Ecrit le 19 février 2020
La Mée a longuement rapporté les arguments et les manifestations des opposants à la réforme des retraites. Elle laisse la parole, cette fois, à la CFDT qui s’est exprimée lors de l’assemblée générale du 4 février 2020 à Châteaubriant.
Le contexte social et politique :
Depuis Mai 2017, avec l’élection d’E. Macron, les retraités qui représentent 16 millions de citoyens sont ignorés par le gouvernement. Sauf pour leur dire qu’ils sont des nantis et sont utilisés comme variable d’ajustement des finances publiques.
L’augmentation de la CSG sans contrepartie, le gel des pensions en 2018, la sous-indexation en 2019 sont autant de décisions du gouvernement qui sont ressenties comme des discriminations à l’égard des retraités.
Le pouvoir d’achat des retraités a baissé et reste menacé. Depuis plusieurs années, la CFDT retraités revendique l’indexation des pensions sur les salaires pour que notre niveau de vie ne baisse pas. Aujourd’hui, toutes les organisations de retraités se sont ralliées à cette revendication.
L’accès aux soins reste une priorité. Voilà 10 ans que la CFDT retraité avec la CGT et la Confédération paysanne a mené une enquête sur le territoire du Pays de Châteaubriant et alerté les élus et les professionnels de santé sur les difficultés d’avoir un médecin traitant. Ce travail a été poursuivi au sein du Conseil de développement pour continuer à sensibiliser. Aujourd’hui nous nous réjouissons de la mise en place d’une Communauté Professionnelle de Territoire de Santé qui peut être un élément de réponse à la désertification médicale. Il faut que cela favorise l’accès aux soins de proximité et ne se traduise pas par une nouvelle concentration et une complexification sur un territoire où il y a de gros problèmes de mobilité.
Nous traversons une grave crise démocratique. La CFDT alerte de longue date sur le mal-être social, l’injustice fiscale, le pouvoir d’achat et les inégalités territoriales. La crise est nourrie par les injustices, les inégalités, les inquiétudes pour l’avenir. La majorité actuelle n’écoute pas les syndicats, les associations, les acteurs sociaux quels qu’ils soient. Elle semble opposer la parole citoyenne, individuelle et spontanée qui serait plus représentative que la parole organisée et collective des corps intermédiaires. C’est extrêmement inquiétant pour la démocratie et sur le fonctionnement politique du pays. Pour la grande majorité des responsables et militants syndicaux la résolution des conflits sociaux passe par la négociation. S’il y a des moments de tension, des grèves cela se passe en général sans violence.
Depuis fin novembre 2018 avec les gilets jaunes nous avons découvert une agressivité excessive dans la parole, dans les actes, un refus du dialogue… 10 personnes sont mortes à cause de ce mouvement, de nombreux blessés, des villes saccagées régulièrement.
Aujourd’hui cette violence devient régulière y compris dans des manifestations syndicales gangrenées par des éléments radicalisés qui viennent souvent de l’extérieur mais cela déteint parfois… comme on l’a vu dernièrement dans celles contre la réforme des retraites.
La CFDT qui est favorable à un régime universel et à la retraite par points depuis plus de 10 ans est la cible de certains opposants à la réforme. Pour ces gens-là, il n’y a pas de nuance : ils ont décidé que le projet était mauvais et donc il doit être retiré ! Et ceux qui font leur travail de syndicalistes et veulent négocier sont des traîtres, des « vendus », des « pourris » voire des « collabos » ! C’est ce qui a été tagué sur notre local et sur d’autres locaux de la CFDT en France. La CFDT est attaquée, insultée, des menaces sont proférées contre des militants, à cause de ses positions, mais ne se laissera pas intimider.
Ces mots sont des insultes pour les adhérents et militants de la CFDT qui se sont battus et, se battent encore quotidiennement dans les entreprises et les administrations pour défendre les droits des salariés et obtiennent des résultats ! Ce n’est pas par hasard que la CFDT est devenue la première organisation syndicale en France.
Le ou les courageux anonymes qui ont écrit ces mots ignobles sur nos murs sont méprisables. Par principe, nous avons déposé plainte à la gendarmerie.
Réforme des retraites
Après le rapport d’activité, une information-débat a eu lieu sur le projet de réforme des retraites : Cela fait 10 ans que la CFDT travaille sur l’idée d’un régime universel pour renforcer la justice sociale car le système actuel est bourré de ces injustices sociales. Ne rien vouloir changer c’est faire perdurer ces inégalités. Et le système par points est le plus simple pour y parvenir. Il fonctionne d’ailleurs très bien depuis la Libération pour les régimes complémentaires.
D’hésitations en contradictions, le gouvernement a perdu le fil de sa réforme. La solidarité et la justice sociale devaient servir de guide aux propositions de l’exécutif pour refondre le système des retraites. Les assortir d’une contrainte d’équilibre financier aveugle, supportée uniquement par les travailleurs est inconcevable. En mélangeant deux projets de loi en un seul, le gouvernement s’est détourné de l’ambition première d’un système universel. Au lieu de s’attaquer aux injustices que subissent aujourd’hui de plein fouet les travailleurs les plus précaires, les femmes, les jeunes qui cotisent sans s’ouvrir de droits, les polypensionnés, on a focalisé le débat sur la création d’un âge d’équilibre collectif, injuste par nature.
Pour la CFDT, il faut remettre le débat dans le bon sens et renouer avec l’intention initiale de la réforme. C’est cet objectif qui nous a conduits à dénoncer l’instauration d’un âge d’équilibre à court terme, mesure aveugle pénalisant des centaines de milliers de travailleurs pouvant partir en retraite au taux plein dès 2022. Nous allons agir pour avancer concrètement sur la prise en compte de la réalité du travail dans la réforme. Car les revendications que porte la CFDT pour une retraite plus juste viennent de là : la retraite est le reflet de notre vie au travail, des conditions dans lesquelles nous l’avons exercé, bonnes ou mauvaises, des métiers que nous avons occupés, pénibles ou soutenables, de l’intérêt que nous y avons porté ou du sens que nous y avons trouvé. Elle est le reflet de notre trajectoire professionnelle et des éventuelles discontinuités que nous avons pu connaître, chômage, maladie, ou de l’évolution de notre rémunération.
La CFDT demande de longue date un système universel de retraites pour davantage de solidarité et de justice sociale. Depuis le début de la concertation sur la réforme des retraites, la CFDT a porté des revendications guidées par ses valeurs de solidarité, d’égalité, d’émancipation et de démocratie, et nourries de sa grande enquête, Parlons Retraites, qui a mobilisé plus de 120 000 répondants en 2018.
Voici les 10 grandes revendications de la CFDT pour un système de retraites juste :
1. Un système de retraite universel et plus juste.
Pour la CFDT, il doit permettre de construire une solidarité universelle où tous les actifs, du public comme du privé, sont solidaires, et qui ne pénalise plus les femmes, les polypensionnés, les personnes précaires et les bas salaires.
2. Une compensation des dix formes de pénibilité du travail.
La pénibilité réduit l’espérance de vie, les travailleurs exposés doivent donc pouvoir partir plus tôt à la retraite et avoir droit à des mesures de prévention et des possibilités de reconversion. 67 % des répondants à Parlons Retraites estiment que le système actuel ne tient pas assez compte de la pénibilité.
3. Un droit à la retraite progressive pour aménager les fins de carrière.
On ne travaille pas à 60 ans comme à 30 ans. Les travailleurs doivent avoir plus de liberté dans le choix de l’âge et des modalités de leur départ à la retraite. 62 % des répondants aimeraient bénéficier d’un aménagement du temps de travail avant la retraite.
4. Un minimum de pension supérieur à 1000€ pour une carrière complète.
La CFDT revendique le droit à une retraite décente. 85 % des répondants estiment que le minimum de pension pour une carrière complète devrait être fixé à au moins 100 % du SMIC.
5. Une garantie à 100 % des droits acquis avant 2025.
La réforme ne doit pas modifier les droits déjà acquis. C’est une condition indispensable pour sécuriser les personnes dans la transition d’un système à l’autre.
6. Des compensations salariales.
Pour les professions des fonctions publiques qui ne verront pas l’abandon de la règle des six mois compensé par l’intégration des primes, la CFDT réclame des compensations, qui doivent se concrétiser en même temps que la réforme des retraites.
7. Le maintien du droit à partir à la retraite à 62 ans et du dispositif des carrières longues.
Le dispositif des carrières longues, obtenu de haute lutte par la CFDT en 2003, permet à ceux ayant commencé à travailler très jeunes de partir plus tôt à la retraite. 94 % des répondants pensent qu’il est normal que ceux qui ont commencé à travailler jeunes puissent partir plus tôt à la retraite.
8. Un système solidaire, non seulement entre les générations (actifs/retraités), mais aussi au sein d’une même génération, pour compenser les aléas de carrière (chômage...) et de la vie (handicap, maternité...).
Le droit à la retraite doit être garanti pour les personnes au chômage : la CFDT refuse toute « double peine » (pas de travail, pas de retraite), notamment pour les seniors.
9. Un maintien, en les adaptant, des droits familiaux : bonifications dès le premier enfant pour profiter à toutes les mères et forfaitaires, pour être plus redistributif. La CFDT revendique aussi une harmonisation des conditions d’octroi de la pension de réversion, son élargissement à toutes les formes d’union et un partage des droits à la retraite au moment du divorce, pour ne pas léser les femmes qui se seraient arrêtées de travailler pour élever les enfants.
10. La création d’une banque des temps :
Il y a une vie avant la retraite ! Il faut répondre à la revendication croissante du « temps pour soi » tout au long de la vie.
Qui dit régime universel ne dit pas uniformité.
Des règles spécifiques à une branche ou une entreprise peuvent s’ajouter aux règles communes pour tenir compte d’un contexte de travail particulier. Mais ces spécificités doivent être financées par une cotisation particulière de la branche ou de l’entreprise, dans le public comme dans le privé.
Avant tout, il est utile de préciser que l’ensemble des valeurs indiquées dans l’exposé des motifs et certaines dispositions seront définies par décret, la loi ayant pour objectif de donner les principes du droit. Les modalités de transition seront dans la plupart des cas définies par ordonnances et pourront varier selon leur objet. L’exposé des motifs n’en donne que quelques éléments.
La CFDT compte donc rester vigilante jusqu’à l’application de la loi.
MOTION REVENDICATIVE
Les retraités et préretraités CFDT de Châteaubriant et région se sont réunis en Assemblée Générale le 4 février 2020.
Les retraités CFDT sont inquiets et en colère ! Avant 2017, aucun gouvernement n’avait mis en place une baisse systématique du pouvoir d’achat des retraités. Après une perte de pouvoir d’achat en 2018 suite au report de la date de revalorisation des retraites, en 2019 elle a été de 0,3 % sans tenir compte de l’indice des prix de 1,6 % et pour 2020 la ré indexation sur l’indice des prix ne concernera pas tous les retraités.
Nous sommes inquiets devant la situation des hôpitaux publics : les gouvernements successifs les ont plongés dans une situation financière grave. Leur situation se dégrade et devient explosive.
Nous sommes inquiets des inégalités qui minent la société française : les 10 % les plus pauvres s’enfoncent encore plus dans la pauvreté.
Nous sommes en colère face aux reports successifs de la loi annoncée sur le grand âge. Il y a urgence parce que les conditions de vie de trop de personnes en perte d’autonomie sont insoutenables. Il y a urgence parce qu’il s’agit d’un secteur où le nombre de travailleurs pauvres est le plus important.
Nous sommes inquiets sur la réforme des retraites et nous voulons un système plus juste et plus solidaire mieux adapté aux enjeux de notre époque.
C’est pour cela qu’en 2020, nous revendiquons :
L’abandon de la sous-indexation des pensions de retraite et leur indexation sur les salaires
Qu’aucune pension ne soit inférieure au SMIC net pour une carrière complète. Pour la CFDT Retraités, cela implique une revalorisation du minimum contributif.
La suppression de la cotisation maladie de 1 % sur les retraites complémentaires pour que les retraités du secteur privé ne restent pas les seuls contributeurs à l’assurance-maladie
Une fiscalité plus juste pour une meilleure redistribution des richesses.
Une amélioration de la prise en charge de la complémentaire santé comme cela avait été promis et la généralisation du tiers-payant.
Un financement solidaire et pérenne à la hauteur du défi du vieillissement de la population. La société dans son ensemble doit y contribuer.
Les retraités CFDT revendiquent leur place dans la société et la reconnaissance de leur action au quotidien. Ils défendent leur pouvoir d’achat, lourdement attaqué. Mais ils restent intransigeants sur les valeurs de la CFDT et la nécessaire solidarité intergénérationnelle.
Nous invitons les adhérents et sympathisants quittant le monde du travail à nous rejoindre pour défendre leurs intérêts collectivement.
(téléphone-06 88 47 87 48)
Ordonnances Travail : La réforme a manqué sa cible
Ce devait être LE grand chantier de rénovation du dialogue social en France. Plus de deux ans après le vote des ordonnances Travail (en septembre 2017), le projet de réforme a manqué sa cible, estime le comité d’évaluation des ordonnances réuni à la fin janvier – analyse confirmée par un rapport parlementaire (non publié) traitant desdites ordonnances.
Depuis janvier 2018, 297 accords de performance collective (APC) portant sur la mobilité interne, le temps de travail ou la rémunération ont été conclus, le plus souvent pour une durée indéterminée. Plus souples que ceux qui les ont précédés (dont les accords de maintien dans l’emploi), les APC interrogent les élus qui pointent un risque de dévoiement : des entreprises relevant d’une même branche professionnelle adoptent ainsi des mesures sensiblement identiques sur telle ou telle thématique afin de contourner ensemble la convention collective dont elles relèvent. Un point d’alerte pour la CFDT, qui appelle à la plus grande vigilance au moment de la négociation.
Lire ici :
voir le site travail.pdf
Autre nouveauté issue des ordonnances, les ruptures conventionnelles collectives (RCC) poursuivent leur parcours : 209 entreprises s’étaient engagées dans une négociation au 31 décembre 2019, dont 140 ont abouti à un accord validé (+ 30 % en un an).
Temps d’appropriation
Complexe, poussive, la mise en place des CSE met en lumière les difficultés des acteurs de l’entreprise, directions comme représentants du personnel, à assimiler et s’approprier les nouvelles dispositions du code du travail, alors que celui-ci avait déjà été largement réformé au cours des cinq années précédentes.
Cette refonte des instances représentatives du personnel dans les entreprises confirme en tout cas le fait que « le dialogue social est toujours plus considéré comme une contrainte que comme une opportunité par les directions », regrette Philippe Portier, secrétaire national chargé du dossier. Cela dit, « il ne faut pas baisser les bras mais considérer qu’au fil de l’appropriation du fonctionnement des instances, nos élus vont pouvoir renégocier des choses, récupérer des moyens syndicaux par exemple. Rien n’est gravé dans le marbre ».
En cela, l’accompagnement des équipes, notamment en matière de formation, se révèle indispensable.
epirat@cfdt.fr
* Finalisé en juillet, le rapport a peu de chance d’être publié, le départ d’un de ses corapporteurs empêchant son adoption en commission des affaires sociales comme révélé par le site Actuel RH