Ecrit le 5 décembre 2017
Les « gilets jaunes » se sont manifestés pour la troisième fois ce 1er décembre 2018, plutôt pacifiquement en province (sauf exceptions au Puy-en-Velay, à Tours, à Tarbes, Toulouse, à Marseille ou Dijon), plutôts violents à Paris sur les Champs Elysées. Ce mouvement pose de nombreuses questions
De quoi s’agit-il ? d’un mouvement de ras-le-bol fiscal ? d’une insurrection populaire contre la misère ? Est-ce un mouvement d’intérimaires, de chômeurs et de bénéficiaires du RSA , ou de petits patrons, d’auto-entrepreneurs, de commerçants et d’artisans ? Ou les deux ? Et si oui, quel lien et quelle alliance entre les deux ?
Est-ce que le fait d’avoir du mal à remplir son frigo pour nourrir ses enfants, c’est la même chose que critiquer la hausse des taxes et de la CSG ? Est-ce qu’on a un problème avec la CSG quand on n’est pas imposable ?
Les Gilets jaunes, n’est-ce pas déjà une alliance entre pauvres et moins pauvres ? Entre ceux qui ont du mal à remplir leur frigo et ceux qui aimeraient partir plus souvent en vacances ? Entre ceux qui gagnent 2000 euros par mois et ceux qui sont au SMIC ou en-dessous ? Entre la carpe et le lapin ? Qui va sortir gagnant de cette alliance de fait ?
Les gilets jaunes gênent et interrogent. Le majorité qui gouverne ce pays est divisée. Certains élus majoritaires rappellent qu’ils ont alerté ces derniers mois sur la grogne autour du pouvoir d’achat ou du sentiment d’abandon dans les campagnes.
Quelques-uns, prévenant que la poursuite de la hausse des taxes allait coincer, avaient lancé l’été dernier des pistes pour des compensations sociales plus importantes. « Il y en a qui font remonter les craintes et les mécontentements, mais ils ont l’impression d’être pris pour des gens qui s’affolent pour rien », rapporte un élu rural. La lettre du député Yves Daniel est muette à ce sujet ...
Ce qui s’est passé dans le centre de Paris est révoltant. Scènes de guerre. Une poignée de casseurs, infiltrés parmi les gilets jaunes, brûlant les voitures, érigeant des barrages, attaquant les policiers, le tout dans le quartier le plus symbolique aux yeux des touristes, à deux pas de l’Elysée. D’importantes dégradations ont eu lieu à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’Arc de Triomphe à Paris et même la tombe du soldat inconnu n’a pas été respectée. véhicules et restaurants incendiés, magasins saccagés et pillés, forces de l’ordre et de secours prises à partie : du quartier de l’Opéra à la prestigieuse avenue Foch en passant par la rue de Rivoli, les scènes de guérilla urbaine se sont répétées dans plusieurs quartiers huppés de la capitale, éclipsant le message porté ailleurs en France par des dizaines de milliers de « gilets jaunes ».
Est-ce que le problème c’est Macron ? Faut-il « dégager Macron » et refaire des élections ? Et dans ce cas qui serait élu à sa place ? Les quartiers populaires ont-ils quelque chose à y gagner ? Les plus pauvres ont-ils quelque chose à y gagner ?

Ambigüité
Le mouvement des gilets jaunes a tendance à être un mouvement du n’importe quoi, pouvant mener à toutes les dérives populistes et racistes. Quand des gilets jaunes menacent un patron parce qu’il embauche des étrangers, ça ne veut rien dire politiquement ? Est-ce du racisme, ou du protectionnisme ? Peut-être les deux, et si oui, quel est le lien ?
Quand un discours des gilets jaunes oppose ceux qui travaillent et ceux qui profitent et grattent les allocs, ce discours ne vise-t-il pas explicitement les quartiers pauvres, et les racisés en général ? Ce discours est-il d’extrême-droite pour ceux qui le tiennent ? n’est-il pas aussi tenu à gauche, de manière de plus en plus répétée ? Peut-on vraiment passer sur tout ça au nom d’une alliance « populaire » ?
Une manifestation « populaire », qu’est-ce au juste ? Qui décide de ce qui est « populaire » et de ce qui ne l’est pas ? Qui décide de ce qui est légitime et de ce qui ne l’est pas ? c’est quoi le " peuple ?
Que peut faire le gouvernement devant ces manifestations qui relèvent de la jacquerie, de la recherche du chaos pour le chaos ? Le président Macron a cru pouvoir réformer « par en haut » en accordant des facilités aux contribuables les plus riches, aux privilégiés de notre pays. L’injustice fiscale et sociale autant que le montant des prélèvements est source d’autant de rancœurs et de douleurs. Mais ce ne sont pas les plus démunis qui protestent dans la rue.
Rappelons que l’impôt de solidarité sur la fortune a été aboli, remplacé par un impôt sur la fortune immobilière qui exonère par conséquent l’ensemble des biens mobiliers, dont les actions, les obligations etc. Au sein des 10% des ménages les plus aisés, 70% verront leur imposition des revenus mobiliers baisser. Cette part atteindra 90% pour le 1% les plus riches. Mais le bénéfice de la mesure est quasiment nul pour les 50% les moins aisés des ménages. l’année 2018 est également marquée par la première étape dans la baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés, lequel devrait être ramené à 25% en 2022. Alors que la distribution de dividendes a déjà atteint des niveaux records, renouant avec ses niveaux d’avant crise, cette baisse permettra aux grandes entreprises d’en distribuer davantage et ce, alors que les revenus financiers des actionnaires seront moins imposés. Parallèlement la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pénalise notamment les retraités. Et la baisse des allocations logement pénalise les familles les plus défavorisées.
Le gouvernement aura donc du mal à prouver que ses réformes sont favorables à l’ensemble des Français.
d’autres luttes
Les « gilets jaunes » et leurs revendications disparates, où se mêlent prix du carburant, colère sociale, sentiment d’abandon et défiance vis-Ã -vis des « élites », ont été particulièrement relayés par les chaînes infos. En parallèle, des mouvements peu médiatisés se multiplient depuis quelques semaines. Les enseignants ont manifesté le 12 novembre pour défendre l’école face aux suppressions de postes. Des postiers mènent des grèves pour le maintien du service public postal. Les infirmiers se sont mobilisés le 20 novembre pour l’hôpital. Les ambulanciers sont dans la rue. Ce sont des luttes dont on parle peu, qui tentent de résister aussi à l’abandon des territoires périphériques. Malheureusement ces luttes restent ponctuelles, limitées géographiquement et dans le temps. Que manque-t-il à nos luttes pour devenir victorieuses ? Une réflexion a été engagée par le culb médiapart. Lire ici :voir le site luttes
Un élément de réponse, décourageant : Le capitalisme n’est plus en mesure de lâcher du lest, il ne peut plus intégrer de nouvelles mesures favorables à la justice sociale, la démocratie et la sauvegarde de l’environnement autrement que dans les discours et tout à fait à la marge pour continuer de gagner les élections. En effet, l’extraction des ressources en énergie et matières pour fabriquer des objets, est de plus en plus coûteuse à cause de leur raréfaction et de la technologie qui, après avoir permis d’extraire plus et plus vite, perd son avantage en termes de profit par rapport aux bras exploités à bas coût. Il a fallu supprimer la séparation des fonctions bancaires et transformer en marchandises tout ce qui était encore du bien commun afin de spéculer sur tout pour que les banques continuent de produire de la monnaie dopée à la dette. Ce système est dans l’impasse. Il ne tient plus qu’en aggravant le malheur et la force de ses armées et de sa police. Toutes les classes en sont les victimes.
Chaque lutte partielle doit donc s’inscrire dans la lutte globale sinon elle ressemble à une demande de permission faite du fond de sa tranchée.
Ecrit le 28 novembre 2018
Pardem
Pardem, c’est le PARti de la DEMondialisation. Son président voit dans les manifs des Gilets Jaunes un mouvement « authentiquement révolutionnaire » et souhaite qu’il puisse « s’engager dans une dynamique populaire constituante afin de reconstruire la France par le rétablissement de la démocratie ». Il y en a qui prennent leurs désirs pour des réalités
Ecrit le 12 décembre 2018
Machine à baffes
Il faut au moins reconnaître un point positif à E.Macron : il a accepté la machine à baffes, lors d’une rencontre le 7 décembre avec une quinzaine d’élus des Yvelines, membres de l’association « génération Terrain ». « Ce fut direct et sans concessions, mais toujours courtois et respectueux ». Le chef de l’État a reconnu « des conneries » comme la baisse des allocations-logement APL et la limite à 80 km/h. Mais ira-t-il jusqu’à infléchir vraiment sa politique pour mettre fin au système des privilèges qui favorise largement les plus riches et augmente les difficultés des plus pauvres dans un climat de mépris et d’humiliation ?
Un reproche : le président a renvoyé une partie des conneries sur les ministres qu’il a lui-même choisis. Ce n’est pas digne d’un chef ! Il se doit d’assumer lui-même ce qui a été fait.
Jusqu’Ã maintenant E.Macron était le petit jeune homme, « bien sous tous rapports » suffisant et goguenard, à qui tout réussissait. Il a peut-être enfin pris sa première leçon de vie. c’est dommage qu’il ait fallu une révolte massive et une « casse » incroyable La leçon, maintenant, va-t-elle porter ses fruits ?
Dossier du Monde Diplomatique sur les Gilets Jaunes
Dossier : le soulèvement français
Quand tout remonte à la surface
Serge Halimi
Avec les « gilets jaunes », un pouvoir trop sûrde lui et prétendant servir de modèle à l’Europe a dû céder devant la révolte de groupes sociaux jusque-là peu mobilisés collectivement. En un mois, transports, fiscalité, environnement, éducation et démocratie représentative ont été remis en cause.
Pourquoi maintenant ?
Laurent Bonelli
Voilà longtemps qu’un mouvement social n’avait pas à ce point inquiété les gouvernants. L’ampleur, la durée et la détermination de celui des « gilets jaunes » les ont désagréablement surpris. Ils ont également été déstabilisés par son hétérogénéité en matière d’intérêt pour la politique, d’activité professionnelle, de lieu de résidence et d’orientation partidaire.
La justice sociale, clé de la transition écologique
Philippe Descamps
Par ses mesures fiscales, le gouvernement a pris le risque d’opposer pouvoir d’achat et sauvegarde du climat. Mais, signe de l’intelligence collective dégagée par leur mouvement, les « gilets jaunes » ne sont pas tombés dans le piège.
« Avant, j’avais l’impression d’être seule »
Pierre Souchon
Le mouvement des « gilets jaunes » refuse toute forme d’organisation, a-t-on dit. En réalité, de multiples tentatives ont été menées. Mais se structurer exige un savoir-faire largement perdu, faute de militants sur le terrain pour le diffuser. Exemple en Ardèche.
Lycéens contre le tri sélectif
Annabelle Allouch & Benoît Bréville
Le monde de l’éducation aura vécu une fin d’année agitée. A la protestation contre la hausse des frais de scolarité pour les étudiants étrangers non européens s’est greffée une mobilisation lycéenne inédite, apparue dans la France périurbaine.
Des armes controversées
Julien Baldassarra
Nombre de manifestants ont été victimes de l’agressivité des forces de l’ordre "” qui ont également compté des blessés dans leurs rangs. Mais aussi de l’entêtement des gouvernements français successifs à doter la police et la gendarmerie d’équipements inadaptés au maintien de l’ordre. Bannies dans la plupart des pays européens, ces armes sont régulièrement dénoncées par des parlementaires, par le défenseur des droits et par des organisations non gouvernementales (ONG).
La puissance insoupçonnée des travailleuses
Pierre Rimbert
La présence sur les ronds-points d’une forte proportion de femmes des classes populaires a frappé les observateurs. Ces travailleuses font tourner les rouages des services essentiels : santé, éducation. Au-delà du soulèvement de cet automne, elles représentent le pouvoir ignoré du mouvement social.
Poudre de perlimpinpin
Jean-Michel Dumay
10 décembre 2018, M. Emmanuel Macron a déclaré : « Le salaire d’un travailleur au smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019. » On avait rarement vu un président de la République, en pleine crise, sur une mesure-phare, mentir aussi effrontément
Population active par catégories socioprofessionnelles
C. M.
déplorer les inégalités, ignorer leurs causes
Daniel Zamora
« Des riches plus riches et des pauvres plus pauvres. » De ce constat cent fois formulé on peut déduire des solutions politiquement opposées : adoucir le capitalisme, disent les uns ; socialiser la richesse, rétorquent les autres. Avant de resurgir dans les slogans d’Occupy Wall Street, ce débat a traversé le XXe siècle. La mise en avant des inégalités dans le discours public a elle aussi une histoire.