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Ecrit le 11 février 2004 :
L’Abbé Hervouët
Souvenirs de déportation
Il existe en France une soixantaine de délégations pour la fondation de la mémoire de la déportation qui, chacun à leur manière, entretiennent le souvenir par des conférences dans les écoles, des expositions, des livres, des « semaines du souvenir » mobilisant les témoins qui restent, les artistes et tous ceux qui manifestent un intérêt pour cette période. « On se rend compte de l’ignorance des enfants et même des jeunes professeurs » dit M. Roger Poitevin d’Angers.
Les souvenirs de l’abbé Hervouët
C’est à l’issue d’une « semaine du souvenir » que quelqu’un est venu apporter à M. Poitevin un recueil très abîmé : les souvenirs de l’abbé Hervouët, écrits par celui-ci dès 1951 à la demande de ses paroissiens. « Ces souvenirs, relatés dans une série de bulletins paroissiaux, ont frappé tant de gens que nombre d’entre eux ont recopié ce récit. Il en existe ainsi un certain nombre de versions manuscrites » dit l’abbé Emile Letertre qui, passant dans les diverses paroisses où l’abbé Hervouët a été affecté, a collecté des souvenirs et notamment cette appréciation unanime « Il était bon, il était simple ».
Joseph Hervouët, alors vicaire à St Julien de Vouvantes, ne dit pas pourquoi il est entré dans le réseau Buckmaster Oscar. On sait seulement qu’il y servit de « boite à lettres », de moyen de camouflage de gens inquiétés par l’autorité allemande. On dit même qu’il cachait des armes dans le creux des statues de son église de St Julien de Vouvantes.
Le vendredi 21 janvier 1944, il est arrêté à la fin de sa messe, à 8 heures. Un jeune séminariste, réfractaire du STO, qui était avec lui, s’aperçoit avec soulagement que la Gestapo n’a pas repéré les papiers les plus compromettants, dont certains devaient servir en cas de débarquement des Alliés. Malgré cela, l’abbé Hervouët est emmené.
Feldgendarmerie de Châteaubriant, Prison Lafayette de Nantes, Prison d’Angers dans une cellule proche de la salle des tortures. Malgré les sons de l’harmonium « on arrive à percevoir les gémissements des pauvres victimes ».
Centre de regroupement de Compiègne, puis départ à 110 par wagon, vers Mauthausen. Joseph Hervouët raconte la vie atroce du camp où « tout est mis en œuvre pour abrutir l’esprit et réduire l’homme à l’état de bête ». Les nuits plus pénibles encore que les jours, les appels, la schlague, la tragique carrière de pierres dans laquelle on parvient après avoir descendu 186 marches inégales et disjointes. Tous les jours des hommes devaient y mourir : « sur la gauche, c’était le gouffre profond de trente mètres et les malheureux y étaient précipités. Quand le Kapo estimait que la moitié de ses hommes y étaient tombés, il arrêtait les chiens et ordonnait aux survivants de descendre l’escalier pour aller chercher leurs camarades morts et les porter au four crématoire ».
Atroce
Sur une centaine de pages, Joseph Hervouêt raconte ce calvaire où il aurait dû mourir bien des fois. Son récit est dramatique, poignant, atroce par les détails qu’il donne sur les tortures infligées aux déportés, sur la bassesse des hommes (comme celui qui rapportait, contre argent, de la viande à des détenus ... morceaux découpés dans les macchabées).
En même temps Joseph Hervouë t témoigne de tous les gestes de solidarité qu’il a connus comme celui de ce condamné à la chambre à gaz qui renonce à sa dernière ration de pain.
Dachau, le camp où il faut exterminer tous les déportés au lance-flammes, avant que n’arrivent les Alliés. Les Canadiens qui interviennent à temps. La délivrance. Le retour....
Souvenirs de déportation, par l’Abbé Hervouët, en vente 10 € à St Julien de Vouvantes et à Châteaubriant
Tapuscrit
ecrit le 28 novembre 2018 :
Une personne de la région de Montoir a tapé, en 1945, le récit de déportation de l’abbé Hervouët arrêté à St Julien de Vouvantes le 21 janvier 1944. Le document original est resté dans la famille et vient d’être transmis au Musée de la Résistance à Châteaubriant. « Ce témoignage poignant est une mémoire vivante qui appartient à la France » dit la généreuse donatrice Isabelle A. de sérézin : 69360.
Jean Danais
JEAN DANAIS, Un résistant du Pays de Derval
Le 16 décembre 2005, l’Armée de l’Air a rendu hommage à l’un des enfants de Derval en baptisant du nom de Jean DANAIS la dernière promotion de l’Enseignement Technique de l’Armée de l’Air de Saintes. ( Photo : la pierre évoquant le souvenir de Jean Danais, à Saintes)
Jean DANAIS est né à Donges le 22 septembre 1918, d’un père gendarme. En 1927, suite à l’affectation de ce dernier à la brigade de gendarmerie de Derval, la famille DANAIS est devenue Dervalaise...
Passionné d’aviation, et probablement assoiffé d’aventure, il intègre le 2 octobre 1934, l’Ecole des Apprentis mécaniciens de l’Armée de l’Air, implantée alors à Rochefort. Sa formation générale et technique dure deux années, puis il rejoint sa première affectation en Tunisie à El Aouina le 9 novembre 1936. Il a juste 18 ans.
De 1939 à 1940, il prend part au conflit contre l’Allemagne et les Forces de l’Axe au-dessus de l’Italie et de la Sardaigne. En 1940, il rentre en France et, le 30 décembre 1942, après la démobilisation, il continue la lutte, comme certains de ses camarades.
Flossenbürg
Nommé inspecteur de police à Saumur le 15 mai 1943, il intègre le réseau Denis - Aristide BUCKMASTER. Arrêté par la Gestapo le 18 septembre 1943 à Saumur il est incarcéré à la prison du pré Pigeon à Angers.
Le 20 décembre 1943, il est transféré à Fresnes où il poursuit ses activités clandestines en aidant le « Petit Marchand » , prisonnier comme lui, à transmettre des informations à l’extérieur par l’intermédiaire de son épouse, Christiane FILLEUL, ce qui permet d’empêcher l’arrestation de nombreux résistants.
Le 10 février 1944 à Paris, il est condamné à la déportation. Il est tout d’abord enfermé à la prison de Karlsruhe, puis à Bayreuth avant d’être transféré le 8 mars 1945 au camp de concentration de Flossenbürg avec le matricule 86369.
Libéré par les Américains le 23 avril 1945, il ne survit pas aux mauvais traitements qu’il a subis et décède, loin des siens, le 2 mai 1945 à l’âge de 27 ans au village de Flossenbürg, à quelques kilomètres de la frontière tchèque.
En février 1946, sa tombe est retrouvée par son frère Guy et, en 1951, son corps est rapatrié pour être enterré à Derval, où il avait passé sa jeunesse et où il s’était marié. Son nom figure sur le monument aux morts de la commune.
Jean DANAIS passera à la postérité en donnant son nom à une promotion de 180 techniciens de l’Armée de ’Air.
La famille DANAIS était bien intégrée à Derval où elle a tissé beaucoup de liens. Après avoir quitté la gendarmerie, le père de Jean DANAIS a travaillé à l’entreprise dervalaise Corabœuf.
En avril 1940, Jean prenait pour épouse Christiane FILLEUL dont les parents tenaient un commerce de pâtisserie et de droguerie (actuelle boulangerie « la huche à pain » ). Le couple a eu deux enfants : Christiane et Jean-Claude, ce dernier né quelques mois seulement avant l’arrestation de son père.
Raymonde, soeur de Jean DANAIS, enseignante à l’école publique, épousa Louis LE SEAUX, instituteur en cette même école. Quant à Guy, son frère cadet, il était bien connu des Dervalais et faisait partie de l’équipe de football au sein de l’A.S.D. ; association dont Louis LE SEAUX était l’un des membres fondateurs...
Mardi 17 janvier 2006, et selon sa volonté, Jean-Claude DANAIS est venu rejoindre son père et sa mère au cimetière de Derval où il a été inhumé.
Ecrit le 1er juin 2005 :
224 pages arrachées à la mort
Germaine Tillion (1), ethnologue, est bien connue pour ses travaux sur Ravensbrück (où elle fut déportée après le démantèlement du réseau de Résistance du Musée de l’Homme). Militante des droits de l’homme, sociologue du nazisme et du totalitarisme, elle crée à Alger dès les années 50 des Centres Sociaux pour lutter contre la pauvreté et pour une meilleure scolarisation, puis elle participe à une enquête internationale sur les lieux de détention français en Algérie. Lutte contre la torture, contre la peine de mort, contre la guerre....
Elle vient de publier un livre inattendu, écrit au camp de Ravensbrück : c’est une opérette joyeuse intitulée « Le Verfügbar aux enfers ».
Rire des camps de concentration nazis. Sacrilège ! Insulte faite à la mémoire des déportés. C’est pourtant en tant que déportée que Germaine Tillion écrivit cette œuvre de fantaisie.
De surprise en surprise, on découvre que cette pièce en trois actes, printemps, été, hiver, a été rédigée par son auteur, dissimulée dans une caisse, sur un carnet volé à l’administration du camp, jouée à la dérobée devant ses compagnes du block qui se tordaient de rire à cette lecture.
Gaz à tous les étages
Diable, se dit-on, de quel rire peut-il être question quand dans le même lieu on brime, on massacre, on gaze, et on brûle les corps des femmes et des enfants ! Rire quand il vaut mieux rire que de dissoudre son énergie dans les larmes. Ce que Germaine Tillion tourne en dérision, c’est la vie même, c’est l’absurde du camp. Qu’elle attaque par le sarcasme. Quand les SS veulent faire croire aux prisonnières qu’elles vont dans un camp de repos, la « verfügbar », [c’est-à-dire la déportée qui refuse même le travail], lance « un camp modèle, avec tout confort, eau, gaz, électricité », le chœur reprend : « Gaz surtout. »
Le coup de génie de l’auteur est d’avoir trouvé les mots, le ton, et même la musique de cette autodérision particulière à ce que sont des femmes enfermées ensemble : Rien ne peut plus jurer avec la botte, le mirador, le hurlement nazi que ces nénettes, Lulu, Rosine, maniant l’ironie comme arme de subversion massive contre le camp et l’aliénation au malheur lui-même, parlant de leur anatomie déformée avec un impayable humour noir « ce ne sont plus des seins, mais des martyrs », chantant couplets et refrains sur l’air d’Orphée aux enfers, de Ciboulette, d’une réclame pour la chicorée Villot, d’une marche du 14 juillet, ou encore d’une chanson de carabins « Et l’on s’en fout d’attraper la vérole ». ..
Sabotage, sabotage, l’œuvre est tout entière faite de cet esprit de résistance à nul autre pareil, malicieux, inventif, plongeant ses racines dans une culture populaire jamais populacière.
En introduction, Claire Andrieu écrit : « L’humour noir et l’autodérision tendent aux détenues un miroir sans pitié, dont la description même force la réaction, entraîne le refus, et représente une victoire de l’esprit sur le système de déshumanisation ».
On sait que tel aura été le projet constant de Germaine Tillion : permettre aux victimes de percer le système qui tend à les accabler, de prendre à son égard de la distance et de la hauteur, pour mieux pouvoir le combattre.
Peut-être, un jour, ce « Verfügbar aux enfers » sera-t-il enseigné au titre de manuel de résistance à l’usage des nénettes.
Une mise en page d’un soin extrême, la reproduction du manuscrit original encarté, et des dessins bouleversants de France Audoul, dont le portrait d’Emilie Tillion, la mère, gazée le 2 mars 1945. Le rire d’intelligence n’a jamais tué l’émotion.
D’après Charles Silvestre L’Humanité 17 mai 2005
Une opérette à Ravensbrück
Le Verfügbar aux enfers,
224 pages. 30 euros,
Editions de La Martinière.
(1) rien à voir avec Charles Tillon
Germaine Tillion : cent ans de résistance
Marcel Letertre : notes de déportation
Ecrit le 1er septembre 2021
Joséphine Baker
Josephine Baker a connu un destin hors du commun. Enfant du Missouri, elle débarque à Paris où elle devient la reine du music-hall.
Son engagement aux côtés de la France Libre pendant la Seconde Guerre mondiale n’est qu’un aspect de son engagement militant, auquel rendent hommage ceux qui l’ont côtoyée.
Elle va rejoindre le Panthéon le 30 novembre 2021.
Souhaitons aussi que Gisèle Halimi soit également panthéonisée.
Voir sur France.tv le film : Joséphine Baker, la fleur au fusil
Ecrit le 8 septembre 2021
Raymond Vaudé
L’incroyable histoire de Raymond Vaudé : cet homme, engagé volontaire dans la Marine Nationale, libéré du service en 1923, dérape dix ans plus tard et est condamné au bagne par les assises de la Seine en 1933. Il part en Guyane, sous le matricule 52.306 par le convoi de 1935, sur le La Martinière. Il accomplit sa peine intégralement, mais ne supporte pas la condition de « libéré astreint à résidence » : en effet les condamnés au bagne étaient obligés, après leur libération, de rester en Guyane durant un nombre d’années équivalent à celui de la peine. Les « libérés » mais toujours prisonniers, sans ressources, vivaient dans le plus complet dénuement à St Laurent, quasiment condamnés à replonger dans la délinquance pour ne pas mourir de faim.
Ne supportant pas la condition de « libéré astreint à résidence », Raymond Vaudé s’évade, revient en France et s’engage dans la Résistance, ce qui lui vaut une réhabilitation solennelle, qui efface sa peine passée. C’est un homme libre qui choisit de revenir en Guyane en 1949, où il mène diverses affaires et consacre une partie de son temps et de son énergie à aider certains de ses ex codétenus.
téléfilm à voir sur france.tv
Visitez Auschwitz (en anglais)
le Pays de Châteaubriant sous l’Occupation
Hommage à Germaine Huard, Résistante
Voir aussi :