Ecrit le 30 août 2017
Julio et Victor
Le débat qui a eu lieu, à la Fête de la Solidarité à Gruellau en 2017, a permis d’entendre Julio et Victor. Tous deux sont présidents de coopératives à Mozonte (230 km au nord de Managua). Ils sont tous deux issus de la communauté indigène de Mozonte.
Julio López López, 48 ans, habite dans la communauté el Cacao, au sud de Mozonte. Il vient d’une famille de 10 enfants. Il est marié, il a un fils de 15 ans. Il possède 2,8 hectares et cultive des grains de base (haricots rouges, maïs) ainsi que des légumes et fruits (manioc, ananas, fruits de la passion...). Il vend une partie de ses récoltes.
Entre autres activités, Julio fait partie d’une équipe de vingt personnes qui organise des brigades contre les incendies. Il est membre d’une commission pour la protection de l’environnement organisée par la mairie de Mozonte. Il a été un promoteur très actif du « programme paysan à paysan » (apprendre en faisant) de 2008 à 2012 et coordinateur de la banque de graines dans sa communauté : achat, stockage et revente de haricots rouges.
Le Nicatagua a connu 40 ans de dictature (Somoza jusqu’en 1979), 11 ans de gouvernement révolutionnaire sandiniste avec Daniel Ortega. Mais les États-Unis, dirigés par Ronald Reagan, ont manifesté une hostilité virulente à la révolution sandiniste et armé les Contras, groupes rebelles anti-sandinistes. Ils ont décidé également d’isoler le Nicaragua en imposant un embargo et en minant les ports. Les affrontements ont généré près de 30 000 morts et épuisé l’économie.
En 1990, Violeta Chamorro est élu contre Daniel Ortega, et mène une politique économique libérale d’ajustements structurels, supervisée par le FMI et la Banque mondiale. Le Nicaragua s’ouvre à la démocratie libérale, mais connait également une régression sociale importante qui culmine avec l’apparition de famines à la fin de la décennie. En 1996 Arnoldo Alemán (conservateur, ancien somoziste) remporte l’élection présidentielle contre Daniel Ortega mais il sera condamné à 20 ans de prison pour détournement de fonds. Enrique Bolaños, ancien vice-président d’Arnoldo Alemán, accède à la présidence en 2002 grâce à une campagne « anti-corruption ». Finalement en novembre 2006, Daniel Ortega est élu président. Il choisit comme vice-président un ancien Contras. Il est réélu le 6 novembre 2011.
Julio explique qu’il faut désormais vivre ensemble : ceux qui étaient Sandinistes et ceux qui étaient Contras. Les familles elles-mêmes pouvaient avoir des hom-mes des deux côtés. « Le gouvernement nous a incités à la réconciliation » dit Julio, mais « la guerre laisse des traces, les choses n’avancent pas comme on voudrait ». Les jeunes disent : plutôt la guerre pour en finir avec les divisions. Mais ceux qui ont connu la guerre ne souhaitent absolument pas revenir à cette situation.
Victor Manuel López Castillo, 35 ans, célibataire, est président de la coopérative de café de Mozonte. Il est issu d’une famille de 5 enfants. En 2005, il a obtenu son diplôme d’avocat . En 2009, passionné par la nature, Victor a acheté 4,2 hectares dans la région nord de Mozonte et a planté 1,75 ha de café. En 2016, il a cueilli 225 kg de café. Ses qualités (observation, honnêteté, modestie) sont largement reconnues par les producteurs et productrices de la commune de Mozonte et comme une personne qui ne cherche pas le pouvoir. Sa passion est sa plantation de café, la nature et les animaux et par conséquent le respect et la protection de l’environnement. Il suit des cours pour devenir dégustateur de café et aussi apiculteur. Il explique que le « vivre ensemble » avec les gros producteurs de café est plutôt tendu. « La production du café est annuelle, le petit producteur, pour survivre, doit souvent s’embaucher chez le gros producteur ». Les gros producteurs de café se moquent pas mal de la protection de l’environnement et de l’emploi local, ils embauchent plutôt des personnes venant du Honduras voisin. « c’est ainsi que se développe l’insécurité sociale et le trafic de drogue ». Au Nicaragua, il n’y a aucun contrôle sur la culture du café. Les gros producteurs s’installent dans les forêts et abattent les arbres pour les vendre, ils écopent d’une amende mais ils s’en moquent puisqu’on ne les oblige pas à réparer. « Au Nicaragua, actuellement, on vit en paix, mais préoccupés par le Honduras voisin et les USA »
Question a été posée sur le Venezuela : Julio et Victor soutiennent l’action menée naguère par Hugo Chavez qui a créé l’alliance Bolivarienne (ALBA). Cette alliance, basée sur une logique coopérative plutôt que sur le libre-échange avec les USA, a mené des actions très positives sur la Santé, l’agroalimentaire et la Culture. « Le vénézuela nous a apporté l’électricité. Pour nous, le vénézuela c’est la fraternité » disent-ils en apportant leur soutien au président actuel, Nicolas Maduro.
Après la fête, réussie selon les organisateurs, pendant que les équipes s’activent à tout démonter, Julio et Victor prennent connaissance du programme bien rempli de leur séjour en Loire Atlantique. séjour qui commence par une semaine dans le castelbriantais avec des visites sur des sujets qu’ils ont souhaité découvrir : torréfaction du café, chocolaterie, jardins familiaux, forêts. Sujets en lien avec leurs propres préoccupations.
Ecrit le 20 septembre 2017
Des Nicas dans l’coin
Les deux campesinos du Nicaragua, Julio Lopez Lopez et Victor Lopez Castillo, en venant en France avec l’association Echanges et Solidarité 44, pour la Fête de la Solidarité, avaient émis quelques souhaits de visite, en rapport avec les préoccupations de leur propre coopérative.
Les objectifs de la coopérative de Julio, qui vit dans une région aride, sont de diversifier les ressources alimentaires, de bien gérer l’eau et de vendre quelques surplus sur le marché local. Les membres de ES 44 l’ont emmené voir les jardins familiaux de l’association Rencontres , l’élevage de poules pondeuses de Maxime Hupel à Soudan et celui de vaches et porcs élevés sous la mère chez Adrien Ralison de St Michel et Chanveaux. Le mercredi matin, un tour sur le marché de Châteaubriant lui a permis de découvrir comment, ici aussi, des petits producteurs écoulent directement leur production. A la Rousselière, chez Aurélien Orain, il a vu la fabrication du pain. Son épouse produit aussi des pains, même s’ils sont bien différents de ceux d’ici ! Lui qui possède une vache, donnant en moyenne 3 litres de lait par jour a été bien impressionné par l’élevage de montbéliardes de la ferme.
Victor, président d’une coopérative de petits producteurs de café, producteur lui-même, tenait à voir l’extrémité de la chaîne de ce commerce. Son objectif : comprendre l’attente des consommateurs et les circuits commerciaux. Il a été particulièrement intéressé par la visite de l’Esat de Bain de Bretagne et par la rencontre avec la responsable de l’importation du café pour Lobodis qui commercialise du café labellisé équitable. A la chocolaterie Guisabel de Candé, tout en dégustant de délicieux bonbons, il a compris l’importance des gros importateurs. Ayant récemment acquis une petite parcelle forestière, il était curieux de connaître les méthodes de gestion de la forêt en France. A St Michel et Chanveaux, il a pu en discuter avec Samuel Legrais, conseiller en gestion forestière et agroforesterie.
ES44, en leur proposant les visites, cible de préférence des producteurs les plus proches possibles de leurs conditions, même si, ici, on en est loin ! Julio et Victor ont remarqué le souci d’acheter bio et équitable. Ils ont été surpris par l’importance des jardins chez les gens qui les ont reçus et par le souci de ces personnes de produire le plus sainement possible.
Bien sûrquelques visites plus touristiques leur ont permis de voir différents aspects de la vie en France : Moulin de Sion les Mines, village de la Hunaudière, centre ville de Nantes et même déchetterie de Châteaubriant. Tout ceci dans une ambiance conviviale au moment des pique-niques ou diners chez les divers hôtes.