date ?
Les médicaments de demain seront-ils génétiques ?
Le corps humain est constitué de plus d’un million de milliards de cellules . Ces cellules, qui proviennent de la même cellule initiale (la cellule œuf) ont cependant une grande diversité, tout en conservant une même organisation générale. En particulier, elles possèdent toutes un noyau, et dans ce noyau, 46 chromosomes. Ces chromosomes ont un rôle très important : ils déterminent le sexe de l’individu et tous ses caractères : couleur des yeux, forme du nez, groupe sanguin, etc. Une anomalie dans le nombre des chromosomes entraîne des malformations corporelles et des troubles du développement psychique plus ou moins graves.
Sur chaque chromosome, il y a un grand nombre de « gènes ». Ce qu’on appelle « génôme » c’est l’ensemble des gènes contenus dans chacune des cellules d’un être vivant. Ce n’est pas une petite chose : on estime qu’il y a chez l’homme 30 000 à 50 000 gènes différents. Reste à savoir quel est le message héréditaire porté par ces gènes. C’est le travail qui a été entrepris en 1987 : réaliser le séquençage de tout le génôme humain .
La bataille de l’ADN
Et c’est là qu’intervient : l’ADN (acide désoxyribonucléïque), qu’on appelle encore la « molécule de la vie » . Un chromosome, en effet, est constitué d’une molécule filiforme, très longue (5 cm environ) et d’un diamètre de 2 millièmes de millièmes de millimètres. Cette molécule est formée de deux brins disposés en double hélice, et qui se pelotonne pour former un chromosome.
Depuis la découverte de l’ADN, les chercheurs rêvent d’en percer les mystères, c’est-Ã -dire de décoder les quelque 3 milliards de caractères qui composent l’ADN.
La bagarre se joue entre la recherche publique et la recherche privée, celle-ci voulant séquencer le génôme humain à grande échelle afin de breveter les gènes identifiés.
Car de ces données dépend la pharmacie de demain, un marché qui se chiffre en milliards de dollars.
Les banques de données publiques, sont libres de droit, mais comportent des erreurs (faute de crédits de recherche suffisants).
Les banques de données privées sont plus élaborées, mais le droit d’accès se négocie très cher : cela peut aller jusqu’Ã plusieurs millions de dollars.
Un exemple : l’entreprise française Genset a découvert le gène responsable du cancer de la prostate. Si une entreprise pharmaceutique met sur le marché un médicament capable de modifier ce gène, la société Genset recevra près de 70 millions de dollars
22 !
Le 2 décembre 1999 a été révélé le séquençage du plus petit chromosome humain : le chromosome 22, qui comporterait 545 gènes.
intérêt de cette recherche : des applications thérapeutiques importantes, puisqu’un certain nombre de maladies (dont la schizophrénie, certaines maladies cardiaques ou tumeurs cérébrales) sont dues à des anomalies du chromosome 22
Ce n’est qu’un début : il se produit actuellement une véritable course au séquençage du génôme. D’ici la fin de l’an 2000 tout devrait être terminé. Deux ou trois ans plus tard, on estime que 70 % des médicaments seront à base génétique
En France, le gouvernement a décidé de soutenir la recherche en génomique, en y affectant davantage de chercheurs et de crédits. Une opération comme le téléthon a le mérite de sensibiliser l’opinion publique à cette recherche.
La pharmacie du prochain millénaire
Dans quelques années, 5 ans dit-on, les chercheurs auront trouvé le millier de gènes associés à une trentaine de maladies parmi les plus fréquentes (cancers, obésité, ostéoporose, et). Les nouveaux médicaments traiteront les causes et non plus les symptômes. On pourra aussi comprendre quels sont les facteurs (variables d’un individu à un autre), qui expliquent pourquoi le même gène peut développer une maladie chez un individu et pas chez un autre : cela permettra de faire une réelle prévention des maladies.
Demain, peut-être, on aura trouvé le remède au vieillissement (relire La Mée du 22 décembre 1999)
Des risques
S’il présente des avantages, il est évident que le typage génétique des individus présente des risques : tests génétiques à l’embauche, assurances à plusieurs vitesses selon les risques génétiques de l’assuré, etc. Voire des choses beaucoup plus graves, liées à des fous, capables de modifier, génétiquement, les capacités voire les comportements des êtres humains. C’est alors que, plus que jamais, sera valable la maxime de Rabelais « Science, sans conscience, n’est que ruine de l’âme »
La thérapie génique
La thérapie génique consiste à acheminer dans l’organisme d’un malade un gène modifié pour remplacer celui qui provoque la maladie. Mais « greffer » de tels gênes dans les cellules malades est une technique plus difficile et plus dangereuse que prévu. C’est pourquoi, pour l’instant, on réserve cette perspective aux maladies incurables et mortelles.
Une des premières applications pourrait être la cardiologie, comme l’a souligné le congrès des cardiologues américains qui s’est tenu à Atlanta en novembre 1999 : l’injection dans le myocarde d’un gène stimulant la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins peut conduire à la réapparition d’une circulation sanguine dans les territoires du cœur où, après un infarctus, elle avait disparu. Le même gène peut être injecté dans le muscle cardiaque de malades souffrant d’angine de poitrine. Une centaine de malades expérimentent actuellement cette technique.
Dans un autre domaine, celui des maladies immuno-déficitaires, des enfants sont soignés par thérapie génique à l’hôpital Necker de Paris. Il s’agit d’enfants qui ont un défaut de globules blancs, ce qui les oblige à vivre dans des chambres stériles pour les mettre à l’abri de toute infection.
Cancer, mucoviscidose, sida ... des espoirs pour demain ?
Espoir pour les cancéreux
Le gène p53 détermine la synthèse d’une protéine p53 que les savants appellent « la gardienne de l’intégrité du patrimoine génétique ». La plupart des cancers humains sont liés à l’altération de cette protéine. Les chercheurs américains de l’équipe d’Andréi Gudkov ont montré, par des expériences sur la souris, qu’il est possible de bloquer la p53 pendant une certaine période, pour que les cellules qui se divisent régulièrement (cellules sanguines, ou intestinales) ne soient plus attaquées par les médicaments anti-cancéreux ce qui permettrait d’augmenter les doses tout en réduisant les effets indésirables. (nausées, etc)
Ecrit le 20 septembre 2000 :
Les Français aiment leurs médicaments
71% des Français estiment que les petites pilules, qu’ils sont 60 % à absorber chaque semaine, ont largement contribué à l’allongement de la vie, et 65 % considèrent que c’est le progrès qu’il convient le plus de conserver, loin devant la voiture (45%) ou le téléphone (28%).
Petite contradiction tout de même, selon ce sondage SOFRES-le Figaro Magazine publié samedi 16 septembre, les techniques de diagnostic (32 %) et l’hygiène alimentaire (31 %) devancent largement le médicament (16 %) comme facteur principal de l’amélioration de l’état de santé de la population au cours des cinquante dernières années.
Et l’élément le plus important de la guérison n’est pas le sacro-saint médicament (seulement 16 % des réponses), mais le moral du malade (45 %).
9 % pour deux-tiers
9% des médicaments remboursés entraînent les deux tiers des frais de remboursement de médicaments du régime général d’assurance maladie, selon une étude publiée mercredi 13 septembre par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM).
Sur 2300 médicaments remboursés, 200 d’entre eux représentent 63 % des remboursements avec 36,88 milliards de F. En tête, le Mopral, premier produit au monde en terme de chiffres d’affaires industriel. Parmi les dix produits les plus prescrits figurent Zocor et Tahor (produits anti-cholestérol), Prozac et Deroxat (antidépresseurs), Vastarel (médicament de cardiologie), Di Antalvic et Doliprane (analgésiques), Augmentin (antibiotique) et Tanakan (vasodilateur).
On peut s’indigner de dépenses jugées excessives. On peut aussi, comme entendu sur Europe 1 le 14 septembre, remarquer que l’usage du Mopral a considérablement réduit le nombre d’opérations de l’estomac (pour ulcère) et que l’espérance de vie des Français est passée, au cours du siècle dernier, de 29 ans à 75 ans.
On peut aussi remarquer que certains médicaments sont « à la mode » en raison des campagnes publicitaires des laboratoires pharmaceutiques qui font tout pour imposer leurs marques. Or il existe une autre façon de prescrire des médicaments : en utilisant la DCI (dénomination commune internationale), officiellement recommandée dans différents pays européens, qui accorde plus d’importance à la composition précise des médicaments qu’Ã leur marque commerciale. Par exemple la DCI « Paracétamol » correspond à 19 marques commercialisées en France (Doliprane, Efferalgan, Aféradol, etc).
Mais, on s’en doute, les laboratoires pharmaceutiques français ne sont pas d’accord : ils tiennent à conserver leur « fonds de commerce ». On comprend mal pourquoi ils sont soutenus par le Ministère de la Santé
Ecrit en juillet 2001
Ne plus rembourser les médicaments inutiles
Réunis en assemblée générale le 28 juin 2001, les 210 délégués représentant 330 000 adhérents de l’Union des Garanties Mutuelles de Loire-Atlantique, ont « dénoncé le laxisme dont fait preuve le gouvernement pour prendre les mesures nécessaires à la maîtrise des dépenses de santé » Ils ont refusé d’admettre « que les excédents dégagés par la sécurité Sociale servent à financer les 35 heures » et demandé que le retour global à l’équilibre, qui est « précaire et momentané », serve plutôt « à améliorer des prestations insuffisantes tels l’optique ou le dentaire, ou soit affecté au remboursement de la dette constituée par les déficits accumulés pendant les années de crise économique et de l’emploi »
Les Mutuelles de Loire-Atlantique exigent que l’on arrête de rembourser les médicaments connus comme n’ayant aucune utilité médicale et s’opposent à la politique qui consiste à pratiquer des baisses de prises en charge qui sont sans effet sanitaire. Elles appellent les élus et le gouvernement à « faire preuve de détermination pour mettre en œuvre les réformes nécessaires à la maîtrise des dépenses de santé ainsi qu’une politique du médicament axée sur la formation des prescripteurs, l’éducation des patients, le développement des génériques, l’indépendance des professionnels de santé vis-Ã -vis des lobbies pharmaceutiques »