Ecrit le 2 septembre 2015
C’est un manoir perdu au bout d’un chemin à peine empierré. Le vieux gars qui l’habitait, autrefois, avait laissé pousser la végétation aux alentours pour vivre en reclus, laissant même la pluie dégrader le toit et les murs... Et puis il est mort, c’est notre avenir commun, et le temps a fait son œuvre, les broussailles ont conquis tout le terrain.
En 2005 quelques ’’fous’’, constitués en SCI (société civile immobilière) achètent le manoir. Fous oui, mais surtout amoureux des vieilles pierres, des encadrements de schiste, des poutres sculptées et de l’histoire du lieu. Ne dit-on pas que Mme la Comtesse de la Valette est morte en ce manoir en 1843, elle avait 21 ans. Une petite chapelle cachée par des ifs centenaires raconte cette histoire ...
Le habitants du manoir mènent une expérience humaine visant l’autonomie comme dynamique sociale en harmonie avec la nature. Ils rénovent, font du maraîchage bio, récoltent, pétrissent le pain (qu’on peut trouver chaque vendredi au magasin Vival à Châteaubriant, et au Papier Buvard à Soulvache).
Photo : Le mur et ses appouettes. La fenêtre a été ouverte pour faire une porte.
Dans la convivialité, ce projet est porté par un large réseau : le collectif des habitants, les sociétaires de la SCI, les adhérents de l’association, les volontaires de passage sur le lieu. Régulièrement ont lieu des « chantiers festifs » où vient qui veut. Des wwoofeurs y sont accueillis donnant un coup de main en échange du gîte et du couvert. Il y a quelques mois, des appouettes ont été placées sur la façade qui s’apprêtait à basculer. Une fenêtre a été ouverte pour créer une porte. La toiture d’un bâtiment ’’Grand Commun’’ a été refaite avec des ardoises de récupération. Dans la salle centrale, une des grosses poutres du plafond, pourrie à une extrémité, a été réparée. Des ’’corbeaux’’ dans le mur ont été reconstruits un peu plus loin, pour recevoir la deuxième grosse poutre. Quant à la troisième ... elle était absente et pourtant nécessaire.
Les 8-9 août les participants se sont réunis avec le sculpteur Patrig Ar Goarnig pour définir ce que serait cette poutre puis chacun s’est mis à l’œuvre, celui qui savait sculpter, comme celui qui n’avait jamais manié un ciseau à bois. Le gros nœud au centre de la poutre est devenu soleil-triskell dardant ses rayons sur le tronc. Deux mains, une main de femme, une main d’homme, ’’tiennent’’ la poutre comme le font souvent les engoûlants. Une vouivre (qui appartient au bestiaire médiéval fantastique) fait le lien entre les quatre éléments : l’eau, l’air, le feu, la terre, c’est pourquoi elle a des ailes et des nageoires. Elle est accompagnée par une tête de bœuf, une chouette et un héron, un dragon et une abeille.
« Dans quelques années, quand les résineux auront remplacé les chênes dans nos forêts, cette poutre témoignera dans 200 ans de ce qu’était le chêne » dit Dorothée Saucourt pour qui cette poutre évoque un ensemble de valeurs : le don, le respect de la nature, la sagesse, l’abondance.
Christophe Guilleux et Jean Mataouteck, initiateurs de cette aventure, ont des projets : créer une coursive tout autour de la grande salle, et une mezzanine, pour les futurs spectacles qui auront lieu dans cette belle salle. Tout cela se fera par ’’chantiers festifs’’ : apprendre des techniques, en vivant autrement. « Nous ne demandons pas de subvention » disent-ils, « nous faisons confiance à la bonne volonté et au travail des gens d’ici ».
Le chantier de La Grée est un exemple d’économie collaborative.
La tête de la vouivre