Ecrit le 5 août 2001 :
A propos de Gênes
Relevé sur le Canard Enchaîné du 25 juillet 2001 cette déclaration du Ministre de l’intérieur italien Claudio SCAJOLA à propos de la répression au sommet de Gênes (un mort, 600 blessés ) : « Les forces de l’Ordre ont démontré un admirable professionnalisme. Leur dignité et leur efficacité ont été reconnues par tous ». Surtout avec la matraque et aux cris de « Viva el Duce » . Ce n’est pas sans rappeler un certain PAPON au temps où il dirigeait la police parisienne
***
A la suite du sommet européen de Göteborg, où la police suédoise avait tiré « à balles réelles » sur les manifestants, le quotidien finnois Kainuun Sanonat avait écrit : « les sommets de Nice et de Gôteborg ont été bien peu fructueux ( ) Ces rencontres coûtent beaucoup d’argent, et ont plus à voir avec le théâtre qu’avec autre chose ». Ce journal aurait également pu parler de Seattle, et de Davos (énorme machin privé dont l’impresario est Helmut MAUCHER, Directeur général de Nestlé et président de la table ronde européenne des industriels, club des élites appartenant à 47 firmes parmi les deux cents premières mondiales) ; mais il ne pouvait pas encore parler de Gênes !
***
Du Courrier International et de l’Unita de Rome : « Dans un pays civilisé, la police ne fait pas irruption, en pleine nuit, dans une école prêtée par la Ville de Gênes et transformée en centre d’accueil du Genoa social forum, sans un mandat délivré par le Procureur de la République. Elle ne frappe jusqu’au sang des jeunes qui dorment. Elle n’en envoie pas 61 à l’hôpital dont 12 grièvement blessés. Elle ne force pas les autres à rester à genoux, les mains derrière la nuque comme dans le Chili de PINOCHET ou l’Argentine de VIDELA. Elle ne détruit pas sans raison tout ce qui tombe sous ses mains dans les salles de l’école. Elle ne laisse pas des flaques de sang et des poignées de cheveux comme trace de son passage. Et à la fin de l’opération, pour justifier ses actes elle n’exhibe pas avec outrecuidance des couteaux, une matraque et des cagoules comme si elle avait sauvé la nation de quelque grave danger » . Ceci prouve que dans l’Italie de BERLUSCONI, la presse est encore libre, pour l’instant
***
Relevé à la une du Monde Diplomatique d’août 2001 ce chapeau de l’article de Susan GEORGE, Vice-présidente d’Attac France, sous le titre « L’ordre libéral et ses basses œuvres » : « Gênes ou l’escalade dans la tentative de criminalisation de l’opposition à la mondialisation libérale. La machination montée par le gouvernement de M. Silvio BERLUSCONI, qui a sciemment laissé dévaster des quartiers entiers de la capitale ligure, visait à faire porter la responsabilité de la violence aux centaines d’organisations non violentes rassemblées dans le Genoa Social Forum. Cette tentative a échoué, grâce aux multiples témoignages de la complicité entre carabiniers et éléments du < Black-Block >, mais à quel prix : un mort, 600 blessés ... M. BERLUSCONI a bien mérité de ses pairs du G 8 qui ne l’ont pas désavoué . Et les décisions qu’ils ont prises, notamment la volonté de relancer à Qatar, en novembre prochain, la »libéralisation« du commerce international interrompue à Seattle, montrent que les aspirations exprimées par les quelque deux cent mille manifestants n’ont pas été entendues ». Avec BUSH et BERLUSCONI, que pouvait-on attendre d’autre ? L’Histoire ne se répète pas dit-on, mais elle bégaie parfois
(écrit le 29 janvier 2003)
Le WEF à Davos
Le FSm à Porto Alegre
Jeudi 23 janvier 2003 ont démarré deux forums mondiaux, l’un est celui de la peur, l’autre est celui de l’enthousiasme. Reste à savoir qui gagnera la bataille.
A Davos (Suisse), pour le WEF (World Economic Forum) (forum économique mondial) : 2150 personnes ont été invitées sur le thème « Construire la confiance » : en fait l’heure est à l’incertitude et aux remises en question : les marchés financiers s’effondrent, des scandales comptables secouent de grandes entreprises américaines comme Enron ou WorldCom et la guerre annoncée avec l’Irak pourrait ralentir encore une économie mondiale chancelante.
L’inquiétude se marque également par des mesures de sécurité exceptionnelles. La presse helvétique a évoqué « le plus grand système de sécurité jamais mis en place en temps de paix en Suisse ». Pour la première fois, il était prévu que tout appareil entrant dans l’espace aérien au-dessus de Davos sans autorisation pouvait être abattu. Rien que cela ! C’est dire à quel point le WEF de Davos s’est tenu dans un « camp retranché ». La peur a changé de camp. Et ce n’est pas simplement sensible à Davos : si le gouvernement de Bush, si le gouvernement de Raffarin, multiplient les menaces sur les libertés c’est qu’ils se sentent eux-mêmes menacés.
A Porto Alegre (Brésil) s’est tenu le Forum social Mondial (FSM) : 100 000 personnes pour discuter sur le thème « Un autre monde est possible ». Conçu à l’origine comme un « anti-Davos » le Forum social paraît plus dynamique que jamais : ses promoteurs le voient se muer en force d’initiative . « il a aujourd’hui acquis une dynamique propre et le FSM continuera d’exister même si Davos venait à s’arrêter », affirme Benoît Berger, du conseil international du FSM. Ses responsables le conçoivent comme un laboratoire d’idées pour une civilisation solidaire, tolérante et pacifique. Le nouveau président brésilien, « Lula », en a été une des vedettes, seule personnalité à participer à la fois au Forum de Davos et à celui de Porto Alegre.
A Davos : la peur
Selon le journal « 24 heures » de Lausanne, Davos s’est tenu sur fond de tensions internationales. Chefs d’Etats et auto-proclamées « élites » de l’économie, se sont interrogés sur les moyens de « construire la confiance. »
« Confiance », le Forum aurait tant voulu redonner courage à des responsables politiques et économiques inquiets. L’énoncé des conférences donne la mesure du taux d’angoisse perceptible à Davos :
L’ombre d’Al-Qaïda
D’abord, des experts en renseignements ont tenté de recomposer les pièces manquantes du puzzle d’Al-Qaïda. Un petit jeu à se faire peur. Les informations sur cette nébuleuse islamiste sont aussi opaques qu’un jour blanc sur les pistes de Davos. Le terrorisme fut à l’ordre du jour avec « les conséquences sur l’économie de la guerre contre la terreur. »
Non sans innocence ( ?) ou ironie (?) John Ashcroft, le ministre américain de la Justice, invité de marque au Forum (et farouche partisan de la peine de mort) a déclaré : « La plupart des nations visées par le terrorisme partagent des valeurs semblables, comme la liberté... » Mais de quelle liberté s’agit-il ? pour ce chrétien fondamentaliste (= extrémiste), il n’y a d’autre justice que celle de Dieu. Et pour lui, il ne s’en est jamais caché, Dieu, c’est aussi un peu l’Amérique. Et on sait les pratiques de l’Amérique vis-Ã -vis des prisonniers d’opinion (relire la Mée du 8 janvier 2003).
Le conseiller socialiste vaudois Pierre Tillmanns commente : « A Davos, les riches se préoccupent avant tout d’enrichir les riches. On fait semblant d’aider les pauvres tout en les étranglant financièrement. résultat : la montée de la haine. Il ne suffit pas de bombarder l’Afghanistan ou l’Irak pour la faire taire ! »
L’Irak en premier plan
Pas inscrite au programme, l’éventuelle guerre en Irak n’a pas été absente des esprits car à la veille de la clôture de Davos et de Porto Alegre, le chef des inspecteurs de l’ONU, Hans Blix, doit remettre au Conseil de sécurité son premier rapport sur le désarmement de Bagdad.
Mais le terrorisme et la guerre n’ont pas été seuls au cœur des débats : la progression du sida, l’effondrement de l’économie argentine, le nucléaire, l’environnement, les scandales comptables, tout ce qui inquiète nos sociétés industrialisées a été présent dans les têtes. Juste deux phrases prononcées à Davos :
MAHATHIR Mohamad (Premier ministre de Malaisie) : « Nous avons fait du monde un beau gâchis (...) aujourd’hui, nous avons peur des lettres, des colis, des couverts en métal (...) nous sommes en pleine Troisième Guerre mondiale (...) »Terrori-ser les terroristes ? ça ne marchera pas".
Klaus SCHWAB, fondateur du Forum : « Nous avons été victimes d’une euphorie coupable (...) nous entrons dans une période de modestie et l’humilité devient une valeur en hausse ».
Etat-voyou
A Porto Alegre, au lendemain d’une « marche pour la paix » qui a réuni plus de 70.000 personnes alors que plane la menace d’une guerre en Irak, l’intellectuel égyptien Samir Amin a qualifié les Etats-Unis « d’Etat-voyou numéro un du monde ».
« Le plan stratégique des Américains vise à établir le contrôle militaire sur la planète, à soumettre tous les peuples du monde au chantage permanent qui vise à détruire par les bombes tout ce qui résiste au pillage américain », a-t-il dit.
Lula da Silva
Du journal O estado de Sao Paulo, 23 janvier 2003
Lula da Silva, un des critiques les plus virulents, dans le passé, du Forum de Davos, s’y rendra cette année comme chef d’Etat de la République Brésilienne. « Il y exprimera sans doute son hostilité de principe à l’économie de marché. Sa présence à Davos sera le symbole d’un refus du système économique mondial : contre le déséquilibre qui existe entre les nations prospères et les autres, contre la » liberté du commerce « qui n’est en fait que le protectionnisme des sociétés puissantes contre les pays pauvres, contre la politique des subventions agricoles qui favorisent les pays riches et détruisent les productions de pays pauvres, contre l’arrogante hyper puissance américaine qui envisage sereinement une guerre mondiale favorable à ses propres intérêts »
Au moment de « boucler » ce numéro de La Mée nous ne savons pas encore ce qu’a dit Lula da Silva, au forum de Davos. A Porto Alegre il a promis de dire qu’il est inconcevable de « perpétuer un système qui fait que certains mangent cinq fois par jour et que d’autres passent cinq jours sans manger » ; que « les enfants noirs ont autant le droit de se nourrir que ceux aux yeux bleus des pays nordiques » ; que « le monde n’a pas besoin de guerre mais de paix » et qu’il « serait plus heureux si les dépenses d’armements servaient à »tuer« la faim ».
Lula da Silva représente un espoir pour les peuples latino-américains. Aura-t-il la possibilité d’aller au delà des grands principes ? Aura-t-il les moyens de sa politique ou sera-t-il affronté aux puissances économiques et financières ? déjà le real, monnaie brésilienne, est au plus bas face au dollar. Le passé a montré que les puissances ne reculent devant rien, même pas le crime, pour se débarrasser de ceux qui se dressent sur leur route.
Les années à venir, dans le monde, sont des années de grave incertitude.
Un bréviaire contre la « mondialisation libérale »
« Le Monde diplomatique » publie un Atlas d’un nouveau type. Dense et richement illustré par des cartes et des infographies très originales, ses textes prêtent aussi à discussion.
Le lecteur que hérisse la dimension ultralibérale quasi-systématique des analyses de nombreux hebdomadaires dispose désormais d’un contre-feu d’excellente facture : l’Atlas du Monde diplomatique, sorte de bréviaire de l’antimondialisation libérale.
L’appareil cartographique, statistique et infographique y est remarquable conférant à cet Atlas une incontournable utilité.
Ignacio Ramonet, directeur de la rédaction, évoque le « rouleau compresseur de la mondialisation libérale », caractéristique principale d’une ère historique nouvelle, consécutive à la chute du mur de Berlin et la disparition de l’Union soviétique, qui ont « rendu obsolètes beaucoup de nos références antérieures ».
Il détaille les funestes conséquences de la mondialisation : « perte d’autonomie des gouvernements, dégradation du rôle des partis, puissance des marchés financiers, activisme des entreprises géantes, essor des réseaux mafieux, prolifération des paradis fiscaux, endettement des pays du Sud, saccage de l’environnement », et surtout l’émergence d’une hyper-puissance
unique, les Etats-Unis, « qui domine (...) un monde entré dans une nouvelle ère impériale, pleine d’incertitudes et de menaces »
Hors série de « Manière de voir » janvier 2003, 194 pages, 10 euros
Ecrit le 1er octobre 2003 :
La Banque Mondiale « pointe du doigt »
Les services essentiels,
comme l’eau, l’électricité ou l’éducation,
ne profitent pas assez aux pauvres,
dénonce la Banque mondiale
qui appelle les gouvernements
à ouvrir ces prestations aux démunis,
dans son rapport annuel sur le développement dans le monde
« Souvent, les services ne profitent pas aux pauvres. Même si ces échecs semblent moins catastrophiques que les crises financières, il n’en demeure pas moins que leurs effets sont profonds et durables », a déclaré le président de la Banque mondiale, James Wolfensohn,
Pour lui, « on ne peut escompter de grandes améliorations dans les conditions de vie des pauvres tant qu’ils ne bénéficient pas d’un plus grand accès, à des prix abordables, à de meilleurs services de santé, d’éducation, d’eau potable, d’hygiène et d’électricité ». Exemple au Mali où les enfants doivent marcher huit kilomètres en moyenne pour se rendre à l’école, ou encore au Bangladesh où l’absence des médecins dans les centres de premiers soins s’établit à 74%.
Pour Shanta Devarajan, qui a dirigé le rapport de la Banque Mondiale, il faut encourager les prestataires à fournir leurs services aux démunis.
Il faut ainsi « accorder aux clients pauvres une plus grande participation et un plus grand choix dans la fourniture des services, afin de leur permettre de contrôler et sanctionner les prestataires », propose le rapport. Voeu pieux quand on sait que, partout, y compris dans les pays riches, les « gens d’en bas » n’ont aucun moyen de contrôle et que des négociations mondiales comme celles de l’AGCS visent, précisément, à privatiser les services essentiels.
Scepticisme
Le rapport de la Banque mondiale a donc été accueilli avec scepticisme par les organisation non gouvernementales (ONG) « Ce rapport ne décrit pas le rôle historique de la Banque mondiale dans les réformes et la privatisation de ces services, et l’impact de ces politiques sur les pauvres », a estimé Oliver Buston, représentant de l’organisation britannique Oxfam.
La Banque Mondiale « se rend compte d’évidences, c’est ce que nous disons depuis 40 ans », a critiqué Laila Iskandar, représentante d’une ONG égyptienne, l’Association de développement social, active dans les quartiers défavorisés du Caire.
Il y a au moins un progrès : la Banque Mondiale pointe du doigt les défaillances des Etats. Quand passe-t-elle à l’action ?
Un bréviaire contre la « mondialisation libérale »
« Le Monde diplomatique » publie un Atlas d’un nouveau type. Dense et richement illustré par des cartes et des infographies très originales, ses textes prêtent aussi à discussion.
Le lecteur que hérisse la dimension ultralibérale quasi-systématique des analyses de nombreux hebdomadaires dispose désormais d’un contre-feu d’excellente facture : l’Atlas du Monde diplomatique, sorte de bréviaire de l’antimondialisation libérale.
L’appareil cartographique, statistique et infographique y est remarquable conférant à cet Atlas une incontournable utilité.
Ignacio Ramonet, directeur de la rédaction, évoque le « rouleau compresseur de la mondialisation libérale », caractéristique principale d’une ère historique nouvelle, consécutive à la chute du mur de Berlin et la disparition de l’Union soviétique, qui ont « rendu obsolètes beaucoup de nos références antérieures ».
Il détaille les funestes conséquences de la mondialisation : « perte d’autonomie des gouvernements, dégradation du rôle des partis, puissance des marchés financiers, activisme des entreprises géantes, essor des réseaux mafieux, prolifération des paradis fiscaux, endettement des pays du Sud, saccage de l’environnement », et surtout l’émergence d’une hyper-puissance unique, les Etats-Unis, « qui domine (...) un monde entré dans une nouvelle ère impériale, pleine d’incertitudes et de menaces »
Hors série de « Manière de voir » janvier 2003, 194 pages, 10 euros