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(écrit le 12 février 2003) page suivante
AGCS = accord général sur le commerce des services
L’AGCS est l’accord général sur le commerce des services, signé à Marrakech, le 15 avril 1994. Il est administré par le Conseil des services de l’OMC (orga-nisation mondiale du commerce).
Avant le 30 mars 2003
L’objectif de l’AGCS est la libéralisation progressive de tous les services au cours de « négociations successives qui auront lieu périodiquement en vue d’élever progressivement le niveau de libéralisation »
L’ AGCS avait prévu que la première série de négociations commencerait cinq ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Elles ont effectivement commencé en février 2000, au siège de l’OMC à Genève. Chaque Etat membre à dû remettre, le 30 juin 2002, les demandes qu’il formule à l’égard des autres Etats en matière de libéralisation des services dans ces Etats.
Chaque Etat membre devra faire connaître, pour le 30 mars 2003, les services qu’il est disposé à Iibéraliser sur son territoire. Des négociations en vue de libéraliser les biens et les services environnementaux (eau, énergie, déchets, ... ) devront être terminées pour le 1er janvier 2005. On est donc en plein dedans.
C’est pourquoi une manifestation a eu lieu à Bruxelles, ce dimanche 9 février 2003 pour réclamer un moratoire sur l’AGCS, sur le thème « Non à la commercialisation des services publics » (notamment d’enseignement). Vous n’en avez guère entendu parler dans les journaux ? Non : la grande presse, aux mains des puissances d’argent, n’a pas intérêt à informer les citoyens ! (1)
L’AGCS s’appuie sur une doctrine : celle du libre échange absolu, éliminant toute « discrimination », c’est-Ã -dire toute prise en considération des particularités individuelles, ou collectives d’un Etat, d’une région ...
Règle de la nation la plus favorisée
Pour cela, tous les Etats doivent obéir à la règle dite de la nation la plus favorisée : chaque pays doit accorder, sans condition, aux acteurs étrangers un traitement identique à celui qu’il accorde aux acteurs nationaux. A terme, plus aucun Etat n’aura le droit de mettre en œuvre des politiques industrielles, économiques ou commerciales qui lui soient propres, qui tiennent compte de ses priorités nationales.
C’est vrai dans les pays riches, ce l’est encore plus dans les pays en développement. Tous les Etats devront renoncer à leurs législations propres et soumettre leurs ressortissants aux règles du commerce mondial.
Cette doctrine inspire tous les accords gérés par l’organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui a succédé au GATT (accord général sur les tarifs et le commerce). L’OMC a tous les pouvoirs :
– faire les règles (qui dépassent très largement les questions strictement commerciales),
– les faire appliquer,
– et sanctionner les pays qui ne les respectent pas.
Les pays qui sont membres de l’OMC sont soumis à la volonté des plus puissants, Avec l’OMC, le droit de la concurrence l’emporte sur tous les autres droits et en particulier les droits économiques et sociaux reconnus aux citoyens.
« Disciplines »
Tous les services sont concernés par l’AGCS avec en priorité ceux qui sont particulièrement lucratifs : le « marché » de la santé représente par exemple 3.500 milliards d’euros , l’éducation 2000 milliards ; l’eau 1000 milliards...
Outre la règle de « la nation la plus favorisée », des obligations spécifiques sont ajoutées dans l’AGCS. Par exemple les lois et les règlements adoptés dans un Etat (ex : les critères définissant l’eau potable ou les normes de sécurité en matière de transport) ne pourront en aucune façon être « plus rigoureux qu’il est nécessaire », l’OMC se réservant de déterminer des « disciplines » pour empêcher que ces réglementations ne constituent « des obstacles non nécessaires au commerce des services ».
Ces « disciplines » pourront par exemple interdire des dispositions réglementaires ou fiscales qu’un gouvernement prendrait afin d’obIiger un fournisseur privé à garantir l’accès de tous à ce service (distribution d’eau, ou d’électricité ... ).
Par ailleurs, lorsqu’un pays aura donné une autorisation à un type d’entreprise, il devra l’autoriser à toutes les entreprises de tous les pays membres de l’OMC. Cela obligera notamment à renoncer au monopole de service public dans les secteurs concernés ; et à abandonner toute forme de distinction entre secteur marchand et secteur non-marchand.
Ligotés
Pendant les périodes de négociation, les gouvernements peuvent déposer une liste d’engagements spécifiques précisant pour chaque secteur les modalités, limitations et conditions de libéralisation d’un service.
Ce qui revient très précisément à mettre fin au libre choix démocratique.
En effet les règles relatives à l’accès au marché et au traitement national vont enlever aux institutions démocratiques tout pouvoir d’adopter des politiques conformes aux besoins particuliers d’une localité, d’une province, d’un département, d’une région ou de l’Etat.
En outre, une fois un engagement pris, il est irréversible.
En effet l’article 21 de l’AGCS précise que tout Etat qui voudrait modifier ses engagements dans un sens qui ne va pas vers plus de libéralisation aurait à négocier avec les 143 autres Etats membres de l’OMC des compensations financières qu’ils seraient en droit d’exiger. En cas de désaccord, c’est l’organe de règlement des différends de l’OMC qui trancherait.
Ce qui signifie très clairement que les citoyens, au travers des élections, n’auraient plus la possibilité de renverser les choix d’un gouvernement dont les conséquences se seraient avérées dommageables pour la collectivité. Les gouvernements nationaux perdent progressivement tous leurs pouvoirs.
En grand secret
Lors de la conférence ministérielle de l’OMC, à Doha, en novembre 2001, un coup d’accélérateur a été donné. Des négociations sont actuellement en cours. Et déboucheront sur une confrontation à Genève avec pour objectif une forte « avancée » du processus de libéralisation.
Ces procédures se déroulent dans le plus grand secret. Secret à Genève, secret à la Commission européenne, secret au sein de chaque gouvernement. Les citoyens et leurs représentants sont totalement tenus à l’écart des décisions prises et de celles qui se préparent, comme des choix fondamentaux de société qu’impliquent ces négociations. En revanche, le secteur privé des services est étroitement associé à la préparation et au suivi des négociations.
Aucun débat démocratique préalable à ces choix fondamentaux n’est organisé. Ceux qui incarnent la souveraineté des peuples sont réduits à accepter ou refuser le résultat de négociations une fois que celles-ci sont terminées. Certains dirigeants de partis politiques ont commencé, depuis quelques mois, à parler de la nécessité de « maîtriser » ou « d’humaniser » la mondialisation néo-libérale. Mais à ce jour, aucun parti politique ayant des responsabilités gouvernementales dans un pays de l’Union européenne n’a remis en question les procédures « démocraticides » qui caractérisent la mise en œuvre de l’AGCS.
Extraits d’un article de Raoul-Marc Jennar, chercheur Bruxellois, spécialiste de l’AGCS
(paru dans le journal « Bastille République Nation »)
Pour en savoir plus sur l’AGCS :
www.urfig.org
Mondialisation ? Globalisation ?
Au nom de l’URFIG (Unité de Recherche, de Formation et d’Information sur la Globalisation) Raoul-Marc Jennar précise :
" Nous sommes des internationalistes. La mondialisation, phénomène objectif, nous réjouit dans la mesure où elle rend plus impérieuse l’exigence éthique de non-discrimination, où elle facilite le rapprochement entre les peuples et l’émergence d’une solidarité mondiale, où elle pose, dans le concret des défis qu’elle provoque, la question de la subsidiarité et de la capacité à mettre en place, au niveau mondial, des institutions transparentes et contrôlées. C’est pourquoi nous récusons l’étiquette d’anti-mondialistes qu’on veut nous mettre.
Par contre, ce que nous combattons, c’est la globalisation, une vision très partisane du monde qu’on s’efforce - milieux d’affaires, partis politiques et media - de présenter comme un phénomène inéluctable, comme l’horizon indépassable d’une humanité qui serait arrivée à la fin de son histoire.
La globalisation est le résultat d’un choix et d’une volonté. Nous récusons la pertinence de ce choix et nous opposons à cette volonté une résistance radicale.
Car la globalisation, projet total, est une entreprise d’asservissement par lequel on entend soumettre la planète et ceux qui l’habitent, à l’appétit de puissance et de profit d’un petit nombre.
Comme jamais auparavant, les humains sont confrontés à une entreprise globale de dépossession de la maîtrise de leur destin. Les formes brutales de la servitude - esclavage, servage, colonialisme, taylorisme, stakhanovisme - sont remplacées par des techniques plus insidieuses d’aliénation.
Pendant des siècles, des femmes et des hommes se sont battus pour que l’humain soit reconnu dans sa dignité et que l’homme soit un peu moins « un loup pour l’homme ». Cette quête, après des avancées parfois spectaculaires, est aujour-d’hui contrariée, freinée, combattue par ceux qui s’imposent comme les « maîtres du monde » (ainsi que se désignent ceux qui se retrouvent à Davos) et s’emploient à restaurer les pratiques du 19e siècle à une humanité qui entre dans le 21e.
Nous sommes des internationalistes. Notre mise en cause des institutions internationales et en particulier de l’Union Européenne et de l’Organisation Mondiale du Commerce, ne peut, en aucune façon, être assimilée à un repli nationaliste. C’est au nom de la démocratie et non pas de l’Etat-Nation que nous dénonçons le caractère opaque et oligarchique de ces institutions "
Il faut stopper ce processus
Une soixantaine de députés (seulement !) dont le communiste Jean-Claude Lefort, le socialiste Jack Lang, le Vert Noë l Mamère, ont signé un appel pour la suspension immédiate des négociations de l’ACGS.
Jean Claude LEFORT explique notamment (dans Politis du 6 février 2003) : « J’ai déposé un projet de résolution devant l’Assemblée Nationale, qui reprenait les arguments de mise en péril des services publics et de déficit démocratique. Cette résolution a été rejetée par la majorité de Droite le 15 janvier 2003 ». Il s’insurge contre la loi du secret « Pascal Lamy, commissaire européen, a annoncé que la Commission européenne s’opposait à la publication de la liste des offres de libéralisation » malgré leurs répercussions importantes sur la vie quotidienne des citoyens et sur le libre accès aux services publics.
Vous craignez l’AGCS :
allez donc voir la directive Bolkestein qui porte la « règle du Pays d’origine »
et le rapport Wim Kok qui demande d’imposer aux salariés les décisions difficiles