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Deux millions de centenaires ... narquois !
Dans un article intitulé « le bogue démographique » publié dans « Les Echos » du 3 janvier 2000, Nicolas BEYTOUT nous apprend que le monde qui compte environ 100 000 centenaires en comptera, en 2100, plus de deux millions, c’est-Ã -dire plus de 20 fois plus. (Il y a de fortes chances d’ailleurs que ces nouveaux grands vieillards seront en réalité de grandes vieillardes et qu’il faudra sérieusement instituer des quotas dans les maisons de retraite !)
L’espérance de vie est actuellement de 80,5 ans pour les femmes et de 74,1 ans pour les hommes en Europe. - A noter par comparaison qu’en Afrique Subsaharienne, l’espérance de vie est de 50,3 ans pour les hommes et de 47,5 ans pour les femmes et marque une régression partout où passe le Sida - régression aussi dans la Russie d’ELTSINE et de POUTINE avec 57,5 ans pour les hommes et 71,3 ans pour les femmes ce qui démontre les vertus du libéralisme new look des Russes
Il ne suffit pas
de les élever jusqu’Ã cet âge
Ceci pose quatre grandes questions, note Nicolas BEYTOUT : comment faire vivre des personnes âgées de plus en plus nombreuses (et avec quel argent) ? Comment les soigner (avec quel budget et avec quelle éthique) ? Et où les faire vivre (dans quelle cellule privée ou dans quelle structure publique) ? Qu’adviendra-t-il dans un siècle des bébés de l’an 2000, le renouvellement des générations n’étant plus assuré actuellement ?
C’est d’une tout autre nature que sont les remarques du quasi octogénaire philosophe allemand Odo MARQUARD dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (selon le Courrier International du 13 janvier 2000) ; suivons bien son raisonnement (volontairement résumé
« A mesure que se rapproche l’échéance de la mort on en vient inévitablement à réfléchir à la vieillesse (...) La capacité de la vieillesse à théoriser est la faculté de voir et de dire, sans être sujet à l’illusion. Car avec l’âge disparaissent toutes les illusions. (...) Notre avenir le plus certain, c’est la mort (...). Et c’est spécifiquement l’âge qui nous en fait prendre conscience »
Cet âge est sans illusion
Or, poursuit Odo MARQUARD " Le regard que nous portons sur la réalité est prêt à s’illusionner et sujet aux illusions, parce qu’il est influencé par notre avenir. Cette vulnérabilité diminue avec l’âge. (...)
Les personnes âgées ayant toujours moins à se préoccuper de l’avenir, elles peuvent observer, voir et dire avec de moins en moins de retenue les choses telles qu’elles sont, surtout celles qui dérangent.
La théorisation, même chez les personnes âgées, s’apparente en ce sens au rire, car elle suppose elle aussi la défaite de ce qui empêche de comprendre la réalité.
Le rire et la vieillesse franchissent donc les frontières du monde officiel, et c’est précisément que la capacité à rire, de même que la capacité à théoriser, en particulier celle qui a trait a la vieillesse, a trait à la culture " .
Agitateurs
Exception, votre honneur, remarque Odo MARQUARD :« les personnes âgées veulent parfois prendre part à l’avenir des jeunes et, avec eux, encore avoir encore une fois la vie devant eux. (...) La figure du vieux propagandiste en pantoufles, comme Herbert MARCUSE, qui avait encouragé le mouvement des étudiants en 1968 n’en est qu’un exemple parmi d’autres » .
Il aurait pu citer aussi un certain Jean-Paul SARTRE
Une solide compétence
à dire du mal d’autrui
Odo MARQUARD poursuit joyeusement et avec une certaine férocité : « Les personnes âgées peuvent, en toute insouciance, non seulement comprendre, mais aussi discourir. Elles disposent souvent d’une solide compétence à dire du mal d’autrui. Quand on atteint un certain âge, on n’a plus besoin de courage pour mettre les pieds dans le plat, parce qu’on n’a pas assez d’avenir devant soi pour en subir les conséquences » C.Q.F.D
Evidemment, on n’est pas obligé d’être d’accord - Mais il s’agit quand même d’un très cartésien (et très malicieux) raisonnement philosophique d’un philosophe qui a déjà « une certaine bouteille » et qui n’a pas dû attendre d’en avoir l’âge pour dire ce qu’il pensait
J.G
Ecrit en décembre 2000
Moi, d’abord !
Les plus de 50 ans préfèrent dépenser leur épargne
pour profiter de la vie,
plutôt que de la transmettre.
Ceux qui voulaient changer le monde en 68, bornent-ils aujourd’hui leurs ambitions à se rendre la vie agréable ? Les plus de 50 ans, du moins ceux qui ont de l’argent, apparaissent bien décidés à en profiter. C’est ce qui ressort de l’étude sur les « attitudes et jugements des seniors face à l’argent », incluse dans l’indice européen de la consommation Sofinco-Ipsos, et reprise par Le Monde du 12 décembre 2000. A l’exception de l’Espagne et du Portugal, « l’ensemble des seniors européens présente une réelle volonté de consommation. Ils déclarent sans complexe vouloir profiter de leur épargne », et leur comportement est même qualifié de « jouisseur »
Jouisseur est aussi synonyme d’égoïste car les seniors affichent d’autant plus clairement leur volonté de consommer qu’ils ont conscience que « l’évolution du niveau de vie de leurs descendants est plutôt négative ».
Ayant à choisir entre « dépenser son épargne pour profiter de la vie » ou la garder pour « la transmettre aux proches », une majorité de seniors européens souhaite brûler la vie par les deux bouts. Les plus résolus sont les Hollandais (73 %), suivis par les Anglais (69 %), les Allemands (64 %), les Belges (53 %) et enfin les Français (50 %). Les pays du Sud montrent un appétit de consommation plus nuancé. Les seniors italiens ne sont qu’une majorité relative (42 %) à vouloir consommer contre 39 % favorisant l’épargne, rapport qui s’inverse pour l’Espagne (36 % de cigales contre 45 % de fourmis) et le Portugal (17 % de cigales contre 44 % de fourmis).
Ce comportement de « profiteur » apparaît comme une caractéristique masculine (59 % contre 50 % chez les femmes),, mais aussi des foyers les plus aisés (71 % contre 48 % chez les plus démunis). En Espagne, « la volonté de transmettre un patrimoine domine chez les femmes (48 %). A l’inverse, chez les hommes, on retrouve un comportement similaire à celui de l’ensemble européen (46 % souhaitent dépenser en priorité, 41 % transmettre un patrimoine) ».
Ce « moi d’abord » apparaît d’autant plus affirmé que les seniors ont une analyse plutôt pessimiste du niveau de vie à venir des jeunes générations. Ils sont seulement 36 % en moyenne à affirmer que les jeunes auront un niveau de vie supérieur au leur, 21 % estimant que ce niveau de vie sera au mieux « équivalent » au leur.Les Portugais s’avèrent franchement pessimistes (54 %), suivis par les Belges (45 %), les Allemands (44 %) et les .Français (38 %). Les Anglais, en revanche, estiment que les jeunes vivront mieux qu’eux.