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Ecrit le 6 juin 2007
Prison : Hubert D ... et Elf
Il s’appelle Hubert D... Je le connais bien, il m’a cambriolée trois fois, emportant une centaine de timbres-poste, sans valeur pour lui, une médaille d’honneur sans aucune autre valeur que sentimentale (et encore !), et une trentaine d’euros non rangés dans un porte monnaie. Chez d’autres personnes il a aussi commis des vols, toujours aussi insignifiants. Petit voleur sans envergure mais déjà de longs mois de prison. La dernière fois il a préparé, en prison, un CAP de menuiserie mais il n’a pas pu passer l’examen : sa peine finie il a été relâché, sans suivi.
Relâché à Châteaubriant, sans logement, sans emploi, sans occupation, sans famille, sans amis. Paumé, errant dans les rues, tuant le temps comme il peut.
40 ans, gringalet, sans formation, avec une longue parenthèse carcérale dans sa vie. Pas d’espoir, pas d’avenir ... Un soir de mai 2007, une patrouille de police le croise, portant un sac sur le dos. Tâcheron du vol, il vient de s’introduire dans une maison mal close et il ramène son larcin chez lui, surtout des conserves : il faut bien manger pour vivre.
Arrestation, comparution immédiate, dix mois de prison à faire. Quand il sortira il sera aussi perdu qu’avant. Une vie gâchée. Son enfance malheureuse ne saurait justifier sa situation. Chacun est en principe responsable de lui-même. Mais certains ont un caractère leur permettant d’être responsables. D’autres auront besoin d’un « tuteur » toute leur vie. Hubert est de ceux-là . Voleur, oui, mais à la mode ancienne, démodé. Récidiviste, oui, parce qu’il ne sait rien faire d’autre.
Pourquoi faut-il que son histoire me fasse penser à l’affaire ELF ? Un des plus retentissants scandales financiers de France : des détournements de quelque 300 millions d’euros entre 1989 et 1993, dans les circuits de l’argent « noir » du pétrole, entre chefs d’Etat étrangers et réseaux politiques français.
ELF : la justice a prononcé des peines de prison ferme, confirmées en appel en 2005 puis en cassation en janvier 2007 contre une douzaine de personnes mais ces peines n’ont pour la plupart pas été mises à exécution. Virtuelles ....
Seuls ont connu la prison les dirigeants d’Elf écroués durant l’enquête ou au premier jugement de 2003, comme Loïk Le Floch-Prigent, son bras droit Alfred Sirven, mort en 2005 après trois ans de prison ou encore Alain Guillon.
Le parquet général de Paris n’a pas fait arrêter Pierre léthier, 51 ans, ancien colonel des services secrets français condamné à 15 mois de prison ferme, malgré la confirmation définitive de cette peine en cassation en janvier.
André Tarallo, l’ancien « M. Afrique » du groupe pétrolier, âgé de 79 ans, condamné en appel à sept ans de prison ferme, n’a purgé quelques semaines de détention avant d’être libéré pour raisons médicales. Il n’a pas payé son amende de deux millions d’euros et conserve la jouissance de biens immobiliers acquis illégalement avec l’argent d’Elf.
Le Floch Prigent, ancien directeur de la SNCF, et de ELF, officier de la légion d’Honneur, Officier dans l’Ordre National du mérite, a connu les ors de la République et les éloges du beau monde. Il a fait moins de 12 mois de prison.
Alfred Sirven, malfrat de haut vol, a fait environ 40 mois de prison avant de mourir d’une crise cardiaque, emportant des secrets qui, disait-il, auraient dû « faire sauter vingt fois la République ». Beaucoup de tiers qui ont été bénéficiaires des largesses de la société ELF n’ont pas été identifiés par la justice. Pas vu, pas pris. Les heureux bénéficiaires couleront des jours tranquilles ...
Hubert D., lui, errera de prison en fausse liberté, et mourra comme il a toujours vécu : misérable.
Faut-il le prendre en pitié ?
Oui, car il n’a pas eu sa chance.
Loïc Le Floch-Prigent finira ses jours dans une maison bourgeoise. Bel homme, affable et distingué, il sera apprécié de son entourage.
Hubert est aussi affable et presque distingué, mais il n’aura jamais de maison bourgeoise. Tout au plus aura-t-il un jour le minimum vieillesse, mais il lui reste encore 25 ans à tirer pour y arriver. Dans son cas, la prison est un refuge : docile, il se plie sûrement à la vie bien rangée de la prison et on l’imagine déjà affollé à l’idée de se retrouver seul et sans rien, dans 10 mois, dans 25 ans encore.
La privation de liberté, pour lui, est-elle vraiment une solution, lui qui ne sait que faire de son temps « libre » ? Un travail d’intérêt général, d’une longue durée (200 h peut-être), avec maintien de son RMI (380 € par mois), pourrait peut-être le re-sociabiliser, momentanément.
Ne faudrait-il pas réfléchir à autre chose ?
... à la mise en place d’une « maison-relais » style « Foyer », avec des studios (chambre + salle d’eau) et équipements collectifs (cuisine, buanderie, garages à vélos, salle de télé, jardin), qui permettraient d’avoir un loyer très modéré, et des possibilités de rencontres avec d’autres. Un animateur pourrait passer de temps en temps pour suivre les personnes logées, aider à la prise en charge des tâches collectives, assurer une coordination sociale et administrative, voire psychologique.
Utopie ? Pas sûr ! Cela ne reviendrait sans doute pas plus cher qu’une prison, et cela pourrait aider les personnes à trouver une vie normale.
On n’en est pas là , hélas : la prison reste conçue comme lieu de punition, et pas comme moyen de reconstruction d’un être humain.
B.Poiraud
Une lectrice écrit à ce sujet :
La société n’aime pas les pauvres : ils sont révélateurs de l’insuffisance des structures de réinsertion et de l’incapacité à établir une société plus humaine
ou peut-être du manque de volonté de le faire.
Il vaut mieux avoir volé ou avoir magouillé dans les affaires que de s’être approprié une boîte de conserve. Les punitions excessives sont là pour rappeler aux petites gens qu’ils n’ont pas de réseau de relations qui leur permette de bénéficier d’une justice clémente.
Les gens comme Hubert sont des détenus auxquels la prison n’apporte rien de positif. Les suicides en prison sont même plus ou moins tolérés par une société qui admet que ces êtres ne sont pas utiles !
La prison comme seule solution : déni de justice
Note du 10 novembre 2012 : Hubert D. est sorti de prison. Il a travaillé quelques mois dans une association d’insertion, bon travailleur d’ailleurs. Dans ce temps de travail, il était bien. Dans le temps de loisir, il ne savait que faire. Chez lui, toujours un désir : retourner en prison, là au moins il était occupé. On pourrait presque dire : entouré.
La période de travail s’est terminée Il est retourné à son néant. Et il a volé : des jouets en peluche dans le cimetière, plusieurs fois. Il est donc de nouveau en prison .... Pas dangereux, mais en prison. La prison punition ? La prison qui ne sert à rien.
Ecrit le 6 juin 2007
L’envolée : justifiée mais condamnée
Le petit journal « L’envolée » (500 exemplaires + internet) diffuse des lettres de détenus. Sa directrice de publication, Denise Le Du, 78 ans, devra verser 500 euros de dommages et intérêts à l’administration pénitentiaire pour avoir publié des témoignages de détenus dénonçant en termes véhéments le comportement de certains agents pénitentiaires : tolérance envers les trafics, racisme, traitements dégradants et violences.
Le tribunal de Beauvais, le 29 mai 2007, a reconnu que ces témoignages décrivaient « une situation bien réelle » mais ... mais ... qu’ils étaient rédigés « mala-droitement », constituant par leur formulation offensante le délit de diffamation.
http://lejournalenvolee.free.fr/
Une journaliste contre 339 surveillants de prison
Ecrit le 19 septembre 2007
Moins qu’un chien
Enfermer un être humain, oui, quand il est dangereux, mais de façon humaine ! Ordonnée en janvier par le tribunal administratif de Versailles -saisi par l’Observatoire international des prisons (OIP)- , une expertise dénonce les conditions de détention des détenus du quartier disciplinaire de Fleury-mérogis. Les cellules font 8,21m2 chez les hommes et 7,59m2 chez les femmes. Une fois enlevés le lit et la douche, il reste 4,15 m2 ..... cet espace est inférieur à la surface minimale fixée par la règlementation pour la détention de chiens en chenils (5 m2). Les détenus peuvent y passer jusqu’Ã quarante-cinq jours. A la petitesse des chambres, il faut ajouter le niveau d’éclairage et d’aération. Le premier est compris entre 7 et 30 lux (la norme est de 300 lux pour la lecture). Ces cellules s’apparentent aux culs de basse-fosse du Moyen-Age !
On peut voir des photos ici :
http://www.rue89.com/2007/09/11/bienvenue-dans-le-quartier-disciplinaire-de-fleury
Ecrit le 14 mai 2008
Cambriolage : un bol et un couteau de table
Dimanche 4 mai vers minuit, j’ai entendu du bruit, je ne me suis pas inquiétée car il y avait de l’orage. Vers minuit et demi, ayant fini mon travail, j’ai quitté mon bureau et suis allée à la cuisine. J’ai entendu un bruit bizarre, comme si le volet claquait. J’ai alors constaté que sur le rebord de la fenêtre (que j’avais ouverte dans l’après-midi) se trouvaient : un bol, un vieux couteau de table m’appartenant, un demi-litre de lait (entamé), un paquet de gâteaux. Sur la table de la cuisine j’ai vu une boite de miettes de thon, sortie du frigo. Un sac de toile bleue (sac à épingles à linge), n’était plus pendu à sa place habituelle, sans doute avait-il été fouillé. De même que les poches d’un manteau.
J’ai rangé tout cela et fermé la fenêtre. Puis j’ai fait le tour de la maison sans trouver personne, mais en constatant qu’une porte-fenêtre de la salle de séjour avait été ouverte et repoussée (et non refermée). La personne a pu alors apercevoir la lumière dans mon bureau.
De même elles est descendue au sous-sol où une fenêtre a été ouverte aussi, et non refermée. Vraisemblablement elle n’est allée au garage. Il n’y avait aucun objet de valeur à la maison (sauf des livres !). Et, pour une fois, j’avais mon sac avec moi dans le bureau. Il contenait 30 € environ.
La fenêtre de la cuisine donne sur l’escalier de l’entrée, elle est à environ 1,50 m du sol. Quelqu’un d’agile et souple a pu sans doute s’y introduire. Une personne sans crainte qui a sûrement vu la lumière dans le bureau mais a poursuivi sa visite des lieux. Qui est-ce ? Sans doute quelqu’un en difficulté : voler un bol, un couteau, un paquet de gâteaux, du lait et des miettes de thon, c’est triste.
Le printemps arrive, l’été bientôt. Il se met à faire (trop) chaud. Veillez à ne pas laisser des fenêtres ouvertes .
Note du 13 décembre 2008
Suicide en prison
Suicide en prison : http://www.maitre-eolas.fr/2008/12/12/1243-la-lettre
Un chiffre record en 2008 :
http://www.viva.presse.fr/105-suicides-en-prison-triste_11056.html