Nous avions un site internet consacré à l’incendie de l’abattoir Tendriade le 12 septembre 1999 à Châteaubriant. Nous avons dû le fermer suite à une mise en demeure de la société Tendriade (voir article 515).
Les textes sont cependant ici, car ils font désormais partie de l’histoire industrielle de Châteaubriant. Nous n’y mettons nullement en cause la qualité des produits « Tendriade » mais seulement l’attitude de la Direction dans les suites qu’elle a données à l’incendie du 12 septembre 1999.
comment acheter l’opinion publique à un prix dérisoire
A l’issue du Comité d’Entreprise qui s’est tenu le 25 janvier dans l’entreprise Tendriade, la Direction a précisé les aides qu’elle peut apporter aux salariés « pour que le transfert se fasse de manière réussie » :
A - mesures d’aide au déplacement à CHATEAUBOURG
mise en place d’une ligne budgétaire d’indemnité, ajustable et étalée dans le temps (on parle de 72 000 F)
aide au déménagement de 10 000 F + prise en charge du déménagement
aide à l’acquisition d’un véhicule : remise sur véhicule neuf (15 à 20 %), prêt à taux zéro
aide à la négociation immobilière
B - aides à l’emploi local
versement de trois mois de salaire à une entreprise accueillant un salarié en contrat à durée indéterminée.
accompagnement des salariés dans leur nouvelle entreprise avec un complément temporaire sous forme d’indemnité pour couvrir les éventuelles différences d’avantages sociaux.
3) complément d’indemnités pour les salariés ayant retrouvé un emploi par eux-mêmes
C - mesures d’accompagnement sur les autres sites du Groupe (Retiers ou Bouvron) : compte tenu des distances beaucoup plus faibles, ces mesures se situeront à 50 % des mesures de CHATEAUBOURG.
L’entreprise précise qu’un salarié qui se voit rapproché de chez lu ! par un transfert de son contrat de travail ne doit pas bénéficier de ces aides (par exemple : un salarié habitant Rennes et allant à Châteaubourg).
Note de la rédaction :
Avec ces propositions, qui paraissent intéressantes, le groupe Lactalis-Tendriade n’hésite pas à acheter, à des conditions dérisoires, le droit de déplacer son usine de Châteaubriant vers Châteaubourg.
Il tente d’influencer les salariés et … l’opinion publique, qui pensera que ces salariés ne sont pas malheureux. Comme si l’argent faisait tout à l’affaire, comme si les longs trajets à venir, ou les déménagements prévisibles, n’étaient pas un handicap durable, avec tout ce qui les accompagne : notamment la destruction de la vie de famille et des liens sociaux tissés depuis des années.
Lactalis ne sera le seul groupe dans le monde, où des patrons rusés font appel à des départs volontaires (moyennent primes) : sauf que, quelques années plus tard, les salariés se retrouvent « Gros Jean comme devant ».
un choix difficile pour les salariés
Les salariés de l’abattoir Tendriade ont été reçus individuellement une première fois par la Direction, pour exprimer leurs désiderata.
Par ailleurs la Direction a fait connaître ses propositions financières, avec un objectif : pousser les salariés à s’installer à Châteaubourg :
postes équivalents à ceux occupés actuellement
continuité des contrats de travail donc des avantages acquis
indemnités de déplacement
majoration pour travail de nuit
Des indemnités étriquées
Les frais de déplacement prévus par la Direction se montent à 2700 F par mois maximum, et dépendent de la distance effectuée par le salarié.
Exemple : un salarié qui habite actuellement à Soudan et vient travailler à Châteaubriant, a 6 km à faire. En allant à Chateaubourg, cela lui fera 54 km soit 48 km de plus que maintenant. L’indemnité sera alors les 48 / 54e du maximum soit 2400 F par mois.
Les salariés comptent et recomptent. 54 km pour aller travailler, autant pour revenir, cela fait 2400 km par mois. L’indemnité proposée ne couvre pas les frais d’essence et d’entretien du véhicule ! D’après « Expert Infos » de février 2000, le barême fiscal de remboursement des frais de déplacement est de 1,894 F du kilomètre pour une voiture de 5 cv et de 1,997 pour une voiture de 6 cv. Les salariés y perdent donc au minimum 1846 F par mois environ ! (*) . Et au bout de 5 ans : plus d’indemnité du tout !
Les salariés auraient préféré un transport par car : mais celui-ci ne sera assuré que jusqu’en juin 2000. Evidemment : car il empêcherait la flexibilité des horaires du personnel.
Les prix flambent
En fait, ce que cherche la Direction, c’est que les salariés s’installent à Chateaubourg : vendre leur maison ici, en acheter une là-bas . Les salariés ont aussi fait leurs comptes : en admettant que 40 à 50 d’entre eux vendent leur maison, ce ne sera pas à plus de 500 000 F, mais il faudra compter le double pour acheter là-bas. Déjà les prix flambent aux alentours de Châteaubourg
Les CDD à la porte
Une autre solution, c’est que les salariés de Tendriade trouvent de l’emploi dans d’autres usines du groupe. On s’étonne de découvrir 56 postes disponibles à Retiers, 13 à Bourgbarré et 35 à Bouvron. Explication : le groupe Lactalis fera de la place en licenciant les gars qu’il a actuellement en CDD (contrat à durée déterminée). Bonjour l’ambiance !
Un coup
Les salariés étudient actuellement les propositions qui leur sont faites. Mais ce n’est pas la joie dans les ateliers. Le personnel est à cran, la production en prend un coup. Le contraire eût été anormal ! Les salariés doivent être reçus une nouvelle fois par la Direction, pour décision définitive. Le choix est difficile : rester chez Lactalis et bénéficier des avantages sociaux actuels, mais connaître de lourdes difficultés de logement et de déplacement — ou bien rester sur Châteaubriant, trouver du travail dans une entreprise locale, en ignorant quelles sont les conditions sociales.
Quoi qu’il en soit, la période est douloureuse et ceux qui, au vu de quelques chiffres ronflants jetés en pâture, disent aux salariés « Vous n’êtes pas à plaindre », n’ont pas fait les calculs (*) et surtout ne se rendent pas compte des souffrances qui se cachent derrière quelques billets de banque.
Bien sûr, un emploi c’est mieux que rien. Mais quand on fait le compte des sommes que Lactalis est prêt à investir (**) pour garder une bonne image dans l’opinion publique, on se dit que les profits du rapprochement Lactalis-Collet doivent être bien juteux et, qu’en face, les soucis d’aménagement du territoire et de respect des salariés, ne pèsent pas bien lourd.