Ecrit le 18 décembre 2019
Source : lafinancepourtous.com
L’idée de monnaie hélicoptère a été défini pour la première fois en 1969 par l’économiste américain Milton Friedman : les autorités monétaires impriment des billets et les jettent d’un hélicoptère dans les rues. Les gens les ramassent et les dépensent, ce qui permet de faire repartir l’inflation. Un vrai cadeau de Noë l !
Ce concept de « monnaie hélicoptère », longtemps considéré comme purement théorique, est toutefois aujourd’hui évoqué comme une possibilité par de nombreux économistes mais aussi par la banque centrale européenne (BCE) elle-même dans le cadre de sa politique de lutte contre le risque déflationniste en zone euro.
Si le recours à un tel instrument a été évoqué ces dernières années, cela tient à la persistance d’une inflation basse en zone euro malgré la politique monétaire non conventionnelle mise en œuvre par la BCE depuis mars 2015.
Toutefois, les inconvénients ainsi que les difficultés de mise en place de cette mesure laissent supposer qu’elle ne sera probablement pas appliquée en zone euro.
La politique monétaire de la BCE peine à montrer son efficacité
Depuis le dernier trimestre 2011, le taux d’inflation en zone euro s’inscrit sur une tendance baissière. Depuis février 2013, l’IPCH (indice des prix à la consommation harmonisée, qui mesure l’inflation) a par ailleurs constamment progressé à un rythme annualisé inférieur à 2 % -qui constitue pourtant la cible de moyen terme affichée par la BCE.
Si cette évolution apparaît positive pour le pouvoir d’achat des ménages, elle suscite les inquiétudes de la BCE de voir la zone euro basculer dans une spirale déflationniste qui serait particulièrement néfaste pour l’économie européenne.
Or, cette situation ne s’améliore que très lentement en zone euro malgré toutes les mesures de politique monétaire conventionnelles (baisse des taux d’intérêt, désormais fixés en territoire négatif pour certains) et non conventionnelles (programme de rachats d’actifs financiers) décidées par la BCE.
L’inflation est faible en zone euro pour deux raisons complémentaires :
d’une part, parce que la croissance économique reste faible et le chômage élevé. Dans ce contexte, les entreprises se font concurrence entre elles pour écouler leur production, ce qui contraint les prix. Par ailleurs, les salariés ne peuvent exiger des augmentations de salaires car leur pouvoir de négociation est affaibli ;
d’autre part, parce que la zone euro est insérée dans une économie de plus en plus mondialisée. La mondialisation pousse les entreprises à délocaliser leur production vers les économies à bas coûts de production, ou à importer des produits semi-finis en provenance de ces pays.
Dans un tel environnement, la politique monétaire peut donc difficilement agir efficacement car la baisse des taux d’intérêt de la BCE a vocation à relancer la demande de crédit de la part des entreprises et des ménages. Mais puisque les entreprises ne souhaitent pas investir faute de débouchés suffisants, et que la crainte du chômage pousse les ménages à davantage épargner, le principal canal de transmission de la politique monétaire conventionnelle se trouve affaibli.
c’est pourquoi la BCE a mis en place une politique non conventionnelle destinée à racheter des titres obligataires sur les marchés financiers, à l’instar de ce que la banque centrale des Etats-Unis (la Fed) a fait entre 2009 et 2014.
Dans ce contexte, de nombreux économistes se sont posé la question du recours à la monnaie hélicoptère comme moyen ultime de faire repartir à la hausse l’indice des prix à la consommation en zone euro. Interrogé sur cette éventualité lors de sa conférence de presse du 10 mars 2016, Mario Draghi, a indiqué qu’il trouvait cette idée intéressante tout en précisant qu’elle n’avait pas encore été étudiée par la BCE.
La monnaie hélicoptère serait difficile à mettre en œuvre
Le concept de monnaie hélicoptère se rapporte à la distribution aux ménages ou aux entreprises de monnaie directement créée par la banque centrale, sans aucune contrepartie c’est à dire sans création de titres de dettes.
Même si la banque centrale trouvait le moyen de passer par les banques commerciales pour livrer la monnaie créée aux ménages ou aux entreprises, d’autres questions pratiques se poseraient, comme par exemple le fait de s’assurer que les personnes titulaires de plusieurs comptes bancaires ne perçoivent pas plus que celles qui n’en n’ont qu’un seul, ou encore que le mécanisme ne soit pas remis juridiquement en cause par des Etats opposés à sa mise en œuvre.
La Nordea Bank, dans une étude consacrée au sujet, estime que la BCE pourrait consacrer quelque 444 milliards d’euros, soit 1 300 euros par habitant de la zone euro, à la distribution directe de liquidités en ponctionnant ses réserves et son capital.
Cela paraît toutefois difficilement concevable car la BCE devrait alors procéder à une recapitalisation en faisant appel à ses actionnaires, c’est-Ã -dire les banques centrales nationales. Celles-ci ne seraient alors plus à même de réaliser de bénéfices :elles pourraient même constater des pertes liées à la reconstitution de leurs réserves- et donc ne pourraient plus verser d’impôts et de dividendes à leurs Etats respectifs comme elles le font régulièrement depuis des années.monnaie hélicoptère émergent, et ce d’autant plus que son efficacité n’est absolument pas garantie.
L’efficacité de la monnaie hélicoptère n’est pas garantie
L’idée sous-jacente à la monnaie hélicoptère est que la monnaie créée par la banque centrale va directement se déverser dans l’économie réelle et ainsi augmenter la masse monétaire, c’est-Ã -dire le total de monnaie en circulation dans l’économie, sans que la production de biens ou services n’ait augmenté en parallèle. La consommation et les prix vont alors progresser, engendrant ainsi un cercle vertueux susceptible de relancer l’activité économique et d’éviter le piège de la déflation.
Plusieurs obstacles à la réalisation de ce scénario permettent toutefois de douter de l’efficacité du recours à la monnaie hélicoptère :
Les ménages pourraient très bien décider d’épargner ou de thésauriser la monnaie reçue de la banque centrale. Dans ces conditions, l’effet sur la consommation serait nul ou marginal. Pour contrer ce risque, la monnaie pourrait être distribuée sous forme de bon d’achat à validité limitée. Mais même dans cette hypothèse, l’impact sur l’activité économique ne serait pas garanti.
Le surcroît de consommation engendré par la monnaie hélicoptère pourrait en effet profiter avant tout aux produits importés hors zone euro. Dans ce cas, l’effet sur l’activité économique serait faible et sans doute insuffisant pour relancer l’inflation et la production.
Même dans l’hypothèse favorable où le surcroît de monnaie permettrait de relancer l’activité économique de la zone euro, il n’est pas certain qu’il serait suffisant pour enclencher à lui seul le cercle vertueux de la consommation, de la hausse des prix et de l’investissement des entreprises. Une nouvelle stimulation monétaire pourrait alors s’avérer nécessaire pour véritablement ancrer les anticipations des agents économiques. Mais la BCE risquerait de ne plus en avoir les moyens.
Les gains générés par la relance de l’activité risqueraient par ailleurs de ne pas être répartis de façon optimale dans toute la zone euro. Il se pourrait en effet que les premiers bénéficiaires soient les pays les plus compétitifs qui verraient leur situation s’améliorer au détriment des autres.
il est donc probable que de fortes réticences à la mise en place d’une opération de « monnaie hélicoptère » empêchent tout type d’opération de ce type !