Jardins du cœur
Nous avons parlé, la semaine dernière, du bilan de la saison Restau du cœur à Châteaubriant. Mais voilà du nouveau : les jardins du cœur .
« Tu perds ton temps, tu n’arriveras à rien avec ces gens-là . Ils sont irrécupérables » s’entendait dire Daniel Martin. Il y a comme ça une sorte de « racisme », une démarche d’exclusion vers ceux qui sont déjà exclus, et en particulier vers les « bénéficiaires » du Restau du cœur.
« bénéficiaire », le mot a en soi quelque chose d’ironique quand il s’agit de personnes qui mangent souvent ce que les autres ne veulent plus : les salades où trop de feuilles sont défraîchies, les bananes qui sont un peu trop mûres pour être vendues, les yaourts qui arrivent à la date limite de vente, le pain de la veille... Heureusement toutes ces denrées sont apprêtées par les bénévoles, pour qu’elles soient présentables et appétissantes et aucune denrée périmée n’est distribuée. Par ailleurs la centrale « Restau du cœur » de Nantes et les collectes effectuées régulièrement, apportent d’autres produits.
Tout cela se passe l’hiver, souvenir inconscient du temps, pas si lointain, où cette saison était difficile par manque de travail dans les champs, alors que la belle saison ramenait la possibilité de s’employer à la journée dans l’agriculture. Les temps ont beaucoup changé, le printemps et l’été ne donnent pas plus de possibilité de ressources aux personnes en difficulté, mais la « saison » des restau du cœur s’arrête à la fin mars.
Cependant, dans des centres importants, comme Châteaubriant, il existe une « intersaison » pour des cas très difficiles, pour les personnes qui ont moins d’un SMIC pour vivre, homme, femme et enfants. Vingt et une personnes sont dans ce cas à Châteaubriant et sur 17 autres communes. Pour elles, la centrale « Restau du cœur » de Nantes fournit des produits alimentaires qui sont distribués le vendredi de 16 h à 17h30.
Mais qu’advient-il des produits qui, l’hiver, sont fournis par les boulangers, les grandes surfaces et Noz ? « Nous les jetons lorsqu’ils ne sont plus assez présentables pour être mis en rayon » disent les gérants, manifestation tangible de ce défaut de nos sociétés modernes : tout pour l’apparence !
Jardins du cœur
Daniel MARTIN, responsable du Restau du cœur de Châteaubriant a eu alors l’idée de poursuivre la collecte des mardis matin et vendredis matin. « Je le fais avec des bénéficiaires, par roulement, 3 ou 4 personnes à chaque fois et ce que nous collectons leur est donné en priorité, le vendredi soir à 17h30, après la distribution normale, lorsqu’ils ont, de plus, participé aux Jardins du cœur. C’est une prime au travail » dit-il.
Daniel Martin a pu en effet trouver 3 terrains pour en faire des « jardins du cœur ». Malheureusement le terrain de Chécheux est très mauvais, c’est quasiment du remblai, beaucoup de pierres, quasiment pas de terre végétale. Dans ce terrain, seuls quelques rangs d’échalottes ont été plantés, à partir de semences données à Nantes « je me suis rendu compte à cette occasion, que certains de nos gars n’avaient jamais eu l’occasion d’en planter : ils croyaient même qu’il fallait couper ... le germe ! ». Les terrains de Rougé et de Soudan ont l’inconvénient d’être loin, ce qui empêche les femmes et les enfants d’y travailler. « Mais il y a une petite équipe de bénéficiaires qui se relaient. Nous cultivons pommes de terre, carottes, poireaux, choux pommés, betteraves rouges qui seront donnés aux bénéficiaires du restau du cœur, à l’hiver prochain ».
Le matériel ordinaire, bêches, pelles, rateaux, etc, a été fourni par des particuliers. « Ce travail aux jardins du cœur est un début de réinsertion pour ceux qui y participent. Ceux qui n’y connaissent rien apprennent à cultiver. Ils en sont tout fiers. Et les bénévoles qui les servent le vendredi remarquent ce changement positif qui s’est fait en eux » se réjouit Daniel Martin . « Ils sont contents de prouver qu’ils sont capables de faire quelque chose ».
Ce travail va se poursuivre tout l’été. « Mais pour continuer, il faut que nous ayons notre autonomie. Il nous faut en particulier un motoculteur et quelques autres outils. Le coût est évalué à 34 000 F. Nous allons demander une subvention au Conseil Général et à la Communauté de Communes du Castelbriantais : si les 19 communes s’y mettent, cela ne fera pas grand chose pour chacune et je rappelle que, tous les hivers, nous nourrissons des gens de 18 communes ». Il sera aussi demandé à la ville de Châteaubriant de fournir du fumier en provenance du foirail.
Voilà donc cette action qui s’engage pour que les « exclus » ne soient pas réduits à l’assistanat. Et si vous avez des idées ou un coup de main à donner, vous serez les bienvenus. Contact : 02 40 28 61 11