entreprises devront elles-mêmes négocier un dispositif pour leurs salariés ou leur proposer une complémentaire-santé prise en charge à 50% par l’employeur, d’ici le 1er janvier 2016.
O>> Mais les opposants disent : s’il n’y a pas d’accord avec l’employeur, les négociateurs de branche ou d’entreprise doivent pouvoir choisir leur mutuelle.
4/ Des droits « rechargeables » pour les demandeurs d’emploi, permettant à un chômeur qui reprend un emploi de garder les droits à l’assurance -chômage qu’il n’a pas utilisés.
O>> Mais les opposants disent : les modalités pratiques ne sont pas fixées, aucun financement n’a été prévu. Il s’agit seulement d’un engagement à négocier. Le droit de recharge prévu va déshabiller Pierre pour habiller Paul, autrement dit prendre des droits à d’autres chômeurs. Il faut prévoir une augmentation de la cotisation des employeurs.
5/ Les accords compétitivité-emploi (qui se faisaient souvent de manière sauvage),
seront encadrés. Ils ne pourront se faire qu’en cas de graves difficultés conjoncturelles attestées par un expert. Ces accords seront limités dans le temps (deux ans maximum). Les syndicats signataires devront représenter plus de 50 % des salariés. L’entreprise devra s’engager à maintenir tous les emplois pendant la période de l’accord. Quand elle ira mieux, les salariés devront percevoir le fruit de leurs efforts. Enfin, ces accords ne pourront en aucun cas déroger aux éléments d’ordre public, comme le Smic ou les 35 heures.
O>> Mais les opposants disent : il s’agit donc d’accepter, pour deux ans, une baise des salaire et une modification du temps de travail, en échange de la promesse de l’employeur de ne pas licencier... Et comme dit le texte de l’accord : « L’acceptabilité par les salariés requiert le respect d’une certaine symétrie des formes à l’égard de la rémunération des mandataires sociaux et des actionnaires ». Une certaine symétrie : comme c’est bien dit !
6/ Activité partielle (on disait jusqu’ici : chômage partiel ! C’est le changement !)
O>> Les opposants relèvent que l’employeur empocherait 2,90 euros par heure chômée en plus des 4,33 ou 4,84 euros suivant la taille de l’entreprise ; et l’annexe, discrète, à cet accord historique nous apprend que l’indemnisation du salarié, hors formation, passerait de 75 à 70 % du brut pour une première période de 910 heures et à 65 % du brut pour une deuxième période de 910 heures...) ;
6/ Temps partiel imposé : l’accord prévoit, d’ici le 31 décembre 2013, une durée minimale de 24 heures par semaine . (Ã l’exception du cas des salariés des particuliers employeurs ou des salariés âgés de moins de 26 ans et poursuivant leurs études)
O>> Mais les opposants disent : le texte précise « qu’une durée d’activité inférieure peut être prévue, à la demande écrite et motivée du salarié ».
Selon Jean-Claude Mailly, de Force Ouvrière, l’accord signé par CFDT, CGC et CFTC, bouleverse l’équilibre des rapports sociaux qui jusqu’à présent était fondé sur les conventions collectives, en transférant le centre de décision aux entreprises. En clair : là où il n’y a pas de syndicat, les patrons auront les coudées franches et les salariés, individuellement « consultés » par leur patron, n’auront le choix qu’entre « oui » et « Pôle emploi ».
détail qui tue, les opposants remarquent que, dans ce texte censé promouvoir le « flexisécurité », la flexibilité dans la gestion des effectifs sera immédiate alors que la sécurité pour les salariés est renvoyée à beaucoup plus tard ...
Fausses notes
Les conseillers de Hollande et Ayrault ne touchaient plus terre, à la suite de cet accord conclu, vendredi 11 janvier, trois syndicats et le patronat. En fait, lorsque le projet de loi sera examiné par les parlementaires, deux des signataires, la CGC et la CFTC, n’appartiendront plus au petit club des syndicats habilités à signer des accords nationaux, Ils ne seront en effet plus « représentatifs » selon les critères définis par la loi Fillon de 2008 ! Les ennuis ne font que commencer ..
Mais keskil enfait ?
A propos des 7500 postes que Renault veut supprimer en France, d’aucuns s’interrogent sur le salaire de Carlos Ghosn, pdg de Renault et de Nissan. En 2011, Carlos Ghosn a touché 2,8 millions d’euros au titre de Renault et 10,5 millions d’euros côté Nissan. Cela ne lui fait que 1 100 000 €/ mois ou 36 600 € par jour. Bof ! C’est peu !
Baisser les allocs-chômage des cadres
La question de la dégressivité des indemnités chômage refait surface, avec le dernier rapport de la Cour des Comptes : le système français est peu dégressif, du fait du plafond d’indemnisation très élevé, plus de 6000€ en France, contre autour de 2000€ en Belgique et en Allemagne.
Les Econoclastes s’interrogent sur la pertinence d’une baisse du plafond, en renvoyant notamment à un article de la Tribune disant que la baisse du plafond devrait s’accompagner d’une baisse des cotisations des cadres, or ils contribuent beaucoup et bénéficient peu des indemnités car is sont très peu exposés au chômage. Par sûrque l’on y gagne, nous dit le journaliste
Comme toujours sur ce sujet, je renvoie à l’excellent article des Ecopublix, qui montrait qu’une proportion non négligeable des personnes à très haut salaire attendaient le dernier moment pour reprendre un emploi, contrairement aux personnes à salaire plus faible. Logique : ces personnes à très haut salaire peuvent très vite retrouver un emploi, elles peuvent s’accorder entre deux jobs une bonne pause en vivant d’allocations généreuses et retourner à l’emploi lorsque l’allocation s’arrête (je force le trait, je ne dis pas que 100% de ces personnes font ça).
Un rapport du CERC, datant de 2005, évoquait déjà cette question. A l’époque, une baisse du plafond à 1500€ aurait concerné 14,6% des allocataires ; une baisse du plafond à 1800€ en aurait concerné 8%. A 3000€, on tombait à une proportion de 2,3%. A l’époque toujours, le passage à un plafond de 1500€ aurait conduit à une économie pour l’Unedic de 2,75 milliards d’euros par an. Somme non négligeable, potentiellement mobilisable pour accompagner les personnes à l’inverse très exposées au risque de chômage.
Bref, compte-tenu de ces éléments, une baisse du plafond d’indemnisation en France semble une mesure intéressante. Ni miraculeuse, ni révolutionnaire, mais plutôt adaptée : bien calibrée, elle permettrait de réduire ces comportements opportunistes et de se doter de moyens financiers supplémentaires pour former les personnes les moins qualifiées par exemple.
[L’accord national ANI -http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/rub1716/accord-competitivite-securisation-emploi-mesures-portee-encore-incertaine.html]