Ecrit le 12 juin 2013
Une histoire de cran, de passion, d’amour
De doux géants à la Bossardais ! Histoire d’un élevage rare en France.
La Bossardais, un village perdu dans la campagne de St Aubin des Châteaux, quelques maisons en pierres, un four à pain, de l’espace et le chant des oiseaux. Et l’exploitation de Sophie Hervé, une jeune femme dynamique qu’habite une passion : les chevaux Shire (prononcez sha-yeure).
Une passion oui, et plus qu’on ne croit. Sophie est née en Angleterre, elle est parfaitement bilingue ! Et c’est très jeune qu’elle s’est prise d’affection pour cette race méconnue.
Shire : une race typiquement anglaise, au point d’avoir marqué la toponymie (Yorkshire, Lincolnshire, Lancashire, Northamptonshire …). Une race qui a traversé les siècles : Jules César lui-même, dans son De bello Gallico (La guerre des Gaules), en parlait il y a plus de 2000 ans.
Sophie avait une jument shire. Un jeune homme avait un étalon de même race. L’amour a rassemblé ces deux jeunes et Sophie est venue vivre en France avec son époux. Mais la maladie a détruit leur couple. Avec cran et passion, Sophie a décidé de reprendre l’exploitation : une dizaine de juments et trois étalons, sur 17 hectares de terres « tout autour de la maison, j’ai de la chance » dit-elle, sachant qu’elle peut surveiller ses chevaux de loin et intervenir rapidement s’il y a un problème.
Un étalon géant
Les randonneurs de Rando-Mée ont été invités à découvrir Prince Edward un étalon de 5 ans. « Il mesure déjà 1,93 m au garrot » dit Sophie. Avec la tête, cela fait bien 2,20 m. « Et il va grandir encore pendant 2 ans. Cette race fait les plus grands chevaux du monde ». L’animal fait environ 1,5 tonnes !
Prince Edward est bien dressé. Il comprend le français et l’anglais. Sur un mot, il sait marcher, courir, galoper, faire demi-tour. Et tout à coup : un hennissement particulier : c’est qu’il a aperçu une pouliche passant sur le chemin. L’étalon en est aussitôt émoustillé et la verge qui s’allonge manifeste l’intensité de son désir. Hé non, mon vieux, c’est pas pour toi cette fois …
Cheval de bataille
Sophie explique que la race Shire a failli disparaître. Il naît 1000 Shire par an en Angleterre et seulement une quarantaine en France. Sophie milite pour les faire connaître. « Ce sont des chevaux de super caractère, des géants-doux. Ici j’en vends environ 7 par an, en Espagne, Algérie, Croatie, France... ». Le cheval Shire n’est pas orienté « compétition ». Il est un cheval de loisir, d’attelage … et de travail !
Cheval de bataille : le Shire était apte à porter un cavalier et sa lourde armure. Sa haute taille et sa puissance en imposaient aux adversaires !
Cheval de travail : le Shire équipait (et ramenait !) les brasseurs anglais qui allaient livrer leurs fûts de bière.
Cheval de travail, le Shire est idéal pour les débardages en forêt. Il a été utilisé encore pendant la seconde guerre mondiale pour défricher des terrains marécageux dans le sud de l’Angleterre. Il passe sans dégâts sur les berges de rivière pour les opérations de restauration.
Des enfants au Père Noël
Cheval « social », il est utilisé dans certaines communes pour faire du ramassage scolaire ! A La-Chapelle-Gaceline, pas loin de La Gacilly en pays gallo, des chevaux transportent les enfants de l’école à la cantine, assurant des balades l’été pour les amoureux de transports plus près de la nature et accompagnant les cérémonies et animations communales, à la demande. En Normandie, pays du cheval, les chevaux territoriaux sont très développés. Arrosage, transport des déchets verts, distribution du bulletin municipal : tout peut se faire avec un cheval ! Y compris la tournée du Père Noël ! Paris-calèche emploie des Shires pour ses promenades romantiques dans la capitale.
On peut voir des Shire au festival annuel « Les Chevaux du Monde » et en septembre à la Foire de Béré.
Elevage familial
Les étalons de Sophie Hervé sont des animaux contrôlés (approuvés) à 2 ans et confirmés à 6 ans, par les spécialistes de la « Shire Horse Society » qui viennent spécialement de Northampton, Angleterre. Les femelles en quête de saillie viennent d’un peu partout (France, Belgique, Italie) et l’opération se déroule « à l’ancienne » devant la maison, et devant l’antique hangar habillé de bois. L’exploitation de la Bossardais a gardé son caractère familial et les propriétaires de juments sont reçus comme des amis.
Photo de Sophie Hervé
Le travail de l’exploitation c’est 7 jours sur 7, et la nuit quand un animal est malade ou quand c’est la période de la mise-bas. La nourriture des chevaux, ce n’est pas rien : le volume est en proportion de la taille du cheval. Sophie ne produit pas elle-même le foin dont elle a besoin : elle s’arrange avec les agriculteurs voisins. Mais, à côté du travail, il y a le plaisir : travailler avec les chevaux, apprendre à les connaître, les voir évoluer et …. participer au plaisir des personnes qui les achètent. Il va sans dire que les deux fillettes de la maison, 3 ans et 9 ans, participent allègrement à ces activités.
Drum horse
Le Shire peut être croisé avec la race Gypsi (ou Irish cob) pour donner des « drum horses » ou « chevaux-tambours » ainsi nommés parce qu’ils sont utilisés par la Garde Royale de la Reine d’Angleterre pour transporter, durant les parades, deux énormes tambours ainsi que le cavalier (soit un poids de 150 kg environ !). Le cavalier du Drum Horse doit diriger son cheval juste avec les rênes attachées aux pieds, puisque ses bras sont occupés par le tambour, ce qui exige donc au cheval beaucoup d’attention, d’obéissance et de patience.
La tête à 2,20 m au moins
Sophie peut vendre des poulains (ils font tout de même 1,10 m au garrot à la naissance), ou les vendre plus âgés. Sur demande, elle achète de jeunes chevaux en Angleterre et les élève à la Bossardais. « Il faut les « débourrer », les habituer à porter un harnais, leur apprendre à ne pas avoir peur des cris des enfants, chiens, des tracteurs, des avions, des bruits divers de la vie moderne ». C’est une éducation nécessaire car le cheval est d’un naturel peureux. Et même s’il est grand, il est encore tout jeune. « C’est encore un bébé » dit Sophie.
Le prix d’un cheval varie selon de nombreux facteurs : en particulier la couleur (le noir est le plus cher), le nombre de balzanes (les chaussettes blanches de l’animal), le dressage.
Le vieux hangar assiste aux saillies
Si vous voulez en savoir plus, le site internet est elevagebrazsweet.com
braz, à la bretonne, pour « grand’ »
sweet, à l’anglaise, pour « doux »
Tout pour plaire !
signé : B.Poiraud
1,10 m à la naissance !