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Ecrit le 21 mars 2007
A l’invitation du Crédit Agricole et des lycées Guy Môquet et Etienne Lenoir, l’écrivain Pierre Louis Basse est venu à Châteaubriant parler de Guy Môquet et des assassinats du 22 octobre 1941.
Pierre Louis Basse, journaliste à Europe n°1, est le petit-fils de Pierre Gaudin (interné à Châteaubriant puis en camp de concentration à Mauthausen). Pierre Gaudin qui se proposera à la place d’un des jeunes : Guy Môquet, Claude Lalet
Pierre Louis Basse est aussi le fils d’Esther Gaudin, cette jeune fille de 15 ans, venue de Nantes, avec son sac à dos, pour sortir clandestinement les planches de la baraque 6, celles sur lesquelles les Otages avaient écrit leurs dernières phrases. Ces planches se trouvent actuellement au Musée de la Résistance à Châteaubriant.
« Quand j’étais enfant j’avais bien remarqué que ma mère était triste sur le Cours des 50 Otages à Nantes et qu’elle pleurait quand nous passions à La Sablière. Et puis, comme tous les adolescents, je me suis éloigné, en réaction contre mes parents. Ce n’est que vers 17 ans, à l’âge de Guy Môquet, que j’ai véritablement ouvert les yeux sur ce drame ».
Pierre Louis Basse, est un homme de gauche : « Je me suis construit comme ça, je ne mets pas mes choix dans ma poche ». Il a d’ailleurs mis en ligne un blog intitulé « Résister ».
http://www.pierrelouisbasse-resister.com/
« Je revendique le travail sur la mémoire » dit-il et son livre « Guy Môquet, une enfance fusillée » s’appuie à la fois sur l’Histoire et sur son histoire personnelle. « J’ai voulu en faire un témoignage pour la jeunesse de France, sans muséifier l’histoire ».
Il se réjouit de voir que personne à Châteaubriant n’a oublié les événements de la Sablière et que de nombreux comédiens amateurs jouent chaque année. « Les fusillés du 22 octobre appartiennent à tout le monde, à la France de Jean Ferrat et de Joachim du Bellay. Hitler disait : »Communistes, pas Français« , mais sur cette terre de l’Ouest très catholique et traditionnaliste, la mort de ces hommes fait partie de l’Histoire de France ».
Parlant de la classe ouvrière à laquelle appartenaient ces militants, Pierre Louis Basse insiste : « Ce qui m’a toujours bouleversé dans ces hommes et des ces femmes, c’est qu’ils étaient dans le don de soi, dans la générosité » et il cite de mémoire François Mauriac qui écrivit dans « Le cahier noir » : « Les martyrs rendent témoignage au peuple. Seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France profanée. A l’heure où j’écris, (novembre 1941) tant d’autres Français sont mus par une passion élémentaire : la peur ! Ils ne l’avouent pas, rendent au maréchal un culte d’hyperdulie, invoquent Jeanne d’Arc, mais dans le secret, tout pour eux se ramène à l’unique nécessaire : sauver leurs privilèges ».
Pierre Louis Basse ne refuse donc jamais de venir témoigner, passer le témoin. Aux jeunes à qui il raconte la Sablière, il parle de l’acceptation de l’autre, de l’acceptation de la différence, « Ne dites jamais, même pour jouer, » Sale juif « ou » sale arabe « »
Et puis il raconte : ce jeune homme, qui était élève à Carnot (un lycée prestigieux de Paris où étudièrent Louis Aragon, Michel Berger et ... Jacques Chirac). Guy aimait le foot et les filles, il aimait le latin et écrivait ses lettres en alexandrins. Il était le fils de Prosper Môquet, un cheminot devenu député, interné dans un bagne en Algérie parce qu’il était communiste. Alors les Nazis arrêtent le fils, en classe, à la place de son père. La justice ordonne sa libération mais le jeune homme est envoyé au Camp de Choisel à Châteaubriant. ... jusqu’Ã ce funeste 22 octobre 1941.
Louis Aragon popularisera cet événement dans son poème « le témoin des Martyrs ». René Guy Cadou, Maurice Schuman, Charles de Gaulle feront savoir dans le monde entier comment la France avait été défigurée par ces assassinats indignes..
« Vous les jeunes, il faut que vous fassiez ce travail de mémoire pour que d’autres Châteaubriant ne se produisent pas dans le monde. Battez-vous contre le racisme, battez-vous contre la bêtise. Amusez-vous, c’est de votre âge, mais restez vigilants sur l’acceptation de l’autre » a conclu Pierre Louis Basse en citant Pierre Mendès France qui, interrogé dans le merveilleux documentaire de Marcel Ophuls : Le chagrin et la pitié, dit :
« certaines tendances, certaines démagogies, quand on les fouette, quand on les alimente, quand on les stimule, se raniment. Il faut toujours être en état de défense et préparer la jeunesse contre ces propagandes... »
Sarkozy, récupérateur sans pudeur
Ecrit le 21 mars 2007
« Dire que Lucie Aubrac était quelconque n’est pas lui faire injure mais lui rendre hommage, parce qu’elle incarne parfaitement la définition du héros : un personnage ordinaire dans une situation extraordinaire. » dit Tristan Valmour (1)
Lucie Bernard, née en 1912, était fille de viticulteurs bourguignons, elle réussit de brillantes études et passa avec succès le concours de l’École normale primaire pour entrer dans l’enseignement. Mais par refus des contraintes et de l’uniforme de l’internat elle décida de « monter » à Paris dès ses 17 ans pour gagner sa vie comme .. plongeuse ... dans un restaurant. C’est à cette période de sa vie qu’elle noua des contacts avec des militants communistes. séduite par leurs idées, elle refusa néanmoins de s’engager plus avant dans le parti.
Ses rencontres au cours des années 1930 avec de jeunes Polonais, Hongrois, Allemands et Roumains fuyant les régimes autoritaires de leur pays la sensibilisèrent au danger représenté par le fascisme. En 1936, lors d’un voyage à Berlin à l’occasion des Jeux Olympiques, elle prit brutalement conscience de la réalité du régime nazi et de son antisémitisme.
Agrégée d’histoire, elle fut nommée professeur à Strasbourg. C’est là qu’elle rencontra Raymond Samuel.
Dès la défaite de juin 1940 et l’occupation de la France par l’armée allemande, elle et son mari refusèrent la défaite et choisirent la voie de la clandestinité et de la Résistance. En 1941, Lucie faisait partie du groupe Libération-Sud, qu’elle-même, son mari et Jean Cavaillès avaient contribué à créer à Lyon. Ils adoptèrent alors comme « nom de guerre » celui d’Aubrac, une région française, à l’instar d’autres résistants comme Jean Guéhenno, surnommé cévennes, ou Jean Bruller mieux connu sous le nom de Vercors.
Glorieuse figure de la Résistance, Lucie Aubrac fut chargée par de Gaulle de la mise en place des Comités départementaux de Libération, et participa à l’Assemblée Consultative du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Après la guerre, elle continua à enseigner et à militer au Maroc puis au cours de la Guerre d’Algérie, toujours en faveur des droits de l’Homme et des Libertés. Plus récemment, elle prit part aux actions de défense des Sans-Papiers.
Ecrit le 28 mars 2007
Rien qu’en mémoire de Lucie
"Le vent est encore fécond
d’où a surgi la bête immonde"
Bertolt BRECHT
Les événements ou discours ci-dessous 1)- à 4)- ont tous eu lieu le lundi 05 mars 2007, maudite et triste journée. La peur de l’étranger et la banalisation de la haine, du crime, du communautarisme et du racisme avancent chaque jour davantage. En ces temps électoraux, nous devons savoir ce que nous ne voulons pas vivre. Alors .... suivez le guide et prenez des notes :
1)-« Ouverture d’un lycée musulman dans la banlieue lyonnaise appuyée par des intégristes et démolition d’une maison de jeunes à Copenhague avec expulsion de ses occupants à la demande d’une communauté chrétienne propriétaire ».
Sommes-nous obligés de croire en un Dieu supérieur aux intérêts laïcs et vitaux de nos démocraties ?
2)-« Parution d’un sondage Ifop dans La Croix qui mentionne une grosse cote et une surcote respectivement pour Sarkosy et Le Pen chez les catholiques français » (Noë l Copin doit se retourner dans sa tombe).
Sommes-nous obligés de nous laisser aller à la haine alors que Dieu, si j’ai retenu la leçon de mon catéchisme, est Amour ?
3)-« Procès de l’agriculteur assassin d’inspecteur(e)s du travail », qui exploitait des saisonniers marocains et qui sem-
ble avoir de nombreux soutiens parmi les témoins. Le verdict du tribunal est tombé quelques jours plus tard : 30 ans de réclusion criminelle pour l’auteur de ce double assassinat, dont un coup de fusil dans le dos d’une femme.
Sommes-nous obligés d’accepter la dérégulation du Code du travail et l’impunité des employeurs aux pratiques illégales ?
Sommes-nous obligés d’accepter l’exploitation des travailleurs, saisonniers ou pas, immigrés ou pas ?
Sommes-nous obligés d’accepter que le statut de travailleurs pauvres soit la norme en France ?
Sommes-nous obligés d’élire les mêmes représentants d’une droite dure qui n’ont pas levé le petit doigt lorsque ces deux représentants du droit du travail ont été abattus comme des chiens le 02 septembre 2004 ?
4)-« Suppression de l’Aide médicale d’Etat (AME) pour les étrangers sans-papiers par Philippe De Villiers s’il arrive au pouvoir (propos tenus sur France 3) et annonce par Nicolas Sarkosy d’une »vague de migrants« (et pourquoi pas un tsunami ?) allant déferler sur l’Europe ». L’annonce de la création, si il est élu, d’un Ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration sera faite quelques jours plus tard par le même petit démagogue.
Sommes-nous obligés d’accepter que des personnes vivant à côté de chez nous ne puissent avoir accès aux soins ?
Sommes-nous obligés d’accepter la moindre petite phrase démagogique et délirante de Sarkozy ou de De Villiers, Le Pen ayant ouvert la voie des dérapages verbaux provocateurs (« Durafour crématoire », "les détails de l’Histoire : chambres à gaz des nazis ; trois mille morts du World Trade Center) ?
A quand une justice poursuivant vraiment les auteurs de ces propos racistes et négationnistes ?
A quand la dissolution du Front national ? Allons-nous laisser Sarkozy suivre les pas de Le Pen ?
Sommes-nous obligés d’accepter que les oiseaux du malheur s’abattent ainsi un peu plus chaque jour sur l’Europe ?
Allons-nous enfin nous mettre en campagne, pour les jours qui nous restent à vivre, afin de débusquer les menteurs et les faiseurs de haine de tout poils qui nous polluent l’existence, nous pompent l’air, nous étouffent, nous tuent un peu plus chaque jour ?
René Char, que l’on fête cette année, grand poète et chef d’un maquis de la résistance, écrit :« ne t’agenouille que pour aimer ». Alors arrêtons de nous agenouiller devant ce macabre spectacle.
En route camarades, debout, résolument à gauche, pour la défense de nos valeurs républicaines, laïques et démocratiques, qui sont à l’opposé des dogmes de la droite ultralibérale-fasciste de Sarko, du fascisme de Le Pen, du nationalisme puritain de droite de De Villiers, ou de l’intégrisme religieux des fous de Dieu.
En route, rien qu’en mémoire de Lucie Aubrac...notre « Madame conscience ».
Ecrit le 18 avril 2012
Raymond Aubrac
Il y a un an, Raymond Aubrac était l’invité des Amis de l’Humanité en compagnie d’Edgar Morin. Le résistant décédé le 10 avril 2012 s’était alors adressé à la jeunesse de France, lui demandant de « ne pas baisser la tête ».
« Lorsque les jeunes m’interrogent, ils me demandent toujours pourquoi nous avons résisté ? Eh bien, je leur réponds »‰ : parce que nous savions que ça servirait à quelque chose Même si nous savions que nous pouvions mourir, nous agissions pour les nouvelles générations « De nombreux jeunes, surtout en banlieue, n’ont pas d’avenir Ils savent que la société ne les attend pas. c’est grave, extrêmement grave. Je dis aux jeunes »‰ : si vous baissez les bras, si vous baissez la tête, face aux injustices, vous risquez d’être battus, mais si vous n’êtes pas résignés et que vous prêts à affronter les difficultés du combat, vous avez des chances de vaincre.« Le débat avait ensuite porté sur le programme du Conseil national de résistance. »Il a conservé sa force génératrice parce qu’il a été conçu par des résistants de tous horizons, expliquait Aubrac. Ils voulaient une autre République, plus juste. Une société meilleure. Celle d’aujourd’hui est dominée par une énorme masse d’argent qui ne sert qu’aux spéculateurs. résultat, nous sommes obligés de vendre les bijoux de famille"
NOTES:
(1) sur le site http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=20783