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début de l’article sur le harcèlement
Harcèlement : La réparation
Le harcèlement provoque chez l’individu de graves problèmes physiques ou psychologiques.
Le travail de groupe mis en place par l’association « Mots pour maux » a montré l’importance de la réparation. « La victimologie nous dit que la reconnaissance du préjudice passe par la reconnaissance du statut de victime d’une part, mais aussi par la reconnaissance du préjudice par une sanction envers son auteur ; l’idéal pour les victimes étant que l’auteur du préjudice lui même reconnaisse ses torts. En effet, certains participants disent : il aurait suffi qu’il ou elle me présente des excuses pour qu’on n’en parle plus »
Mais il est nécessaire d’aller au delà . En effet, de même qu’on peut s’interroger sur la souffrance des victimes, on peut aussi s’interroger sur la nature de préjudice subi. De quel préjudice s’agit-il donc ?
Atteinte à la personne
Il semble là que la demande de reconnaissance porte sur le fait qu’il y a eu, par le truchement du travail, atteinte à leur personne, à leur dignité d’être humain. C’est la dimension de la souffrance infligée en manipulant le travail, en le détournant de sa finalité qui fait la spécificité de ces demandes de reconnaissance là . Il y aurait donc lieu de requalifier le préjudice subi du point de vue du travail (et non pas de l’emploi comme c’est souvent le cas) si on veut éviter de réitérer le déni du travail qui fait le noeud de la souffrance de ces personnes et prévenir le risque d’enlisement dans la revendication.
En fait, jusqu’au bout de leurs péripéties, les harcelés sont confrontés à ce retournement, contre eux-mêmes, des défenses qu’ils mettent en œuvre. Pour échapper à cette situation intenable, ils sont amenés à accepter des issues, des compromis qui - souffrance ultime - non seulement ne les réhabilitent pas, mais au contraire, renforçent l’injustice initiale. Ce qui est gagné sur le plan de la survie, est alors perdu sur la dimension de la reconnaissance et de l’image de soi.
Que faire ?
L’exemple de Lausanne
On a dit l’importance de la réaction collective des autres salariés. Il peut exister des moyens « institutionnels » pour faire cesser le harcèlement.
Au sein du personnel communal de Lausanne, en 1994, la « déléguée à l’égalité » s’aperçut que certaines femmes qui la consultaient étaient victimes d’un conflit du travail n’ayant rien à voir avec le sexisme et qui relèvait plutôt du harcèlement moral.Ce fut le début d’une réflexion qui conduisit la Municipalité de Lausanne à mettre en place un « groupe de confiance » dont les membres reçurent une formation sur les techniques d’entretien et la gestion des conflits.
Un « groupe de confiance »
Lorsqu’un salarié de la commune s’estime victime de harcèlement, il prend contact avec le groupe qui le reçoit en toute discrétion. Pouvoir exposer ses problèmes à une personne qui est à l’écoute, permet de mettre de l’ordre dans ses idées. Quelquefois cette simple écoute permet à la personne de reprendre confiance et de chercher à régler seule son conflit. D’autres fois, le Groupe tente une médiation, réunissant les protagonistes pour une confrontation des points de vue et l’élaboration d’une solution acceptable par les deux parties.
Le Groupe de Lausanne estime que « il est primordial que les personnes qui se sentent victimes de harcèlement ou qui vivent un conflit de travail, le dénoncent les plus rapidement possible. En effet, plus le climat est dégradé, plus il sera difficile de rétablir la confiance et de trouver une solution. L’expérience a prouvé qu’il y a intérêt à privilégier la médiation. D’abord parce que cette action est plus souple et légère, et qu’elle permet de trouver des solutions sans porter des accusations qu’il est souvent difficile de démontrer tant le phénomène est subtil : les attaques sont souvent faites d’attitudes plus que de paroles »
Il faut aussi reconnaître que la médiation a des limites, qu’elle peut échouer car les parties, ou une des parties, n’ont aucun intérêt, pour toutes sortes de raisons, à arrêter la chicane. Il se peut aussi que les actes commis soient d’une telle gravité qu’Ã l’évidence la médiation n’est plus appropriée et qu’il faut aller plus loin.
Mais dans tous les cas, il appartient à toute Direction, à son plus haut niveau, de faire cesser ce phénomène destructeur : le risque, en laissant pourrir la situation, est de se trouver en face d’une victime considérablement affaiblie.
L’existence d’un « Groupe de Confiance » n’est pas toujours bien ressentie par les chefs de service qui se sentent menacés dans leurs prérogatives et leur autorité. Il n’empêche que, à la municipalité de Lausanne, le médecin-conseil de la Commune estime qu’il aurait pu, dans le passé, intervenir avec l’aide du Groupe de Confiance, s’il avait existé, et que des incapacités de travail prolongées, voire définitives auraient pu être évitées.
Le harcèlement moral : une réalité douloureuse. Le psychologue Leyman estime que tout employé a une chance sur quatre de vivre une situation de ce type au cours de sa vie professionnelle. Il semble qu’une législation particulière puisse prochainement venir en discussion à ce sujet, au niveau national.
Il arrive cependant que parfois les critiques émises à l’encontre de telle ou telle personne peuvent être justifiées par les circonstances et que certains n’hésitent pas à se prétendre « harcelés » afin de tenter d’écarter une sanction méritée. La difficulté d’appréciation pour l’intervenant est encore augmentée si les critiques sont justifiées sur le fond mais que la forme est inutilement blessante. Quoi qu’il en soit, tout intervenant appelé à résoudre ce type de conflit devrait faire comprendre que le but est de trouver une solution équitable au conflit et de ramener l’harmonie au travail
Documentation :
Hirigoyen, Marie France. Le harcèlement moral - Ed Syros - 1998
Association « Mots pour Maux au travail » - 16 rue des Cailles - 67100 Strasbourg - tél 03 88 65 93 88
Harcèlement moral
au Conseil Economique et Social
« Transférer au sous-sol le bureau d’un cadre durant ses vacances. Annuler tous les rendez-vous d’un autre à son insu. Demander à une secrétaire de nettoyer les WC. Refuser de lui parler pendant des semaines. La piéger en se faisant passer pour un client » : Le Canard Enchaïné cite là des faits bien connus.
Le Conseil Economique et Social a étudié un projet d’avis sur « le harcèlement moral » le 29 mars 2001. Un avis qui, comme les municipales, tombe comme mars en carême.
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 12 janvier 2001 le projet de loi sur la modernisation sociale dont l’un des articles traite du harcèlement moral. La deuxième lecture de ce projet devrait venir bientôt et à la demande du gouvernement, le Conseil économique et social (CES) devrait adopter début avril son projet d’avis sur le sujet.
Pour le CES, « constitue un harcèlement moral au travail tous agissements répétés visant à dégrader les conditions humaines et relationnelles, matérielles, de travail d’une ou plusieurs victimes, de nature à porter atteinte à leurs droits et leur dignité, pouvant altérer gravement leur état de santé et compromettre leur avenir professionnel ». Cette définition est plus large que celle qui figure dans la loi qui parle « d’agissements répétés (...) d’un employeur, de son représentant ou de toute personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, qui ont pour objet de porter atteinte à sa dignité et de créer des conditions de travail humiliantes ou dégradantes » explique Frédéric Lemaître dans Le Monde du 2 avril 2001
Entreprises
On notera que le CES n’impose plus de relation hiérarchique pour définir le harcèlement et que celui-ci peut concerner plusieurs salariés, ce qui ne fait pas l’unanimité. Le harcèlement par les collègues de travail est pourtant fréquent. « Moi, je bossais avec une femme qui n’avait qu’une peur : celle que je prenne sa place tant du point de vue physique que du point de vue reconnaissance vis à vis de son supérieur : elle m’en a fait baver. Le matin j’étais malade quand je venais bosser, je ne savais jamais comment j’allais la trouver : charmante ou odieuse. C’est pas un hasard si un jour j’ai fait un malaise et que je suis arrivée au boulot, emmenée par les pompiers » nous a dit une salariée castelbriantaise.
Fonctionnaires
Le rapporteur du CES, Michel Debout, un médecin, propose d’insérer dans le code du travail un article interdisant le harcèlement moral. Surtout, il suggère d’appliquer cette disposition aux agents de l’Etat. Cette transposition, a priori de bon sens, constituerait une véritable révolution car les fonctionnaires sont aussi victimes de harcèlement et l’Etat n’était jusqu’Ã présent pas prêt à en tirer les conséquences. La proposition de loi communiste, à l’origine du texte actuel, ne faisait d’ailleurs référence qu’au secteur privé.
Protéger la santé
Le projet d’avis du CES prévoit, entre autres, que le « chef d’établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Jusqu’Ã présent, la santé n’était pas mentionnée. De même il suggère que le comité d’hygiène-sécurité et conditions de travail (CHS-CT) puisse se saisir « sans aucune ambiguïté juridique » du harcèlement moral.
M. Debout souhaite que les conséquences du harcèlement soient reconnues comme une maladie professionnelle. Pour éviter les abus, il propose que la reconnaissance du harcèlement soit prise en compte au cas par cas par les comités régionaux des maladies professionnelles « s’appuyant à la fois sur les indices matériels, les témoignages et les expertises médico-psychologiques de la victime ».
Enfin, le projet estime que le code pénal doit « prévoir pour les auteurs des sanctions identiques à celles qui sont prévues dans le cadre du harcèlement sexuel car l’un et l’autre atteignent de la même façon la victime dans sa dignité ». Actuellement, le harcèlement sexuel est passible d’un an d’emprisonnement et de 100 000 francs d’amende.
Ils n’en mouraient pas tous ...
Intéressante soirée, le 26 mai 2006, à Châteaubriant, autour du film « Ils n’en mouraient pas tous mais tous étaient frappés ». Un film sur le harcèlement dans l’entreprise, une nombreuse assistance.
Le film : « Une des idées fortes, pour nous, c’est que la peur et la menace du licenciement sont devenus des outils de management. On exige de ceux qui travaillent des performances toujours supérieures en matière de productivité, de disponibilité, de discipline et de don de soi. La peur s’est inscrite dans les rapports de travail. Elle engendre des conduites d’obéissance, de soumission et d’individualisme » disent les réalisateurs.
Mais « filmer le travail à l’intérieur des entreprises est très difficile voire impossible. Ce sont des lieux de pouvoir où le regard d’observateur critique du cinéaste n’est pas le bienvenu. De plus la souffrance subjective est invisible sur les lieux mêmes du travail. Il faut trouver d’autres moyens, d’autres lieux où les choses peuvent se dire, comme les consultations. Finalement, nous sommes allés chercher la parole sur la souffrance là où elle est elle-même renvoyée : dans la discrétion du cabinet médical. »
Le stress dans l’entreprise est bien rendu puisque des spectateurs ont ressenti un malaise, comme s’ils étaient eux-mêmes dans cette situation de harcèlement. Pour autant, comme dit une personne qui a subi ce genre de situation, « il faut le vivre, pendant des mois, pour tout comprendre. Moi j’ai trouvé que le film ne rend pas toute l’horreur des situations ».
Vient le temps du débat, animé par Michel Oriot, journaliste-coordinateur, Béatrice Davenas et Sophie Pizzala, médecins du travail, Gaë lle Peuzé, contrôleur du travail, Yves Le Gall salarié Khun-Huard, secrétaire du CE, délégué CFDT.
Jean-Paul Pierrès, président de l’Adic (association des industriels) et Jacques Le Bouler, PDG de RBL-Plastiques, annoncés, sont absents. Ils se sont excusés dans l’après-midi. Cette absence a suscité des remous dans le public.
Michel Oriot présente rapidement ce cinéma-vérité : le travail, fait économique ? Fait social ? Le travail forme et déforme le corps et la tête. Est-il forcément aliénation ? Le travail rend-il libre ? Le travail est essentiel dans notre vie. Pourtant des relations hiérarchiques peuvent poser problème
D’entrée de jeu, une personne donne son opinion, qui est aussi son vécu, à Châteaubriant :
« J’ai tellement de honte et de culpabilité que je ne peux m’adresser à vous en vous regardant. Ce documentaire n’échappe pas à la règle : celle d’être édulcoré par rapport au sujet traité. Ceux qui peuvent et doivent parler du sujet, ce sont ceux qui sont restés en survie après une telle épreuve qui s’étale toujours dans la durée. C’est le côté pernicieux d’un délit qui n’est pas encore reconnu comme tel. L’inspection du travail conseille encore de laisser tomber. Ceux qui aident les victimes ne s’exposent pas ; ils travaillent dans la discrétion et dans le secret de leur cabinet. Dans le milieu médical, avec le microcosme unitaire castelbriantais qu’on ne sait pas toujours, il était difficile d’être crédible il y a une quinzaine d’années. »Trop mauvaise pour être ici, trop conne pour aller ailleurs.« Cette affirmation, je tente depuis de démontrer qu’elle était usurpée. Je n’ai en moi ni haine, ni amour, ni joie, ni peine. Tout cela m’a été ôté par des traitements si lourds que tout sentiment ne m’est plus accessible. Aujourd’hui, il faut survivre pour témoigner. C’est le seul tout petit moyen d’essayer de faire ralentir un processus qui semble réjouir un grand nombre d’encadrants et d’employeurs. La société ne nous réhabilitera pas de notre vivant. Plus probablement, elle ne le fera jamais. Merci de m’avoir écoutée ».
Tout est dit :
– Le harcèlement est une épreuve
– qui s’étale dans la durée
– qui détruit durablement les victimes
– tout en les culpabilisant.
– Les victimes ne sont pas écoutées
– Elles perdent toute crédibilité
Béatrice Davenas : il y a à Châteaubriant des situations de harcèlement identiques à celles qu’on a vues dans le film. Les salariés se plaignent, les employeurs ne reconnaissent pas la situation, ils se disent stupéfaits. Y a-t-il harcèlement délibéré ? ou succession de maladresses ? De toutes façons on arrive à un point de non-retour.
Sophie Pizzala : nous ne sommes pas là pour savoir qui a raison ou qui a tort. Je constate seulement des situations graves : Des gens peuvent restés traumatisés à vie et se retrouvent dans un nouvel emploi en situation d’échec.
Gaë lle Peuzé : l’inspection du travail a une compétence juridique, faire respecter le code du travail. Le médecin du travail est le premier interlocuteur du salarié en souffrance.
Béatrice Davenas : le mot harcèlement est ambigu. Les gens ressentent une souffrance mentale, mais est-ce du harcèlement ? De toute façon, il est très difficile de porter plainte pour harcèlement . (ndlr : des salariés ont cependant porté plainte pour harcèlement, chez UFM Marie, auprès de la gendarmerie).
Et puis il y a une lenteur extrême de la justice car le droit du travail n’est pas une priorité pour le Parquet (plus préoccupé de la sécurité routière et de la petite délinquance). Il n’y a que la présence d’une réaction collective forte qui puisse faire avancer les choses.
Gaë lle Peuzé : le texte de loi sur le harcèlement moral date de 2002. Beaucoup de dossiers ont été déposés par la suite, mais la démarche est longue puisqu’il faut passer par le Conseil des Prud’hommes. Neuf mois à St-Naz et 2 ans à Nantes. Après 2-3 ans de procédure, l’employeur harceleur a eu le temps de faire des dégâts !
Public : quelle solution au harcèlement ? On tente de soigner les malades. Mais ne faudrait-il pas soigner les harceleurs ? Les médecins prononcent souvent une inaptitude au travail, ce que les salariés ressentent comme une condamnation car ils savent que, dans le bassin d’emploi de Châteaubriant, ils auront beaucoup de mal à retrouver du travail.
Yves Le Gall : le harcèlement, qui s’accompagne souvent de dépréciation du salarié, est un phénomène très difficile à supporter . Les salariés ont besoin d’être reconnus dans leur travail. déclarer une inaptitude c’est souvent le seul moyen d’échapper à une situation inextricable.
Mais il est vrai que c’est une solution bâtarde : avant, on pouvait demander son compte et aller voir ailleurs. Aujourd’hui, on s’accroche tant qu’on peut à son travail car surtout pour les femmes et dans notre bassin d’emploi, c’est difficile d’en trouver. Quand on pense avoir raison, pourquoi on partirait ? Les gens ont la peur de perdre leur travail. Ils le perdent quand même en fin de compte.
Béatrice Davenas : la reconnaissance c’est important. Il y a des salariés (non-harcelés) qui n’entendent jamais dire qu’ils font du bon travail. Quant aux salariés qui s’estiment harcelés, nous leur recommandons de voir un psychiatre, pour apprendre à ne pas culpabiliser, pour réussir à avoir un regard extérieur sur la situation. Le danger, d’un situation de harcèlement, et d’un colloque singulier avec un médecin, c’est de risquer de rendre le salarié responsable de son harcèlement.
Public : les médecins se retranchent trop souvent derrière un devoir de réserve. Les médecins du travail ne devraient pas dépendre des employeurs, mais du ministère de la santé. Il y a nécessité d’interpeller les politiques à ce sujet.
Gaë lle Peuzé : En situation de harcèlement le salarié peut obtenir un arrêt de travail, qui peut aller jusqu’à 2 ans... mais de plus en plus d’employeurs font contrôler les arrêts de travail (ndlr : ce qui ajoute à la culpabilisation du salarié)
Que faire ?
Les intervenants ont donné des pistes, soit collectives, soit individuelles.
Yves Le Gall : la solidarité entre les personnes est très importante. Il faut mettre des délégués du personnel dans les entreprises. Ce n’est pas parce qu’il y a des délégués que l’entreprise va s’écrouler !
Gaë lle Peuzé : l’inspection du travail (1) est trop peu sollicitée pour les cas de harcèlement. Il faut absolument recréer des solidarité entre les salariés et impérativement « parler », et même raconter par écrit. L’écrit permet de comparer la situation de travail avec le contrat de travail. Le harcèlement s’attaque aux plus faibles et aux fortes gueules. On peut envoyer une lettre en recommandé à l’employeur avec photocopie à la médecine du travail et à l’inspection du travail.
Béatrice Davenas : Il est important, pour un salarié, d’avoir un lieu où exprimer sa souffrance. Il est important aussi d’avoir la possibilité de « souffler » : le sur-investissement dans le travail est très dangereux. Il faut pouvoir trouver des activités annexes.
Sophie Pizalla : heureusement beaucoup d’entreprises n’ont aucun problème.
Yves Le Gall : ne jamais laisser une situation s’installer. Quand une situation de harcèlement débute, il faut savoir que cela tombera sur un autre salarié, un jour, quand le premier aura craqué.
Notes :
La perte des solidarités a un coût social énorme non relevé par les politiques. Dans l’état actuel, on n’est pas en état d’inverser le processus. Les gens sont seuls face aux contraintes. La solitude engendre une moindre capacité de résistance. Les formes de solidarité sont en décrépitude. On assiste à une individualisation puissante. La souffrance a changé de forme. Ce n’est pas que les gens sont plus fragiles, c’est qu’ils ont plein d’adversaires. La division des employés est instaurée, institutionnalisée. On déstructure le tissu social.
médecin du public : A quand une véritable politique publique de santé et de prévention face aux pathologies au travail (souffrance mentale, harcèlement, cancers professionnels, troubles musculo-squelettiques) et environnementales ? Quelle prévention ? Et surtout à quand une vraie mobilisation des citoyens et leurs partis politiques ? A quand un passage du soin à la santé ? Saurons-nous en faire un enjeu pour 2007 ?
En conclusion :
Le harcèlement au travail est une réalité
sociale et politique
souvent niée
Les salariés ont peur
Les politiques s’en moquent
Seule la solidarité et les actions collectives
peuvent permettre de résister.
Harcèlement moral au travail : analyse
Une jeune femme, Marie-Josèphe, qui a été victime du harcèlement, à Châteaubriant, dans les années 1992-95, se dit « très interpellée par le dernier article de la Mée à ce sujet ». Ayant rencontré, par la suite, des hommes et des femmes victimes du même mal, elle a pu dégager les profils des protagonistes du drame. En effet, bien que les lieux professionnels soient différents, public, privé, les mêmes profils, les mêmes réactions, et les mêmes « ingrédients » permettent l’existence et la durée de ces situations : lâcheté, peur, précarité
Le harceleur
– veut être reconnu comme le meilleur, le premier,
– veut donc dominer son entourage, se l’approprier
– veut se sentir aimé.
Technique :
– la séduction,
– la médisance, la calomnie,
– la manipulation,
– les non-dits, les sous-entendus,
– il bat le chaud et le froid, (gentillesse ostentatoire/dénigrement, en alternance avec sa victime)
– mise à l’écart de la victime, isolement par rapport au reste de l’équipe.
Sa défense :
– il a toujours raison,
– ne laisse pas la parole,
– utilise le délire verbal, paralysant sa victime quand il se sent menacé dans son statut de « meilleur » ou contredit dans ses affirmations.
A terme le harceleur est toujours destructeur. Il veut que l’on soit pour lui, sinon on ne peut qu’être contre lui.
Le harceleur a besoin d’une cour dont il est le « roi ». Et la cour, pour avoir la paix, laisse faire et lui donne raison (en apparence car certains membres ont eux aussi subi le harcèlement avant de capituler et avoir la paix).
Le harceleur est un pervers ! Il a harcelé, il harcèle, il harcèlera. C’est son mode de fonctionnement. Quand il ne peut attaquer sa victime professionnellement (voir profil de la victime) il l’attaque sur un autre terrain en cherchant et trouvant la faille qui meurtrira la victime :
– vie privée, famille (ex : difficultés avec enfants...)
– comportement de la victime (ex : infantile, mauvais caractère ...)
Le harceleur doit accréditer sa thèse, il a toujours raison, il est dans sa logique. De plus il est conforté par sa hiérarchie qui trouve que c’est un personnel remarquable ! Grâce à sa technique de séduction il trouvera toujours quelqu’un à qui il plaira.
La victime
– bon professionnel
– minutieux dans son travail,
– veut bien faire, bien travailler, en bonne intelligence et confraternité.
– Elle ne recherche pas de relations privilégiées, autres que celles du travail.
La victime est ressentie par le harceleur comme un « électron libre », qu’il n’arrive pas à s’approprier. Il craint sa victime, égale voire supérieure en connaissances à lui, il faut donc qu’il l’élimine, la fasse partir, pour continuer à dominer, à se sentir le meilleur, l’indispensable.
La victime n’a pas de défense. déstabilisée, désarçonnée, elle ne comprend pas ce qui lui arrive, elle se croit responsable de la situation et se culpabilise, petit à petit elle perd l’estime d’elle-même, n’a plus de repères, n’a plus confiance en elle. Elle peut être ainsi poussée à la faute.
Cette déstabilisation de la victime est vécue comme une victoire pour le harceleur, qui un temps stoppera son harcèlement. La victime reprend espoir et croit à des relations normalisées et reprend son rythme normal de travail. Le harceleur comprend qu’il n’a pas gagné et recommence...
Cette situation amène la victime à des arrêts de travail de plus en plus répétés, conduit à la dépression, voire au suicide.
Comportement de l’entourage
Les collègues :
Ne rien voir, ne rien dire, ne pas déplaire au harceleur est souvent la règle. Rarement les collègues disent qu’ils comprennent ce qui se passe et soutiennent la victime. Ils savent, soit parce qu’ils ont déjà vécu cette situation, soit parce que quelqu’un de leur entourage l’a vécue et ils ont été témoins.
Dans ce contexte, la victime devient un élément perturbateur, l’empêcheur de tourner en rond. Et de victime elle devient l’accusée. Elle dérange, dans ce statu quo, dans cette paix apparente.
Si le harceleur et sa victime sont collègues, le chef de service pour maintenir la cohésion du service demandera le départ de la victime devenue accusée.
La hiérarchie :
Le harceleur est un personnel remarquable, qui travaille beaucoup. S’il est chef il a une relation privilégiée avec sa hiérarchie, il sait se faire entendre et le chef a toujours raison ! La victime sera convoquée, sommée de s’expliquer et mise en difficultés ? De cet entretien elle n’en sortira qu’un peu plus meurtrie et déstabilisée.
La victime mise dans l’incapacité d’exécuter normalement son travail sera mutée, voire licenciée pour faute professionnelle.
Que faire ?
1°) Protéger la victime, la déculpabiliser, l’apaiser !
Le simple fait d’expliquer à la victime comment fonctionne le harcèlement moral, que le harceleur est un pervers qui harcèle, qui a harcelé avant, et qu’il continuera car c’est son mode de fonctionnement, est déjà vécu comme une « thérapie » par la victime.
Lui expliquer que les profils psychologiques du harceleur et de sa victime sont toujours les mêmes, que seuls changent le contexte et le rapport socioprofessionnel entre le harceleur et la victime. Cette explication permet à la victime de trouver et d’adopter une position, un comportement qui vont l’aider à supporter la situation avant un règlement plus définitif.
2°) Qui contacter ? Comment se défendre ?
La tâche n’est pas être facile, aussi il faut bien la préparer !
Il faut rompre la loi du silence. La victime doit parler, expliquer, tout en ne tombant pas dans ce qui pourrait être pris pour de la calomnie vis à vis du harceleur. Il faut utiliser les instances légitimes et reconnues en droit. Chacun doit prendre la mesure de ses responsabilités !
Une règle pour la victime : elle doit toujours se faire assister, accompagner, lorsqu’elle est convoquée par sa hiérarchie, par une personne de son choix : soit un représentant du personnel soit par un avocat, c’est son droit. Sinon elle va au « casse pipe ».
a- les représentants du personnel :
– Ils ont pour mission de défendre le personnel,
– Ils sont protégés par leur statut d’élus,
– Ils peuvent demander conseil auprès de leur organisation, chaque organisation syndicale a ses propres avocats conseils,
Avant de prendre en charge la victime pour sa défense, les représentants doivent parfaitement connaître le droit en matière de harcèlement moral au travail, bien que celui-ci vienne d’être limité pour la victime, il faut s’attacher à le faire respecter pleinement.
La victime si elle n’a pas d’affinités particulières avec un syndicat, doit privilégier l’aptitude du délégué du personnel à défendre sa cause.
Pour un salarié, le représentant du personnel doit être un accompagnateur pour tout conseil dans l’organisation et la mise en place de sa défense ! La victime doit être avertie, ce sera long, il y aura des pressions, des accusations, de l’indifférence.
b- l’inspection du travail doit être saisie, elle siège dans le C.H.S.C.T. (comité hygiène, sécurité et conditions de travail)
c- saisir le C.H.S.C.T. Le médecin du travail, l’inspection du travail, les représentants syndicaux y siègent
d- prévenir le médecin du travail de l’établissement,
e- choisir un avocat spécialisé
Dans tous les cas la victime ne s’en sortira pas toute seule !
Sa défense devant reposer sur des faits, la victime doit préciser le mode d’action du harceleur et lister de manière concise et précise les atteintes : jour, heure, lieu, circonstances, témoins. Il faut rassembler des pièces et témoignages.
Le tout en sachant qu’il y a urgence car lorsque le harcèlement est connu la victime souffre déjà depuis de longs mois et est en désespérance.
Conclusion : Le harceleur est un pervers, il est dangereux car il rend malade sa victime et peut même la pousser au suicide ! Il veut dominer, il veut être le meilleur, il a toujours raison et se complait dans cette situation qu’il créée et entretient. La victime est une proie d’autant plus facile que son fonctionnement est à l’inverse.
La loi existe ! Elle condamne et sanctionne le harcèlement moral au travail. Les personnes qui ont compétences doivent la faire respecter !
Code du travail (partie législative) articles : L 122-49 - L 122-54 - L 230-2 - L 236-2 - 222-33-2
Ceci est un constat à partir d’une expérience personnelle et suite à des témoignages de victimes.
Marie-Josèphe Hersant
(qui a quitté Châteaubriant)
Documentation : le livre de Marie France Hirigoyen : « Le Harcèlement moral » Ed Syros.
et le site internet