Ecrit 20 juin 2018
Le Président Macron fait encore des siennes en déclarant que « on met un pognon de dingue dans les minima sociaux et cela ne sort pas les gens de la pauvreté ». Le discours, avec un vocabulaire très « popu », figure sur une vidéo sciemment diffusée sur les réseaux sociaux, il est destiné à bien se faire comprendre et rejoint l’opinion de pas mal de gens qui trouvent qu’on fait trop pour … les autres. Mais de quoi parle-t-on ?
Pour Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des Inégalités, le discours de Macron témoigne d’un « décalage terrible entre le président et les Français. Il y a un mépris social, notamment autour de la notion de « responsabilisation ». Les gens acceptent des petits boulots mal payés, en particulier les jeunes ou les femmes à temps partiel. On sait ce qu’est la responsabilisation quand on va travailler pour 600 euros par mois. Tout ça ne fait qu’alimenter les tensions sociales dans ce pays.
C’est insupportable parce qu’on se retrouve avec la France des élites qui vivent bien et qui veulent « responsabiliser » les autres. « Où sont les profiteurs dans la France d’aujourd’hui ? Emmanuel Macron avait déjà dit que s’il était chômeur, il n’attendrait pas tout des autres. Qu’il aille donc rencontrer des chômeurs. Les chômeurs n’attendent pas tout des autres. Ils tentent de trouver du boulot, ils envoient des CV. Comment voulez-vous ensuite qu’on tienne un discours où l’on dit que c’est plus complexe que ça ? À l’inverse, quand François Hollande disait « je n’aime pas les riches », c’était tout aussi choquant. Ça nourrit le populisme et c’est désolant. » dit encore Louis Maurin,
714 milliards d’euros
Selon des chiffres provisoires publiés en novembre par la Drees, en France en 2016, 714 milliards d’euros étaient consacrés à la protection sociale, soit une augmentation de 1,8 % par rapport à 2015. Cela se répartit ainsi :
325 Mds pour la vieillesse
250 Mds pour la santé
76 Mds pour l’emploi et la pauvreté
55 Mds pour la famille
18 Mds pour le logement
Vieillesse : minimum vieillesse, aide et action sociale aux personnes âgées,
Santé : maladie, invalidité et handicap, accidents du travail et maladies professionnelles,
Emploi et pauvreté : insertion et réinsertion professionnelle, RSA et les allocations-chômage,
Famille : prestations familiales, accueil des jeunes enfants, aide sociale à l’enfance, Rappelons que les allocations familiales sont versées à toutes les familles même si, depuis 2015, il y a eu une baisse pour les familles les plus aisées,
Logement : allocations logement, fonds de solidarité pour le logement
Source :voir le site
Des ressorts cachés
Cela sort-il les gens de la pauvreté ? Non, car les prestations sont d’un trop faible montant. Par exemple au 1er avril 2017 le RSA est à 536,78 €/mois, et l’allocation handicapé adulte est de 810,89 €/mois, Et ces montants sont réduits quand la personne trouve un travail,
N’oublions pas que l’aide sociale répond à des objectifs inavoués, Elle est la marque d’une générosité condescendante : « Ces pauvres gens sont des humains, après tout, Aidons-les à ne pas mourir de faim ». Elle est la marque aussi d’un calcul politique : « empêchons-les, en leur donnant quelques subsides, de manifester leur colère, de provoquer révolte ou révolution ». En revanche, l’aide sociale ne relève pas de la justice sociale !
En face, que voit-on ? Le départ en retraite de Georges Plassat, 69 ans, PDG de Carrefour, qui empoche 900 000 € de rémunération variable pour les six premiers mois de 2017 (il est remplacé ensuite par Bompard), 140 000 actions du groupe Carrefour, qui lui rapporteront l’année prochaine trois millions d’euros. Plus intrigant, il a failli avoir une clause de « non-concurrence » de quatre millions d’euros alors qu’à 69 ans, on voit mal Georges Plassat s’engager pour un concurrent de Carrefour. Surtout vu la rente à vie dont il bénéficie, 517 810 € versés par son ancien employeur. Ces grands patrons, ça coûte un pognon de dingue !
Et si un ex-PDG a besoin de 517 810 € par an, est-il juste que le minimum vieillesse soit à 9700 €/an ?
Par ailleurs, selon les différentes estimations, la fraude fiscale est estimée entre 60 et 170 milliards en 2013, et 80 à 90% de la fraude échappe au recouvrement. La fraude fiscale correspond à entre 20 et 40% des recettes fiscales brutes de l’Etat, et représente à elle seule une somme supérieure au déficit public annuel de la France. Cette fraude fiscale, ça coûte un pognon de dingue, et le gouvernement ferait bien de « responsabiliser » les fraudeurs.
Efficace
« Les aides sociales ont quand même leur efficacité, Les statistiques publiques dans ce domaine disent que notre système est l’un des plus performants au monde pour éviter que les gens se retrouvent à la rue. Le taux de pauvreté des familles monoparentales avant redistribution est supérieur à 40 %, et est réduit à 20 % après redistribution. C’est encore beaucoup trop mais ça évite que des enfants se retrouvent à la rue ». dit Louis Maurin,
Ça ne veut pas dire qu’il n’y a rien qui dysfonctionne et qu’on ne peut pas faire certaines économies. Par exemple, on donne des allocations logement à des enfants dont les parents sont très riches. Mais on ne donne pas d’allocation à des jeunes de 18 ans qui n’ont pas fait d’études et n’ont pas droit à un minimum social. « Que ce soit en haut ou en bas, il y a toujours des tricheurs dans une société donnée. Les pauvres ne sont ni mieux ni moins bons que les plus riches ! Notre système d’allocations nous permet aujourd’hui d’être le grand pays d’Europe où le taux de pauvreté est le plus faible ».
Mais si l’objectif est d’avoir une justice sociale effective, pourquoi le gouvernement s’est-il empressé de flexibiliser le marché du travail au détriment des jeunes et d’offrir cinq milliards d’euros aux plus riches, notamment en baissant l’ISF ? (impôt sur la fortune), Cela représente la moitié du budget du RSA .
Que faire ?
Louis Maurin explique encore :
Une politique sociale effective devrait agir sur plusieurs piliers.
D’abord il faut agir sur les populations qui souffrent le plus : les plus jeunes, en les faisant bénéficier des minima sociaux, et les personnes âgées démunies, qui sont dans une situation très délicate. Cela coûtera de l’argent, mais cela ne se résume pas à une question de moyens.
Ensuite, il faut agir sur l’accès au logement, particulièrement pour les jeunes. Dans les métropoles, il y a un transfert de richesse vers les bailleurs qui est considérable. Le président de la République pourrait s’inspirer de ce qui a été fait sous Nicolas Sarkozy en termes de renouvellement urbain, notamment avec Jean-Louis Borloo, même si ce dernier est plutôt mis au placard en ce moment.
Enfin, le troisième point, c’est l’école, si on veut agir en amont. Mais des replâtrages comme Parcoursup ou le doublement de 8 % des classes de CP sont insuffisants. Il faut moderniser l’école française – caractérisée par la mémorisation, la notation et la sur-compétition – en s’inspirant de nouvelles méthodes pédagogiques. Et même si ce n’est pas qu’une question de moyens, il faut savoir que la France a les taux d’encadrement dans les petites classes les plus mauvais des pays occidentaux.
Source :
voir le siteLe-decalage-est-terrible-entre-la-France-qui-vit-bien-et-les-plus-pauvres