Josette Marty : Dis grand-mère ?
Josette Marty : raconte encore ...
Marie Hélène Legrand : Napoléon et la Bretagne
Editions Après la lune
Napoléon et la Bretagne
Napoléon et la Bretagne : le sujet est neuf. L’Empereur n’a fait qu’une rapide incursion dans cette région, en visitant Nantes et l’estuaire de la Loire. Pourtant sa politique aura marqué profondément les Bretons, qu’ils soient requis pour servir dans La Grande Armée ou qu’ils supportent les crises économiques ou financières.
Marie Hélène Legrand (auteure du livre « Citoyens officiers de Napoléon ») a résidé à Châteaubriant il y a quelques années. Elle n’a pas oublié de rechercher les traces de Napoléon dans les registres du Conseil Municipal. Elle évoque aussi le Canal de Nantes à Brest, le Musée Dobrée à Nantes, les haras impériaux, etc.
Le livre recèle une richesse de détails sur la vie en Bretagne à cette époque : les paysans, les marins, les soldats, dans « cette contrée de misère et de privilèges »
Par exemple l’auteure campe la paysannerie bretonne vers 1800 qui se nourrit essentiellement de blé noir (et refuse de consommer la pomme de terre) : la taille moyenne des bretons, victimes de malnutrition ne cessera de diminuer durant l’Empire, sauf dans les classes aisées.
Document très intéressant : les revenus et salaires annuels des Bretons en 1802 : 15 000 francs à Jacques Defermon des Chapellières (propriétaire à Gatines en Issé), 12 500 francs au général Cambronne, 1000 francs au curé de Châteaubriant, 500 francs à son vicaire et 100 francs aux soldats en campagne. Napoléon à l’époque recevait 25 millions !
A côté des héros dont l’Histoire a gardé le nom (Cadoudal, Cambronne), Marie-Hélène Legrand évoque des personnages moins connus qu’on a plaisir à découvrir.
Loin de l’imagerie populaire qui ne voit en Napoléon qu’une belle épopée, elle raconte la terreur quotidienne des Bretons devant la conscription, la détresse des soldats, la misère des familles restées au pays. « La vision d’un Empire parisien triomphant s’estompe rapidement devant la réalité laborieuse de la population. La Bretagne, censurée dans sa langue et dans ses écrits, surveillée par la police de Fouché, est restée majoritairement hostile aux injonctions d’un pouvoir sans limite »
Faut-il alors s’étonner des commentaires de Martin Connesson, maire de Châteaubriant, heureux d’être débarrassé « de la tirannie du moderne attila » ?
Très bien illustré, facile à lire, le livre de Marie Hélène Legrand est en vente aux Editions du télégramme, 120 p, 31 €.
Ecrit le 11 janvier 2006 :
La Bretagne contre Napoléon
Napoléon : un grand homme dont il est d’usage de ne dire que du bien, pour ses qualités politiques et militaires. Il alimente encore régulièrement les chroniques littéraires. Il reste, dans notre région, pour celui qui a fait creuser le Canal de Nantes à Brest.
Marie Hélène LEGRAND s’est souvenue de ses origines pour brosser un tableau différent.
« Une herminette, un paroir, une tarière, une cuillère et un boutoir » : voilà une grande partie de l’héritage de ses ancêtres, sabotiers dans la forêt impériale du Cranou, au lieu-dit La Roche-Noire. C’est de ce point de vue des « humbles » que Marie Hélène LEGRAND raconte la vie au temps de Napoléon. Elle ressuscite des Bretons courageux, le Colonel Boutin, le lieutenant de Maubreuil, Julien Cosmao-Kerjulien, Corentin de Leissègues, Pierre Keraudren, Cambronne et d’autres, mais surtout elle s’attache à décrire la vie quotidienne à travers la situation économique : « industrie, pêche, mendicité ».
Dans les filatures, les femmes travaillent 11 heures par jour et les hommes 12. Les femmes reçoivent 0,30 francs de l’heure, cinq fois moins que les hommes pour le même travail. A partir de 1810, les salaires baissent de 45 %.
Les pêcheurs ne sont pas mieux lotis. L’armée enrôle quasiment de force les
indigents, les miséreux et les pêcheurs. Ces derniers craignent tout autant les recruteurs de l’Empereur que les Anglais qui sillonnent les mers.
Dans le Finistère, l’indigence qui, en 1794, touchait 4950 individus, double sous l’Empire. Les préfets enregistrent à partir de 1806 une baisse notable de la taille des conscrits qui touche ceux qui doivent se contenter d’une nourriture médiocre.
Si quelques Bretons partent pour échapper à la misère de leur vie, la plupart des autres, massivement, refusent la conscription, ou désertent. Pour eux les triomphes français sur les champs de bataille sont synonymes de morts. Tandis que la riche bourgeoisie peut payer des remplaçants à ses fils, l’ouvrier agricole doit quitter sa terre pour combattre.
Les médecins sous Napoléon, la foi bretonne, l’idiome breton : le livre contient de nombreux références permettant de comprendre ces « années noires » que vécut la Bretagne sous Napoléon.
Livre bien écrit, très attrayant de par la multitude des informations et la qualité des illustrations.
« Napoléon et la Bretagne » de Marie Hélène Legrand, Editions le télégramme. 120 pages grand format..
Josette Marty : Dis grand-mère ?
« La Thérèse approchait la quarantaine, cette fille-là avait une résistance et un savoir faire que bien des journaliers lui auraient enviés, elle se louait dans les fermes .. ». Josette Marty sait raconter des histoires de gens du pays gallo, de ces pauvres gens qu’on n’a jamais vu « avoir raison contre un maquignon ». Thérèse l’increvable qui « travaillait de l’aube au crépuscule », l’oncle Joseph « craignant qu’autour de lui on ne perçoive les signes de la vieillesse », Zidor le forgeron mécréant vexé que sa fille soit baptisée par un autre que le curé, le jeune homme qui refuse de porter une décoration de bronze parce qu’il ne voit toujours pas « comment le désespoir peut devenir un mérite », Auguste le saute-ruisseau devenu notaire qui manœuvre habilement pour laisser une famille marginale dans sa maison.
Elle évoque des pratiques d’un temps pas si lointain, la confession, la prière rituelle avant les travaux d’aiguille qui « au moins, permettaient à l’esprit de vagabonder » - la Fête-Dieu au temps où l’on décorait les rues de fleurs et de sciures colorées - et les interrogations nombreuses qui tenaillaient les jeunes pensionnaires d’un établissement religieux, qui décident de ne pas lutter contre la luxure « parce que déjà aucune ne vivait dans le luxe, elles trouvaient vraiment exagéré d’en faire un péché et elles se firent la promesse de tout faire pour être plus tard des luxuriantes »
De fines observations font mouche sans avoir l’air d’y toucher : « Rappelle-toi ma fille nos élus nous font croire que ce sont sur des idées qu’ils s’allient et pour notre bien, tu vois bien que le plus souvent c’est parce qu’ils sont de la même coterie ... ou de la même boiterie ». Il faut découvrir aussi la planification familiale ... à la ficelle. Inénarrable !
Editions Keltia Graphic. En vente à la librairie Lanoë .
02 40 81 03 52
Raconte-nous encore, grand mère
Vous aviez aimé « Dis, grand-mère ? » vous apprécierez la suite. L’histoire d’Edgar, ou la médecine rurale il y a 50 ans ; l’histoire de Mme G. au téléphone « j’ai des beluettes » disait-elle ; l’histoire des deux voisines, ennemies par tradition familiale Un livre plein de notations très justes qui rappelleront des souvenirs vécus à beaucoup d’entre nous !
On y trouve des histoires comiques comme celle de cet automobiliste qui se revendique « vieux, bête et maladroit » face à une donzelle qui lui pique une place de parking en lui disant : « je suis jeune, je suis pressée et j’ai du culot ». Ou comme l’aventure domestique des utilisateurs de moulin à café. Ou comme l’usage inattendu d’un pot de chambre ..
On y lit aussi des histoires douloureuses comme « La fille des villes et le gars des champs », un bel amour avec un « Grand disou, petit faisou » riche des petits trafics de la guerre et pauvre en solidarités.
La guerre on la retrouve avec Tintin, syndicaliste CGT, prisonnier de guerre, de retour dans son foyer où son fils Didier a honte de lui, de sa casquette, de son vélo et de sa présence aux manifs.
Et Chantal, la fille d’un modeste cafetier de campagne, qui s’en va s’embaucher comme coiffeuse au chef-lieu d’arrondissement avec bien des difficultés. Elle tombe amoureuse du fils héritier d’un grand cabinet d’assurance. La famille refuse cette mésalliance. Mais la jeune fille est enceinte ... un « faiseur d’anges » sur son établi, arrangera l’affaire ..
Un livre émouvant de Josette Marty, éditions Keltia - 14,50 €
Ecrit le 2 juin 2010
Raconte-nous ... les années 70
Après ses deux premiers livres, Dis grand-mère et Raconte-nous encore, grand-mère, Dame Bajote revient raconter le bouleversement des mentalités dans les années 70. « Ma mère m’a dit, Antoine, fais-toi couper les cheveux, je lui ai dit, ma mère, dans 20 ans si tu veux ». Les jeunes qui portent maintenant la boule à zéro ou les cheveux bouclés, ne peuvent imaginer les drames provoqués par la longueur intempestive des cheveux des garçons : « Chaque tignasse mal contrôlée ne pouvait qu’abriter le cerveau dérangé de bolchevik, de forçat des mauvaises moeurs, de fervent de la permissivité, d’anticapitaliste, d’homosexuel, d’opposant à la vaccination et à tout le moins c’était un crassou » () « Au sein des familles, ce fut la guerre des tranchées (), les défenseurs de cheveux longs avaient beau faire référence à l’histoire, appeler à la rescousse la chevelure de Jésus-Christ, rien n’y faisait ».
Dans ce livre très enlevé, plein d’humour et de notations très justes, dame Bajote raconte les mini-jupes, et le cul nu de Polnareff, les campings quasi sauvages loin des emplacements cartographiés, numérisés et presque vidéo-surveillés de nos jours. Et la majorité descendue à 18 ans en 1974, et la marée noire de l’amoco-Cadix en 1978, et les débats sur la contraception et l’intrusion de la « psychologie » Du vécu ! Rions.
Mais on ne rit plus à la lecture de l’histoire de Brigitte et de sa mère, qui guettaient le retour du père, le soir, pour savoir si elles seraient obligées de se sauver dans la nuit. Ou de celle de Suzanne qui voulait devenir ouvrière parce que la ferme allait mal. Ou de celle d’André, le prêtre défroqué devenu syndicaliste. Des histoires des années 70, vraiment ? Ecrites avec beaucoup de sensibilité et d’émotion.
Livre de Josette Marty, éditons Keltia.
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