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Et si les Fonds de pension
avaient existé ?
Nous avons actuellement un système de retraite « par répartition » : je verse chaque mois des cotisations-retraite qui servent à verser une pension à ceux qui sont déjà en retraite. Je cotise donc pour la retraite des autres et, plus tard, les autres cotiseront pour ma retraite.
Le patronat pousse vers la « retraite par capitalisation » : je verse des cotisations-retraite, que je place sur un fonds de pension et qui serviront à payer MA retraite. Je cotise donc pour moi.
Vaut-il mieux cotiser aux marchés, plutôt qu’Ã la sécu, pour préparer sa retraite ? Une étude parue dans le journal « L’Expansion » du 26 octobre 2000 donne des résultats contrastés :
Un employé qui aurait investi ses cotisations retraites en obligations depuis 1950, bénéficierait d’une rente de 72 027 F par an (contre 73 535 F par le système de répartition). Il serait donc perdant.
Mais un « cadre sup’ », dans le même cas, bénéficierait de 335 398 F par an (contre 234 394 F par le système de répartition).
« Arrêter de travailler en pleine euphorie boursière ou au lendemain d’un krach change considérablement la donne ! » dit le journal l’Expansion.
Voilà pour le passé. Et pour l’avenir ?
« Grande leçon : la capitalisation présente des risques par rapport au système de répartition. Et ce, quelle que soit la formule choisie par les partenaires sociaux, les assureurs, le législateur ou le salarié » Sans compter que l’inflation peut réapparaître et laminer le capital patiemment constitué par le futur rentier.
Si le salarié a choisi d’investir en obligations : « dans deux cas sur trois, les employés se retrouveraient même, en guise de pension, avec une rente inférieure à la sécu »
Si le salarié a choisi d’investir en actions : « il existe 4 chances sur 10 de percevoir moins que le régime général » .
« Entre la soupe populaire et le caviar à la louche, la différence tient à un cours de Bourse » dit encore l’article de l’Expansion qui poursuit : « Les fonds de pension ne constituent en rien la formule magique pour transformer les salariés d’aujourd’hui en riches retraités de demain ».
On nous dit que le vieillissement de la population amènera fatalement à réduire, d’ici 30 ans, les retraites versées par le régime général et que nous allons être bien obligés de passer par un système de capitalisation. L’article de l’Expansion estime, lui, que « Placer en actions l’épargne des futurs retraités est dangereux ».
Nous voilà prévenus ! Cela n’empêche pas Denis Kessler, vive-président du patronat français, et président du syndicat des compagnies d’assurance, de continuer à répéter le même refrain « vive la capitalisation » en espérant qu’à la fin les salariés se laisseront prendre au chant de ses sirènes.
(écrit le 7 février 2002)
Les Américains prennent peur pour
leurs retraites et leurs économies
L’affaire Enron, ce courtier en énergie dont la faillite, en décembre 2001, est la plus importante de l’histoire américaine, est devenue jour après jour le principal sujet de préoccupation des médias et des Américains, au point d’éclipser la guerre contre le terrorisme. Les Américains se sentent directement concernés et y voient une menace pour leur retraite et leurs économies.
Les salariés d’Enron ont en effet tout perdu : leur emploi actuel et leur retraite future, investie via le fonds de pension de l’entreprise en actions Enron - dont la valeur s’est effondrée, en deux mois, de 45 dollars à moins d’un dollar.
Le magazine Time tire la sonnette d’alarme : « Le plus effrayant dans cette affaire, c’est que le mensonge et l’éthique douteuse qui ont mené une des sociétés les plus innovantes à la faillite sont devenus courants et parfois même légaux. Il n’est pas absurde de craindre que le prochain Enron puisse se cacher dans votre fonds de pension ou derrière celui qui paie votre salaire »
Les 70 millions d’Américains qui détiennent directement, ou via des fonds d’investissement, des actions peuvent se poser des questions. Ils ont tous les jours sous les yeux le témoignage d’employés d’Enron ruinés pour avoir trop cru au succès d’une société qui était la septième entreprise américaine. « J’avais un tel sentiment de sécurité quand je suis arrivé il y a huit ans dans une entreprise aussi grande, aussi forte, qui avait une telle réussite », dit un salarié, Mark Lindquist, 39 ans qui a appris son licenciement par un message sur son répondeur téléphonique. « Je ne pense pas que je puisse un jour à nouveau faire confiance à une entreprise », ajoute-t-il.
Les histoires de salariés qui, par fidélité et naïveté, ont conservé leurs titres jusqu’au bout, tandis que les dirigeants et administrateurs s’en débarrassaient, ne manquent pas. Un salarié qui avait un plan d’épargne-retraite de 750 000 dollars, s’aperçoit qu’il en vaut aujourd’hui à peine 10 000 .
D’autres Enron
L’affaire Enron est un cas extrême mais pas isolé. Depuis 1997, plus de 730 sociétés cotées aux Etats-Unis ont dû réviser en baisse des résultats financiers publiés. Certaines d’entre elles, comme Sunbeam et Cendant, ont payé des dizaines de millions de dollars de dommages et intérêts à leurs actionnaires pour les avoir trompés sciemment. Les salariés de groupes comme Lucent, Waste Management ou Xerox ont vu la valeur de leurs fonds de pension divisée par trois après la dégringolade des actions de leurs sociétés. Les employés de groupes aussi prestigieux que Coca-Cola, McDonald’s, Procter & Gamble ou Texas Instruments peuvent s’inquiéter. Plus de 70 % de leurs retraites sont investis dans les titres de leurs entreprises respectives.
Dans ce climat, la faillite, la semaine dernière, de Kmart, le troisième groupe de distribution du pays avec 275 000 employés, n’a pas vraiment apaisé les craintes. La direction a annoncé l’ouverture d’une enquête après avoir reçu une lettre l’informant d’irrégularités comptables.
« Peut-on encore faire confiance à quelqu’un ? », s’interroge le journal Business Week.
Gauche ???
Et c’est le moment où la « gauche moderne » en France défend l’introduction des fonds de pension. Des socialistes sont de plus en plus nombreux à appeler à une réforme du système de retraite par répartition, suivant en cela la campagne menée avec insistance par l’opposition et le patronat (le vice-président du Medef, Denis Kessler, est comme par hasard, PDG d’une société d’assurance donc très intéressé par les fonds de pension !).
Les socialistes font remarquer que les salariés du secteur privé sont les seuls à ne pas avoir droit à un système d’épargne-retraite géré en capitalisation, quand les fonctionnaires, les agriculteurs, les commerçants, les artisans et les professions libérales disposent de plans facultatifs bénéficiant d’importantes déductions fiscales et sociales. Ils oublient que ce système d’épargne-retraite a déjà connu des déboires. Un fonctionnaire castelbriantais en a fait la douloureuse expérience (relire La Mée du 29 novembre 2000) : il a reçu une lettre de la Mutuelle-Retraite de la Fonction Publique, à laquelle il cotise depuis 16 ans, lui disant que son complément de retraite annuel pour 2001, estimé initialement à 17 660 F, ne valait plus que ... 14720 F soit une perte de 17 % !
A droite, le débat est clos depuis longtemps. Du RPr à l’UDF en passant par démocratie Libérale, tous les responsables sont favorables à des fonds de pension qui seraient gérés par le patronat et les syndicats et ne se substitueraient pas aux régimes de retraite par répartition créés depuis 1945.
Les socialistes sont divisés sur la question. Au-delà du problème du financement des retraites lié à l’allongement de l’espérance de vie, certains s’inquiètent de voir que 40 % de la capitalisation boursière de la place de Paris est détenue par de grands fonds d’épargne étrangers, notamment anglo-saxons ; et que des décisions aussi stratégiques que la localisation des usines, et donc le maintien des emplois en France, commencent à échapper à des entreprises qui n’ont plus de « français » que le nom. Ils imaginent (ils rêvent !) que la gestion de fonds de pension par le patronat et les syndicats permettrait de revivifier la démocratie sociale au sein des entreprises.
déminer le terrain
Laurent Fabius s’est montré plus direct. Depuis sa nomination à Bercy, le ministre des finances a multiplié les interventions en faveur d’une épargne-retraite. Un des moyens, selon lui, de drainer des capitaux vers les entreprises françaises et de ne pas laisser les plus importantes d’entre elles à la merci des fonds de pension étrangers.
Une épargne salariale, oui, mais ...
Dans un entretien avec William D. Crist, patron de CalPERS, principal fonds de pension américain, avec 150 milliards d’euros, le secrétaire national de la CGT chargé des questions économiques réaffirme l’opposition de sa centrale à l’épargne-retraite. Jean-Christophe Le Duigou se dit, en revanche, ouvert au développement d’une épargne salariale rémunérée, qui pourrait alimenter des « fonds de prévoyance et de développement » soutenant des activités que la Bourse ne finance pas, et donc de nouveaux emplois. Cette « nouvelle manière collective de préparer l’avenir » serait, selon lui, une façon de soutenir les retraites par répartition. (Les Fonds de pension, Grasset, 162 pages).