Accueil > Intercommunalité et diverses communes > CCSD-Com’Com’ du Secteur de Derval > CCSD - 2005-2008 > La forêt de Domnaiche en Lusanger : privée mais ouverte
Ecrit le 26 novembre 2008
Bosquets, bois, massifs la forêt couvre encore 16 millions d’hectares en France, « plus qu’au Moyen-Age » dit Yannick ROBERT, technicien forestier à la forêt de Domnaiche depuis 3 ans. La forêt c’est sa passion, il peut vous en parler pendant des heures et le temps passe vite avec lui.
Le Bois de Bourru, le Bois de Tugny, les massifs de Javardan, Domnaiche, Teillay, Araize, Juigné, forêt Pavée, forêt de l’arche, forêt d’Ancenis, La Guerche, Vioreau tout le nord de la Loire-Atlantique est riche en surfaces boisées. Principalement des feuillus : chênes, châtaigniers, hêtres, espèces profitant des espaces vides pour s’installer.
En France, 75 % de la forêt est privée - le reste est domanial (comme la forêt du Gâvre). Les forêts privées, réputées inaccessibles, n’ont pas souvent bonne réputation : promenade et cueillette y sont interdites. Sauf si le groupement de propriétaires a une politique intelligente, comme c’est le cas à Domnaiche.
Domnaiche : 750 ha de forêt privée, sur la commune de Lusanger. Domnesche, Domnaiche : au fil du temps le nom a quelque peu varié. Le château en ruine portait-il ce nom ? Deux villages en lisière de la forêt s’appellent encore Domnaiche et « Launay de Domnaiche ». Des mégalithes sont signalés : le menhir de Briangault et celui du Hochu. [Il y en avait davantage avant que l’abbé Cotteux ne les détruise pour faire son « fameux » calvaire de Louisfert !]
La mémoire populaire a gardé le souvenir de deux abbayes toutes proches (Ã Couetoux et Briangault), de maquisards rescapés du Maquis de Saffré et d’incendies dramatiques (1938, 1944 et 1976 notamment). La forêt était lieu de travail des charbonniers et des forgerons qui y avaient installé des bas-fourneaux pour exploiter le minerai de fer. Ce n’est pas pour rien qu’on se trouve à proximité des Forges de la Hunaudière. On trouve encore dans la forêt une parcelle appelée « les mines » .
La forêt en deux parfois trois
Selon Yannick Robert, une forêt privée peut être utilisée de quatre façons :
– la production du bois
– la cynégétique (= la chasse)
– Le tourisme et l’accueil du public
– La protection de la nature (par exemple protection des dunes, protection des montagnes contre l’érosion)
La plus grande partie des forêts privées de la région de Châteaubriant est utilisée pour la production du bois et pour la chasse. La forêt du Gâvre (domaniale) pratique en outre l’ouverture au public.
« Ici, à Domnaiche, j’ai été autorisé à y ajouter le commerce du bois et l’accueil du public » dit Yannick Robert.
La forêt de Domnaiche c’est 40 % de feuillus et 60 % de résineux. Ces derniers ont été plantés, en raison de leur croissance rapide, à la suite de l’incendie de 1976.
Le saviez-vous ? Les arbres gèlent aussi. Le tronc ci-contre présente une " gélivure " L'éclatement se fait suivant un rayon médullaire, après un gonflement dû au gel de la sève dans tout le tronc.
Sylviculture
La sylviculture (aussi appelée « fores-terie »), est la culture des forêts : plantation, éclaircissage, balivage, dépressage, élagage, coupe etc, afin d’optimiser durablement les produits et les services que l’homme peut en attendre. « c’est un travail d’avenir où les techniciens doivent accepter de ne jamais voir le résultat de leur travail ! » dit Y. Robert. Le Douglas, par exemple, a besoin de 50 à 70 ans avant d’être utilisé dans la construction. Pour le chêne c’est 150 ans au moins.
Tout ce travail de sylviculture est mené méthodiquement à Domnaiche (2) et, chaque année, des lots de bois résineux sont vendus sur pieds, par appel d’offres. Les acheteurs procèdent eux-mêmes à la coupe du bois qui produit environ 7000 à 8000 stères par an. Un reboisement systématique est effectué par le groupement forestier propriétaire. « Nous sommes en gestion durable : il s’agit d’assurer la pérennité du massif ! ».
La forêt de Domnaiche est inscrite au PEFC (Programme Européen Forêt Certifiée) Elle doit respecter un cahier des charges et fournir un produit labellisé. Par exemple le Douglas produit ici est « classe 3 naturelle », c’est-Ã -dire utilisable en extérieur. c’est un bois de grande qualité, équivalent à un bois traité du commerce traditionnel, mais non traité et moins cher !
L’entretien de la forêt consiste aussi à préserver la biodiversité par exemple en conservant des bois morts pour servir d’abris pour la faune.
Commerce
Nouveauté à Domnaiche : depuis peu le groupement forestier transforme une partie du bois pour vente directe aux particuliers par exemple du bois de chauffage, du bois scié, du bois de bardage, du bois pour tressage ou pour la vannerie.
Et, plus rare, les personnes intéressées peuvent acheter le bois scié aux dimensions souhaitées. Dans le commerce traditionnel les dimensions disponibles sont classiques : poutres de 22 cm, 24 cm par exemple. Mais si vous avez besoin d’une poutre de 23 cm d’épaisseur ? La forêt de Domnaiche peut la fournir, de la longueur voulue, en bois sec ou non, mais, bien sûr, il ne faut pas être pressé : il faut attendre que le bois souhaité soit disponible. Voulez-vous du chêne, du châtaignier, du hêtre, du Douglas ? Demandez !
Chasse
c’est l’un des aspects de cette forêt : la chasse est réservée aux actionnaires du groupement forestier. Chevreuils, sangliers, lièvres, blaireaux, renards, bécasses, faisans vénérés, etc. Chasse à courre, battues, déterrages : 5 ou 6 jours par mois d’octobre à février. Il arrive que des riverains de la forêt se plaignent des nuisances (restrictions de circulation par exemple). (1)
Accueil du public
La forêt est privée, mais en même temps elle appartient au patrimoine local. « Nous avons fermé les accès : poteaux, chaînes, barrières. Mais nous n’interdisons pas la forêt. Nous essayons de répondre à chaque demande » dit Yannick Robert.
Voulez-vous faire du VTT ? Oui, c’est possible, à condition de faire partie d’une association et de faire connaître les jours d’utilisation.
Voulez-vous faire une promenade, avec une association ou un groupe familial ? Oui, c’est possible à condition de s’inscrire sur le livre de police et d’adhérer au règlement intérieur.
Voulez-vous cueillir du muguet, ramasser des champignons ou des châtaignes, des cônes de pin voire de la litière ? Oui, c’est possible : le groupement forestier a créé un « permis de récolte », valable 10 mois de l’année. « Nous avons établi un règlement intérieur, fixant notamment les horaires, les règles de protection de la flore et de la faune de la forêt. Nous avons ainsi une clientèle de passionnés, qui font du prélèvement intelligent, rien de sauvage ».
Ce permis est une occasion d’explication. « Nous montrons comment le muguet se cueille mais ne s’arrache pas. Nous montrons comment le champignon se cueille, sans couper le pied, en recouvrant ensuite le mycélium avec un tapis de feuilles pour éviter qu’il se gorge d’eau et qu’il risque de geler ».
Sorties organisées
Allant plus loin dans cette ouverture au public, la forêt de Domnaiche organise des sorties pédagogiques à thème et des randos encadrées.
La sortie à thème peut être organisée à la demande d’une école, d’une association, d’un comité d’entreprise ou même d’un groupe familial. « On bloque la journée, le groupe sait qu’il aura la jouissance exclusive de la forêt, par exemple pour un jeu de piste. Et un accompagnateur pour donner des explications ». Une sortie sur la gestion forestière permet notamment d’expliquer comment on choisit les arbres à couper ou à élaguer, comment on coupe et surtout comment on préserve les équilibres, comment on prend soin de la biodiversité, comment on crée des points d’eau et des cultures (sur 5 ha) qui servent à l’alimentation de la faune.
La rando encadrée se fait sur 17 km (soit 6 heures environ) dans un chemin choisi à l’intérieur du massif, avec 20 sites historiques ou remarquables à découvrir : château, oratoire, croix, alignements ou arbres intéressants, et plein d’histoires au passage sur la botanique, les champignons, le milan noir et autres rapaces. Et un pique-nique au bord de l’étang. On dit que, parfois, à un carrefour, on rencontre un des fameux loups-tigres mythiques de Domnaiche
Le « forfait locatif » assure une mise à disposition du massif forestier, pour les associations et groupes qui assurent eux-mêmes leur encadrement : pompiers, centres de loisirs, familles, école.
Et si vous voulez utiliser le four à pain, apportez vos fagots, et vos grillades : des tables et des bancs vous attendent et même un hangar en cas de pluie.
On ne le dira jamais assez : demandez, demandez, demandez Les richesses de la forêt de Domnaiche sont à votre portée, à condition de ne pas dégrader ! [c’est pourquoi les gardes contrôlent les visiteurs et sanctionnent d’une amende les propriétaires de chiens en divagation qui créent de l’agitation dans la forêt et perturbent la mise-bas des chevreuils ou des sangliers].
Partenariats
Dans sa politique d’ouverture, le groupement forestier (représenté par M. régis Lefeubvre) a noué de multiples partenariats et d’abord avec la Maison de la Ruralité dont il favorise les activités de vannerie et de travail du bois. c’est la Maison de la Ruralité qui a rénové le vieux four à pain !
La randonnée pédestre est possible : un travail est entrepris avec la commune de Lusanger pour un sentier de randonnée.
L’école d’agriculture de Derval, qui a un BEP Forestier, travaille en lien avec le groupement forestier.
Une convention avec un apiculteur va permettre la production d’un miel de forêt authentiquement bio.
La forêt fournit régulièrement du travail d’élagage à l’ACPM de Châteaubriant (voir photo) : couper les petites branches des pins, jusqu’Ã une hauteur de 6 mètres, pour offrir, plus tard, un magnifique fût bien droit et sans noeuds. c’est un travail difficile qui exige de marcher dans des fougères à hauteur de poitrine et de manier la scie au bout d’une perche de 6 mètres : fatigant pour les bras et le cou ! Mais les travailleurs de l’aCPM ne rechignent pas au travail.
La forêt de Domnaiche a aussi noué des relations avec l’ensemble des écoles de formation forestière, en particulier la maison familiale rurale d’Arradon qui a la particularité d’accueillir les adultes préparant la gestion forestière. Yannick Robert est membre du Conseil d’Administration de cette école, et maître de stage.
Emerveillement
Le rythme des activités forestières est lié aux saisons. La forêt offre des métiers difficiles : solitude, aléas climatiques, polyvalence des activités. Cela exige d’abord une passion pour la nature, un sens de l’observation, un grand respect des équilibres naturels, et aussi une capacité d’émerveillement pour savoir admirer une cépée, repérer dans un vieil hêtre les trous laissés par le pic noir (manteau noir, calotte rouge), jouir de la fraîcheur joyeuse des verts printaniers et des couleurs chaudes de l’automne.
Pratique
Sur la route de Châteaubriant à Lusanger (D 775), après avoir passé le giratoire de La Croix Laurent, la maison forestière se trouve à « La Cibotière » 02 40 07 83 80. Il y a toujours du monde, même le week-end.
La forêt est privée, donc réglementée et surveillée : garde-chasse, gardes forestiers, gardes de l’office national de la chasse et même gendarmerie au besoin.
Ne vous risquez pas à des incursions « sauvages » : il est si simple d’avoir les autorisations souhaitées.
(1) Couetoux = Koat Louc’h, l’étang des bois.
(2) l’aCPM donne un coup de main pour l’élagage du Douglas, jusqu’Ã 6 m de haut.
NOTES:
(1)
[Note de la rédaction : on entend dire souvent que la chasse est indispensable pour réguler le gibier. Mais en réalité, le gibier se régule tout seul, si on laisse faire la nature, en fonction de la nourriture et de l’habitat qu’il trouve. Mais évidemment, si on lui offre des champs de maïs à perte de vue, le sanglier prolifère !]