?crit le 11 d ?cembre 2002
Alexandre Dumas
Le fils d’une esclave noire a fa ?onn ? notre identit ?
L’histoire des Dumas, c’est l’histoire de la France m ?tiss ?e
Le grand-p ?re d’Alexandre Dumas ?tait cr ?ole et aristocrate (il ?tait le Marquis Antoine Davy de La Pailleterie). Ayant quitt ? la France pour Saint-Domingue, il ?pousa une esclave noire dont il eut quatre enfants dont un fils, pr ?nomm ? Alexandre. Dr ?le de bonhomme ce grand-p ?re : quand il e ?t besoin d’argent pour rentrer en France, il n’h ?sita pas ? revendre sa femme et ses enfants ? un autre colon du bourg !
Lorsque son fils Alexandre s’engagea dans l’arm ?e, il prit le nom de sa m ?re, Dumas, (initialement D ?ma, qui signifierait dignit ?) plut ?t que celui de Davy de la Pailleterie qui lui venait de son p ?re. Il devint un glorieux g ?n ?ral de la R ?volution et ?pousa la fille d’un n ?gociant de Villers-Cotter ?ts, o ? il se retira en 1802, malade et disgraci ? par l’empereur. 1802 c’est en effet l’ann ?e o ? Napol ?on r ?tablit l’esclavage et la traite des Noirs, abolis en 1794 lors de la r ?volte des esclaves de Saint Domingue. 1802, c’est aussi l’ann ?e o ? les officiers « de couleur » sont exclus de l’arm ?e, o ? le territoire de l’Hexagone est interdit « aux noirs et gens de couleur ». (1)
Jeune barde
Alexandre Dumas (le fils du g ?n ?ral) na ?t ? Villers-Cotter ?ts le 24 juillet 1802. Son p ?re meurt quatre ans plus tard, laissant la famille fort d ?munie : les ?tudes de l’enfant sont n ?glig ?es, et, d ?s 1817, il doit travailler comme clerc de notaire. Il arrive ? Paris en 1823, muni de recommandations pour les compagnons d’armes de son p ?re ; le g ?n ?ral Foy remarque sa belle ?criture et le fait entrer dans les bureaux de la chancellerie du duc d’Orl ?ans.
Premi ?re revanche : vivre seul ? Paris, ? vingt ans, avec un salaire et des loisirs qui lui permettent de parfaire son instruction. Il r ?ve de po ?sie et de th ??tre. C’est la litt ?rature qui peut mener ? la gloire ou ? la fortune. Tent ? par l’une et l’autre, Alexandre Dumas, en 1825, collabore ? des vaudevilles tandis qu’une « El ?gie sur la mort du g ?n ?ral Foy » lui assure la r ?putation de « jeune barde lib ?ral ». Re ?u dans les salons lib ?raux, il y apprend que le th ??tre est le grand enjeu litt ?raire du moment : drame historique contre trag ?die antique. Il ?crit, en prose, Henri III et sa Cour. Ce drame, jou ? par les Com ?diens-Fran ?ais le 10 f ?vrier 1829, avant Hernani, est le premier triomphe romantique - triomphe des « barbares » d ?nonc ?s par la grande presse.
La conqu ?te de la fortune et de la notori ?t ? est d’une certaine fa ?on une revanche sociale pour Dumas, qui revendique sa double origine, « aristocratique par mon p ?re et populaire par ma m ?re ».« D’un optimisme inalt ?rable, d ?bordant de sant ?, ennemi des chafouins et des pingres » (2) la vraie vie pour lui est dans la d ?pense et dans la g ?n ?rosit ?, mais avec le panache des h ?ros d ?sint ?ress ?s dont d’Artagnan reste la meilleure illustration.
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Bon vivant, Alexandre Dumas dilapide l’argent ? peine gagn ?, faisant des folies pour le plaisir d’un beau geste, accompagnant tous ses actes de gaiet ? et d’esprit, proposant un art de vivre tourn ? vers les joies simples de l’existence. La pi ?ce de th ??tre « Henri III et sa cour » (1829) le rend tout de suite c ?l ?bre. « Antony » en 1831 confirme son succ ?s. Reprenant le roman d’Auguste Maquet, fait ? partir des vrais m ?moires de d’Artagnan, Alexandre Dumas r ?dige la fameuse trilogie « les trois mousquetaires » (1844), « Vingt ans apr ?s » (1845) et « Le vicomte de Bragelonne » (1848-1850). Les journaux s’arrachent ces romans pour les faire para ?tre en feuilletons. Toujours avec Maquet, il publie « Le Comte de Monte-Cristo » (1844), « La reine Margot » (1845), « La dame de Montsoreau » (1846).
Litt ?rature populaire
Mais son succ ?s d ?pla ?t . « Il savait qu’en se lan ?ant dans la litt ?rature feuilletonesque, il ?tait fichu car il entrait dans l’impuret ? litt ?raire, comme si la litt ?rature ?tait pure ! », explique Claude Schopp, biographe d’Alexandre Dumas.La plus violente attaque vient d’Eug ?ne de Mirecourt, qui s’en prend ? ce qu’il appelle « la litt ?rature industrielle », accusant Alexandre Dumas d’ ?tre un ?crivain « commercial »
Il tient du n ?gre
Le pamphlet de Mirecourt met en avant un autre aspect : le racisme dans ce qu’il a de plus ignoble. « Le physique de M. Dumas est assez connu : stature de tambour-major, membres d’Hercule dans toute l’extension possible, l ?vres saillantes, nez africain, t ?te cr ?pue, visage bronz ?. Son origine est ?crite d’un bout ? l’autre de sa personne ; mais elle se rev ?le beaucoup plus encore dans son caract ?re. Grattez l’ ?corce de M. Dumas et vous trouverez le sauvage. Il tient du n ?gre et du marquis tout ensemble. Cependant le marquis ne va gu ?re au-del ?? de l’ ?piderme. Effacez un peu le fard (...) le n ?gre vous montrera les dents. Le marquis joue son r ?le en public, le n ?gre se trahit dans l’intimit ? » ?crit Eug ?ne de Mirecourt (3) Eug ?ne de Mirecourt n’a pas laiss ? d’œuvre litt ?raire. Alexandre Dumas est entr ? au Panth ?on, lui le m ?tis, lui le symbole des identit ?s plurielles et m ?l ?es, lui qui sut si bien, comme dit Jacques Chirac, « fa ?onner notre m ?moire collective et participer ? l’ ?dification de notre identit ? nationale »
g ?n ?alogie
– Le grand-p ?re : Antoine Davy
– Le fils : Alexandre Dumas, g ?n ?ral de la R ?volution
– Le petit-fils : Alexandre Dumas, auteur des Trois Mousquetaires
(3) cit ? par Alain Salles dans Le Monde du 1er d ?cembre 2002
(4) Alexandre Dumas est confondu parfois avec Alexandre Dumas-fils. Fils « naturel » d’Alexandre Dumas , celui-ci fut tr ?s marqu ? par sa b ?tardise et se fit l’avocat de l’enfant naturel et de la fille-m ?re. Rendu c ?l ?bre par son roman la Dame aux cam ?lias (1848 ), port ? au th ??tre en 1852 - et adapt ? ? l’op ?ra l’ann ?e suivante par Verdi sous le titre de la Traviata - il peut ?tre consid ?r ? comme le premier auteur de « pi ?ces ? th ?se », morales et sociales. Cet ancien humili ?, fut ?lu ? l’Acad ?mie fran ?aise en 1874.
La France Noire
Marianne, du 23 septembre 2002, a publi ? un dossier sur « La France Noire », ces 8 ? 9 millions de « Blacks » (dit-on des « White » pour parler des Blancs ?) dont 6 ? 7 millions dans l’Hexagone. Ils sont d’origine s ?n ?galaise, malienne, ivoirienne, camerounaise, congolaise, za ?roise, et un certain nombre d’entre eux viennent des DOM-TOM (Antillais, Martiniquais, Guadeloup ?ens). Seule la couleur de leur peau fait dire qu’ils ne sont pas Fran ?ais. Mais la France a du mal ? assumer son h ?ritage africain, celui de ses anciennes colonies. La raison en est peut- ?tre l’ignorance ?
On vient de red ?couvrir (d ?couvrir ?) qu’Alexandre Dumas ?tait descendant d’une esclave noire.
On a oubli ? que Gaston Monnerville, qui fut longtemps le deuxi ?me homme politique fran ?ais (pr ?sident du s ?nat) ?tait d’origine guyanaise, et que l ?opold Sedar Senghor, ancien d ?put ? fran ?ais, membre de l’Acad ?mie Fran ?aise, ?tait pr ?sident du s ?n ?gal (noter qu’ ?? ses obs ?ques ne se sont d ?plac ?s ni Jacques Chirac, ni le premier Ministre de l’ ?poque, Lionel Jospin !).
Tous ces Fran ?ais Noirs sont tiraill ?s entre leur d ?sir d’int ?gration et l’appartenance culturelle de leurs anc ?tres (comme les Bretons, les Basques, les Alsaciens, les Corses, revendiquent aussi leur appartenance culturelle). A la limite, la n ?gritude est accept ?e, le rap , la rumba, le reggae, le hip-hop et tout l’art dit « africain ». Mais l’int ?gration est refus ?e, consciemment ou inconsciemment, par les « White ». La presse, la t ?l ?vision, ne veulent ni voir les Noirs ni les faire voir d’o ? une incroyable sous-repr ?sentation dans les m ?dias, dans la police, dans l’administration.
On veut bien de Zidane, Desailly, Makelele, parce qu’ils sont bons footballeurs ; on accepte les Noirs comme vigiles car on les pense plus courageux, plus costauds ; mais on a du mal ? accepter la revalorisation (enfin !) des pensions vers ?s aux anciens « Tirailleurs s ?n ?galais » ou aux Marocains, connus pour leur bravoure sur les champs de bataille lors des derni ?res guerres mondiales.
Et on ne sait plus qu’un authentique noir, F ?lix EBOUE, est d ?j ?? entr ? au Panth ?on le 20 mai 1949. Sur sa tombe sont grav ?s ces mots de Malraux : « Passant, va dire aux Enfants de notre Pays : de ce qui fut le visage d ?sesp ?r ? de la France, les yeux de l’homme qui repose ici, n’ont jamais refl ?t ? que les traits du courage et de la libert ? »
F ?lix Ebou ?
Gouverneur successivement de plusieurs pays de l’Afrique Equatoriale Fran ?aise (C’ ?tait le premier noir qui acc ?dait ? un grade aussi ?lev ?), F ?lix Ebou ?, d ?s le 18 juin 1940, se d ?clare partisan du G ?n ?ral De Gaulle donnant ainsi le signal de redressement de l’empire tout entier et transformant l’Afrique Equatoriale Fran ?aise en une v ?ritable plaque g ?ostrat ?gique d’o ? partirent les premi ?res forces arm ?es de la France Libre, conduites par les g ?n ?raux de Larminat, Koening et Leclerc. Les Fran ?ais sont encore, inconsciemment, persuad ?s qu’on ne peut ?tre « un grand homme » que si on est blanc. L’Eglise catholique elle-m ?me, parce qu’elle est surtout occidentale, a reconnu peu de saints noirs. Et pourtant, qui nous dit que « Dieu le P ?re » est Blanc ? L’entr ?e d’Alexandre Dumas au Panth ?on, est l’occasion de r ?fl ?chir ? toutes ces questions qui touchent aux races et ? la couleur de la peau, et ? tous ces « ?trangers » qui ont fait la France.
Voir article sur F ?lix Ebou ?
Ecrit le 26 octobre 2004 :
F ?lix Ebou ?, premier r ?sistant de l’Empire
LA POSTE a mis en vente, le lundi 18 octobre 2004, un timbre ? 0,50 euro pour le 60e anniversaire de la mort de F ?lix Ebou ?
Petit-fils d’esclave, F ?lix Ebou ? est n ? ? Cayenne (Guyane) en 1884, d ?c ?d ? au Caire (Egypte) en 1944
En 1939, il est gouverneur du Tchad. Le 26 ao ?t 1940, avec un courage et un sens historique exceptionnels, il rallie ? la France libre. D ?s lors, et presque jusqu’ ?? la fin d’une vie tout enti ?re consacr ?e ? la France et ? la libert ?, il assumera la charge ?crasante de gouverneur g ?n ?ral de l’Afrique ?quatoriale plac ?e soudain au cœur de la guerre mondiale et d’un continent en pleine ?volution. Son nom est li ? ? la conf ?rence de Brazzaville sur la d ?colonisation, en 1944
Ses cendres ont ?t ? transf ?r ?es au Panth ?on le 20 mai 1949 aux c ?t ?s de ceux qui avaient ?t ? ses ma ?tres ? penser, Victor Schoelcher et Jean Jaur ?s.
Personnalit ?s noires de l’Histoire de France : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-personnalites-noires-dans-l-histoire-politique-francaise_700844.html