Ecrit le 30 octobre 2019
Un café-citoyen, comme il en existe un à Pouancé et un autre à La Chapelle sur Erdre : quelle bonne idée ! c’est la possibilité de se retrouver tous les mois sur un sujet de société, échappant ainsi au formatage mis en œuvre par la télévision, suscitant la réflexion collective en opposition à l’individualisme favorisé par internet et les réseaux ’sociaux’.
voir le site cafe-citoyen-chapelain
Le 17 octobre dernier le café chapelain s’est intéressé aux lançeurs d’alerte avec Audrey Boursicot, chargée de campagnes Libertés à Amnesty International France et Pierre Hinard, agronome-éleveur et lanceur d’alerte, auteur du livre « Omerta sur la viande, un témoin parle ». 45 personnes étaient présentes et le débaut fut animé et chaleureux.
défenseurs des droits humains, lanceurs d’alerte : sans eux ce sont nos droits qui disparaissent ! Audrey Boursicot a montré que, partout dans le monde, les défenseurs des droits humains sont l’objet d’attaques spécifiques pour les faire taire. En 2018, ce sont 312 défenseurs des droits humains qui ont été assassinés dans le monde, Dans plus de 80 pays du monde, militer pour le respect des droits de l’homme est une activité à hauts risques. Les groupes et les individus qui s’engagent dans cette voie sont la cible privilégiée des autorités et de groupes privés qui recourent à la disparition forcée, aux exécutions sommaires, à la détention arbitraire ou à la torture pour les faire taire. Selon les régions, cette répression se traduit par des filatures, des menaces et intimidations, y compris à l’égard de leurs familles, de campagnes de diffamation orchestrées par les médias officiels, d’interdictions de quitter le pays ou de retourner dans le pays, de harcèlement sur le lieu de travail, d’arrestations et détentions arbitraires, de mauvais traitements et même d’assassinats. L’impunité dont bénéficient les auteurs de ces violations est particulièrement inquiétante.
Ce qui définit le défenseur c’est son engagement en faveur des droits civils et politiques, mais également des droits économiques, sociaux et culturels. Ces défenseurs des droits humains sont des enseignants, des ouvriers, des journalistes ou des avocats ; ce sont des mères et des pères, des soeurs et des frères. Ces personnes sont animées par leur profonde conviction que chaque être humain, où qu’il soit, doit pouvoir jouir de ses droits et les exercer. Et elles représentent un défi pour les despotes, les responsables corrompus et tous ceux qui privilégient les profits par rapport à la protection des ressources naturelles et droits fonciers collectifs.
Leur action demande des convictions fortes et une forte dose de courage personnel sur le terrain car l’arsenal des adversaires est sans limites : discrédit, dénigrement, diffamation, poursuites judiciaires, agressions physiques, homicides, disparitions forcées
Lanceur d’alerte malgré lui
Une catégorie particulière des défenseurs des droits humains : les lanceurs d’alerte qui ont une information que les autres n’ont pas et qui osent dénoncer les attaques contre l’intérêt général. Parmi ceux-là : Pierre Hinard, éleveur castelbriantais, « lanceur d’alerte malgré lui ».
Pierre Hinard, ingénieur agronome et ancien créateur de marchés bio à Paris, travaillait à 20 % comme éleveur et à 80 % dans une importante société d’abattage et de découpe de Loire-Atlantique. Il était responsable qualité de la viande fournie aux distributeurs et aux restaurants.

Un jour, il apprend que, durant le week-end, il y a eu de la « remballe » : de la viande, retirée de la vente quelques mois plus tôt, a été déballée, remballée, datée du jour pour être expédiée dans une grande chaine de restaurants. « Je connais les conséquences de l’ingestion de viande avariée, ce type d’intoxication peut être très grave : paralysie, troubles de la vision, complications cardiaques ou rénales, coma, mort ». « je suis père de famille, je ne peux pas laisser fournir de la viande comme cela »,
Pierre Hinard est alors allé prévenir le vétérinaire de service, qui a refusé de saisir la viande et qui a prévenu le patron de son intervention. « Dans l’entreprise cela s’est vite su. Connaissant le contexte, les salariés ne pensaient pas à un possible licenciement. Pourtant de précédents responsables qualité avaient été démissionnés, la direction pensait que j’allais accepter moi aussi de signer ma démission, mais j’ai refusé ». « J’ai donc été mis à pied puis licencié ».
Dans l’entreprise, il y avait déjà eu des alertes graves avec de la viande hachée qui renfermait une bactérie tueuse, Vite le personnel a eu des ordres : faire du nettoyage dans le système informatique pour faire disparaître les lots. La viande fournie aux clients avait une traçabilité faussée. Il y a eu inspection du service des fraudes, et la fraude n’a pas pu être détectée. C e 19 octobre 2019 une jeune femme, présente à la soirée a déclaré : « oui, j’ai travaillé dans les bureaux de cette entreprise et on m’a demandé plusieurs fois de faire des modifications informatiques ».
résultat : Pierre Hinard est licencié. Mais celui-ci avait prévenu les autorités de tutelle pour que de pareils faits ne se reproduisent pas. C’était là sa faute : il a été alors traîné dans la boue par la Direction, avec une manifestation de salariés contre lui. « Les salariés savaient que j’avais raison. Nombre d’entre eux me l’ont dit mais ils m’ont dit aussi qu’ils n’avaient pas eu le choix : ils avaient été tenus d’aller manifester dans la rue contre moi. Les autorités locales, que j’avais alertées, savaient aussi que j’avais raison mais il y a dans certaines entreprises des patrons qui se savent au-dessus des lois. »
[NDLR : c’est pour cela que les alternances politiques sont nécessaires : pour briser les mafias qui se mettent en place].
Pierre Hinard est toujours éleveur, engagé dans la filière « le bœuf d’herbe », des caissettes de viande bio vendues du champ à l’assiette sur internet. Quant à la société d’abattage et de découpe elle fait l’objet d’une procédure judiciaire. Etrangement le dossier traîne. Les mafias locales veillent ?
légitimement le consommateur s’inquiète des dérives sanitaires mais il faut savoir que celles-ci ne se limitent pas à une seule entreprise. déjà , en 2014, dans son rapport annuel, la Cour des Comptes alertait : « les contrôles dans les établissements de production et de transformation de denrées d’origine animale et dans les établissements de remise directe ont diminué de 17 % entre 2009 et 2012. Dans les abattoirs, la France peine à se conformer aux exigences européennes en matière de contrôle. Les contrôles des denrées d’origine animale provenant d’autres pays de l’Union européenne, qui conduisent à relever de nombreuses non-conformités (25 % pour les produits à base de viande, 21 % pour le lait cru et les produits à base de lait), sont peu nombreux et ne sont pas mis en œuvre dans certains départements ».
Se protéger
Il est donc utile que des « lanceurs d’alerte » permettent la prévention ou la révélation des failles et dysfonctionnements de nos Etats, nos économies, nos systèmes politiques et financiers. En 2016 la France s’est dotée d’un régime de protection des lanceurs d’alerte parmi les plus avancés en Europe. Pour que les citoyens ou salariés soient bien informés de leurs droits et obligations et des précautions à prendre pour lancer l’alerte et bénéficier de la protection garantie par la loi. Transparency International France a créé un guide pratique, premier outil citoyen, les clefs pour agir, se protéger et se défendre.
Il existe aussi une Haute autorité, « le défenseurs des Droits », qui veille au respect des droits et libertés, et qui, entre choses, peut être saisi par toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux règles de la sécurité.
Ecrit le 13 novembre 2019
Envoyé spécial
Le magazine de l’émission télé « Envoyé Spécial » du 7 novembfre 2019 a été consacré à : un monde sans viande. Dans ce cadre, Elise Lucet a rencontré Pierre Hinard, éleveur bio aux portes de Châteaubriant, auteur du livre « Omerta sur la viande », qui a dénoncé les pratiques d’une importante société locale d’abattage et de découpe. Pierre Hinard apparaît sur le film à environ 1h10min.