Ecrit le 11 mai 2016
TTIP, TAFTA et Lobbys
Le journal espagnol EL PAàS, publie des fuites intéressantes concernant le projet d’accord entre USA et Union Européenne, appelé TTIP ou TAFTA (il a deux noms !)
TTIP : Transatlantic Trade and Investment Partnership : Partenariat atlantique de commerce et d’investissement.
TAFTA : Transatlantic Free Trade Area - Le grand marché transatlantique.
La Mée vous en a parlé depuis octobre 2014 mais, bon, ça n’intéressait pas grand monde. Et voilà que ça bouge, ouf !
En gros, voici ce que révèle le journal El Pais :
- 1. Le poids des lobbies est tel que les négociateurs ne peuvent travailler sans systématiquement consulter les représentants de certains secteurs (agro-business, etc.)
- 2. Les USA font pression pour pouvoir influencer les prises de décision de l’Union Européenne et notamment déterminer quels standards et règlements seront appliqués en Europe.
- 3. Le traité devrait aboutir à une baisse significative en matière de protection de l’environnement et de protection du consommateur
- 4. Face au tollé soulevé par les premières informations, l’Union Européenne parlait d’instaurer un arbitrage par des juges. Les USA n’envisagent même pas cette possibilité. Donc, si on continue sur cette voie, une simple commission d’arbitrage technique décidera de l’application ou non des lois et règles de l’Union Européenne, lorsque les intérêts de telle ou telle entreprise seront en jeu.
Les lobbys
Le lobbying (c’est-Ã -dire l’activité d’un groupe de pression) est une activité consistant à faire valoir au législateur un point de vue (technique ou idéologique) sur une question à l’étude.
Dans une société libérale, il est normal que les lobbys (groupes de pression) existent. En effet, selon cette philosophie, l’État ne peut être le seul garant du bien commun. Une bonne relation avec la société civile est donc indispensable et les lobbys se chargent de faire la relation avec l’État.
Dans la réalité, les lobbys sont majoritairement industriels et financiers (seulement 10% des lobbys représentent des ONG à Bruxelles), confortant la position dominante d’intérêts privés sans lien avec le bien commun de la société civile.
Les lobbys sont donc multiples et variés : lobby du tabac, du patronat, lobby financier, lobby des notaires, lobby des industriels de l’agriculture, et bien sûrles ONG, (Organisation Non Gouvernementale) etc.
Dernièrement, certains lobbys ont été impliqués dans des actes qui, d’un point de vue éthique, sont plus que répréhensibles. Ici, le lobbying ne vise clairement pas le bien commun de la société civile mais la sauvegarde des intérêts des industriels et financiers. Malheureusement, les exem-ples sont nombreux et ne pourraient tous être listés... En voici tout de même quelques uns.
Pressions
Fin 2015, M. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’assemblée Nationale, a rapporté avoir subi de nombreuses pressions de la part du lobby du tabac en vue de contrecarrer le projet de loi sur le paquet neutre.
début 2015, ce sont 3 194 amendements qui ont été déposés par 174 députés, pour la plupart copiés-collés sur les propositions du Conseil Supérieur du Notariat, qui ont fait capoter le projet de loi concernant la réforme de la profession notariale.
Enfin, avec la diffusion sur France 2 du magazine Cash Investigation le 2 février 2016, nous avons pu observer que le lobbying peut interférer avec le processus démocratique (sur des îles de l’archipel d’Hawaï) lorsqu’un consortium d’industriels de l’agriculture a fait annuler la décision prise par un comité d’obliger à la transparence sur l’utilisation des pesticides par ces mêmes industriels. Concrètement, ils ont ainsi fait annuler un texte de loi leur imposant de lister les pesticides qu’ils utilisent et en quelles quantités.
Parce que nous ne voulons pas que la même chose se passe en France, il est urgent de légiférer pour l’encadrement strict et la transparence totale de l’activité des lobbys dans notre pays.
Encadrer le lobbying
Pendant la dernière campagne présidentielle, M. Hollande avait promis d’encadrer le lobbying à tous les niveaux de la décision publique et de faciliter la participation des citoyens de la société civile.
Nous sommes à un an de la fin du mandat du président François Hollande, et si quelques avancées ont été faites (notamment avec la signature de la charte de déontologie), nous sommes bien loin d’une législation stricte réglementant les lobbys et imposant la transparence de leurs activités. En effet, la charte de déontologie n’a pas de valeur juridique, n’apporte pas de modalité de contrôle et ne s’applique pas aux collaborateurs des ministres.
Si les activités d’un lobby sont le bien commun de la société civile, il n’y a aucun problème à les divulguer et les encadrer. Dans le cas contraire, il faut se donner les moyens de se protéger.
Le but à atteindre est que notre pays se dote d’un arsenal au moins aussi important que le Québec en matière de transparence.
Dans la province canadienne, la loi oblige les lobbys à inscrire sur un registre leur nom, leur organisation, les personnes visées par le lobbying et la position qui sera défendue. De plus, il est interdit à un fonctionnaire de faire lobbying auprès des institutions auxquelles il était lié pendant les deux années qui suivent sa sortie de fonction. Un commissaire au lobbying peut enquêter et prononcer des sanctions pénales en cas de manquement. (dit Mathilde Damgé, Le Monde, 13/03/2015)
Si vous souhaitez en savoir plus, il existe des sites internet très bien réalisés : Regards Citoyens.org, ou Transparency International : France
Projet de loi
En juin prochain, sera étudié au Parlement le projet de loi sur la « transparence et la modernisation de la vie économique », Le ministre des Finances, Michel Sapin, précise les raisons qui poussent le gouvernement à encadrer les lobbys. « L’expression des lobbys est légitime, dit-il. Ce qui ne l’est pas c’est leur opacité. Le premier principe qui inspire notre projet de loi est donc celui de la transparence. Le second principe est celui de l’éthique. Il faut prévenir tout trafic d’influence en limitant la valeur des cadeaux et des avantages qui pourraient être proposés à des décideurs publics, qu’il s’agisse de repas, d’invitations ou de voyages Mais notre texte vise aussi l’honnêteté des arguments utilisés par les lobbyistes. Ceux-ci devront veiller à ne pas diffuser d’information trompeuse pour faire avancer leur cause »
TAFTA
La négociation s’est engagée en 2013 sur le TTIP, également appelé Tafta, suscitant une levée de boucliers en Allemagne et plus récemment en France, [où les socialistes au pouvoir durcissent enfin le ton à un an des élections].
Greenpeace a publié 248 pages de documents confidentiels qu’elle a pu se procurer. Si confidentiels que les députés des pays européens ne peuvent consulter les documents afférents aux négociations que dans une « salle de lecture » hautement surveillée. Ici, les originaux ont été recopiés puis détruits afin de protéger la source de la fuite.
Cette fuite confirme, selon Greenpeace, « les menaces sur la santé, l’environnement et le climat » du futur TTIP. La diffusion arrive à un moment où les perspectives pour l’accord semblent de toute façon sombres. A Paris, le président François Hollande a assuré que la France dirait « non à toute conclusion qui mettrait notre agriculture en difficulté ». La semaine dernière le secrétaire d’Etat au Commerce Matthias Fekl avait estimé qu’on « s’éloignait » d’un accord.
En Allemagne, où l’opposition au TTIP dans la société civile est très nourrie, le Süddeutsche Zeitung, qui a obtenu les documents à l’avance, juge aussi que « la réalité des négociations surpasse les pires pressentiments ». Les craintes des Allemands se focalisent sur l’agriculture et l’environnement, et sur l’épineuse question de la protection des investissements.