Ecrit le 13 janvier 2021
Le terme de « fake news », fausses informations, a été popularisé par Donald Trump et repris par les médias français lors de la campagne présidentielle en 2016. « qu’importe ce que je dis à partir du moment où l’on en parle », telle pourrait être la manière de communiquer de Donald Trump. L’homme d’affaires était déjà coutumier de la fake news avant son élection, mais le fait d’être élu chef de la première puissance mondiale lui a donné un écho considérable.
Le ton est donné dès le jour de son investiture. Les médias américains diffusent alors des photos montrant qu’il y avait moins de monde à Washington ce jour-là , que lors de l’investiture de Barack Obama en 2009. Plus d’un million pour le démocrate, moins de 900.000 pour le Républicain : fake news pour Trump et son entourage. Les photos donnent raison aux journalistes mais une porte-parole de la Maison-Blanche explique qu’il est possible de présenter des faits alternatifs.
En août 2018, soit un an après son élection à la Maison-Blanche, le Washington Post avait compilé les fausses informations du président américain et était arrivé au chiffre dantesque de 4.229 fake news de la part de Donald Trump depuis son investiture, soit 7 contre-vérités et mensonge par jour, difficile à battre
Jusqu’au bout Trump a manié les fausses informations, jusqu’Ã galvaniser 75 millions d’électeurs en leur faisant croire qu’il avait gagné l’élection présidentielle. On a vu où cela menait : à l’invasion du Capitole, à la mise en péril de la démocratie américaine.
Que faire contre les fake news ?
La Commission européenne, croit à la méthode douce via l’autorégulation à travers un code de conduite que les principaux réseaux sociaux viennent de lui remettre. La France prône la méthode forte, une loi ? Ni l’un ni l’autre.
Des hébergeurs passifs
L’autorégulation ne donnera pas de bons résultats : le code de conduite des réseaux sociaux est sans approche commune, sans engagements clairs ni outils de conformité, bref, sans moyen d’en mesurer l’efficacité. C’est logique : leur demander volontairement de s’occuper du contenu qu’ils hébergent, c’est leur demander d’abandonner leur statut d’hébergeur passif, en rien responsable de ce qui se trouve sur leurs infrastructures. Cela les a bien arrangés pour toute une série d’autres contenus, comme celui soumis au droit d’auteur dont il ne pouvaient être tenus responsables pendant que leurs réseaux gagnaient forcément en intérêt.
Les fakes news sont polymorphes
Une solution légale, quant à elle, part du principe que les fake news, c’est une question de blanc ou noir. C’est là le noeud du problème : les fake news sont protéiformes. Une fake news n’est pas (forcément) une false news. Cela peut être une nouvelle présentée avec un agenda caché, dont certains caractères sont mis en avant au détriment d’autres pour appuyer un objectif de celui qui la diffuse. Une fake news peut tout simplement être trompeuse, peut être présentée dans un but de manipuler, elle peut causer un préjudice public. Les fake news ne sont pas l’apanage d’Internet. Elles existent aussi dans les médias traditionnels qui croient bien faire.
Lors de la campagne du Brexit, la très respectable BBC, pensant bien faire, a consacré 50% du temps d’antenne aux économistes pro-Brexit et 50% aux anti-Brexit sauf que 90 % des économistes s’accordaient pour être contre le Brexit. Les 10% restants, un peu charlatans, ont pu s’en donner à cœur joie.
Aux USA la corrélation entre les votes républicains et Fox News n’est plus à démontrer : on ne peut soupçonner pourtant Fox News de diffuser des false news, juste des news orientées comme il faut au point de mériter l’appellation « fake news » dans le sens plus général du terme. Tout le monde se souvient de l’acharnement de la presse à couvrir les emails d’Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle américaine et le peu d’intérêt sur les affres passées de Donald Trump.
Les fake news ne sont que la version modernisée de la propagande et ce sont curieusement un peu toujours les mêmes pays qui la cultivent, la Russie en tête, avec les mêmes motifs que du temps de l’Union Soviétique : amener le chaos, le désordre, exporter leur révolution. Ce ne sont plus les partis communistes qu’ils soutiennent dans la foulée mais d’autres extrêmes, les partis d’extrême droite. Tout comme au temps de la guerre froide, les pays occidentaux étaient démunis devant la propagande soviétique, ils le restent face aux fake news. A l’époque, on y résistait grâce à l’esprit critique, l’éducation, la vérification des sources : l’agenda caché nous apparaissait clairement.
La vérification des faits
Dans ces années-là , on n’a jamais prétendu pouvoir éradiquer la propagande. Une même posture, humble, pour les fake news nous aiderait à virer notre cuti. En ce sens, les idées de la Commission ne sont pas inintéressantes. La propagande durant la guerre froide était finalement diluée dans un flux de nouvelles objectives aux mains de medias traditionnels et professionnels. C’est ce que propose la Commission : diluons les fake news en promouvant les nouvelles objectives, vraies, vérifiées. Étiquetons les news qui ont un but de manipulation.
Mais aujourd’hui les médias traditionnels n’ont pas les moyens d’internet, ils n’ont plus le temps de vérifier les faits et quand ils le font, l’impact est limité. Seuls les lecteurs de ces journaux auront accès à cette vérification. Et ce ne sont pas ceux-là qui rediffusent les fake news.
Le pire reste à venir pour les fake news si on n’y prend garde : a-t-on déjà réalisé qu’elles ne concernent encore que le contenu textuel ? Les progrès dans la manipulation vidéo vont bientôt permettre de diffuser des clips, des interviews au cours desquels on prêtera des paroles aux hommes politiques et aux leaders de ce monde, des paroles qu’ils n’ont jamais tenues. La manipulation des masses conduira à des catastrophes.
Source : Charles Cuvelliez : Latribune.fr
Documentaire : les Fake news au pouvoir
Comment les fake news sont-elles fabriquées ? Comment se propagent-elles sur Internet ? Quel est le rôle des réseaux sociaux en politique et en particulier dans l’accession au pouvoir des populistes 2.0 ? Direction les Etats-Unis et le Brésil qui subissent les conséquences massives de la désinformation et du mensonge au plus haut sommet de l’Etat. Car les fake news sont devenues de nouvelles armes utilisées en politique lors des campagnes électorales. Dans les Etats-Unis de Donald Trump, des millions de citoyens et d’élus épousent les croyances d’un mouvement complotiste et anti-démocratique baptisé QAnon. Son but ultime : prouver que Hillary Clinton est à la tête d’un « Deep State », un état profond aux rituels pédophiles et sataniques. En moins de deux ans, QAnon est devenu un acteur incontournable de la scène politique américaine et est une arme politique pour Donald Trump. Au Brésil, Jair Bolsonaro gouverne désormais son pays grâce à des fake news. Pour accéder au pouvoir, avec ses trois fils, il a durant des mois et dans le plus grand secret, inondé le pays de fausses informations. A voir sur : www,france.tv