Ecrit le 11 décembre 2019
Les aéroports à Paris, cela ne nous concerne pas directement : nous n’avons pas d’aéroport dans notre coin, même si le maire Alain Hunault en prévoit un dans un délai assez proche. [sur les landes de Moisdon ?]
Un texte émanant de 248 députés et sénateurs de tous bords, explique pourquoi nous sommes tous concernés, et pourquoi il ne faut pas privatiser les aéroports de Paris comme le prévoit le gouvernement. En voici des extraits.
« Un aéroport n’est pas une entreprise comme les autres : c’est un outil stratégique de politique économique. Cette vision est partagée par la plupart des pays européens pour lesquels les aéroports restent propriété de la puissance publique (ville, région, État, ...). C’est ainsi qu’en Allemagne, en Espagne ou en Italie, aucun aéroport n’est détenu uniquement par des acteurs privés.
Au sein de l’Union européenne, la France, avec le Portugal, la Slovénie, la Hongrie et la Roumanie, fait figure d’exception avec actuellement plus de 40 % d’aéroports détenus par des acteurs privés. »
Afin de ne pas reproduire les erreurs liées à la privatisation d’infrastructures stratégiques en situation de monopole, les élus signataires proposent une « loi référendaire » donnant la possibilité au peuple français de se prononcer quant à l’affirmation du caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris, ce qui aurait pour conséquence de rendre impossible leur privatisation.
Historique
Le 24 octobre 1945, le gouvernement provisoire de la République française a créé, par l’ordonnance n° 45-2488, l’établissement public « L’Aéroport de Paris », chargé du développement de l’activité aéroportuaire en région parisienne.
Le domaine de cet établissement public a été étendu des aéroports de Paris-Orly et du Bourget aux aérodromes avoisinants en 1949, puis au nouvel aéroport de Roissy-Charles de Gaulle en 1974.
La loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports prévoit la transformation de l’établissement public en société anonyme. Après l’ouverture progressive de son capital en 2006, l’État n’est plus actionnaire de la société ADP qu’à hauteur de 50,3 % en 2019.
Rentable
La société ADP (Aéroports de Paris) est une entreprise stratégique, qui exploite en sus des aéroports parisiens, dix autres aérodromes en Île-de-France et possède des participations dans les aéroports d’Amsterdam-Schiphol ou encore d’Istanbul-Atatürk.
Comme en témoignent les rapports financiers de la société, ADP est une société florissante qui a connu une augmentation annuelle moyenne de 3,8 % de ses revenus et de 10 % de son résultat net part du groupe sur les dix dernières années.
D’août 2013 à août 2018, en 5 ans, le cours du titre ADP est passé de 74 euros à 193 euros soit progression de 161 %. Les résultats 2018 du groupe démontrent à nouveau l’excellente santé de la société qui voit son chiffre d’affaires progresser de 4,6 % à périmètre constant et son résultat net de 6,8 %. Les dividendes versés à l’État devraient donc passer de 173 millions d’euros en 2018 à 185 millions d’euros en 2019.
L’exploitant des aérodromes de Paris dispose d’un monopole de fait sur le trafic aérien de passagers, en particulier du trafic long-courrier. Conformément au préambule de 1946 qui précise que « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité », il apparaît donc légitime que ces aérodromes et leur exploitation soient la propriété de la collectivité.
L’aéroport de Roissy-CDG dispose d’ores et déjà de quatre pistes et a engagé la concertation en vue de la construction d’un terminal 4 qui permettrait, à l’horizon 2023-2024, d’augmenter de 10 millions de passagers sa capacité actuelle et à terme, de porter celle de l’aéroport à 120 millions de passagers ce qui en ferait le premier aéroport européen.
Le projet Cœur d’Orly prévoit quinze hectares de quartier d’affaires international et une plateforme multimodale faisant arriver deux lignes du métro du Grand Paris et le TGV au cœur de l’aéroport. De plus, la réalisation d’un bâtiment de liaison entre les deux actuels terminaux permettra une modernisation importante de l’aéroport et une augmentation de sa capacité de 3,5 millions de passagers.
Toutes les données pointent donc vers une consolidation de la position centrale des aéroports de Paris comme porte d’entrée de la France et de l’Europe et comme principal pôle d’activités du pays.
En effet, d’après l’étude d’impact socio-économique des aéroports de Paris-CDG, de Paris-Orly et de Paris-le Bourget réalisée en 2017, ces trois plateformes ont soutenu 570 860 emplois directs et indirects soit 2,2 % de l’emploi en France et représenté une création de richesse estimée à 30,3 milliards d’euros soit 1,4 % du PIB français en 2016.
Les aéroports de Paris représentent un des principaux pôles d’emploi et d’activité du pays et les choix de développement et d’aménagement de ces plateformes revêtent donc une importance de portée nationale. Ces aérodromes jouent un rôle central dans l’aménagement du territoire, d’une part, et dans l’accès des Français aux lignes aériennes long-courrier, d’autre part.
Les aéroports de Paris représentent un nœud central du trafic aérien mondial long-courrier, une place absolument stratégique considérant le positionnement de la France comme première destination touristique mondiale. Au total, sur l’année 2017, le secteur a contribué à l’économie française à hauteur de 204,3 milliards d’euros. Cela signifie que 8,9 % du PIB de la France dépend d’une manière ou d’une autre du secteur du voyage et du tourisme .
Porte d’entrée
ADP est également une frontière extérieure de l’Union européenne avec des enjeux en matière de sûreté et de sécurité importants pour la France mais aussi des obligations vis-à-vis des autres pays de l’Union.
Aujourd’hui la société ADP est notamment en charge de la délivrance des badges d’accès et de circulation du personnel des aéroports, qu’il s’agisse du personnel commercial, technique ou de sécurité. Elle sélectionne également les sociétés habilitées à procéder aux contrôles de sûreté des passagers. Ces opérations sont stratégiques pour la sécurité des biens et des personnes.
Aménagement du territoire
ADP a également un rôle central en matière d’aménagement du territoire. En effet, si la France dispose d’un réseau routier et ferroviaire de premier plan, en particulier s’agissant des routes ferroviaires à grande vitesse, notre pays n’en conserve pas moins un maillage aérien particulièrement important depuis et vers la capitale. Ainsi, ce ne sont pas moins de 83 liaisons aériennes qui sont opérées depuis les aéroports de Paris vers des destinations intérieures en métropole et dans les outremers.
À titre de comparaison, l’aéroport de Londres Heathrow dont l’exploitation est privée, n’opère plus que 13 liaisons aériennes intérieures au Royaume-Uni vers 10 destinations sur un total de 180 destinations desservies.
Le modèle économique de l’exploitation aérienne repose d’une part sur les taxes d’aéroports perçues par passager et d’autre part, sur les dépenses de ces passagers dans les boutiques de l’aéroport. Le nombre total de vols quotidiens étant structurellement limité par la taille de l’aéroport et son nombre de pistes, les sociétés aéroportuaires privées sont fortement incitées par leur modèle économique à favoriser les avions contenant le plus de passagers et donc les destinations long-courrier. Ces passagers internationaux hors UE, consomment également plus de services commerciaux, notamment de duty-free, d’autant plus lorsqu’ils sont immobilisés durant une escale. Les recettes des commerces représentent ainsi 43 % des recettes du groupe ADP.
Les lignes régionales intérieures, mobilisant de plus petits avions sont économiquement sacrifiées sauf lorsque la puissance publique est chargée de l’exploitation de ces aéroports puisqu’elle est amenée à mettre en balance les impératifs économiques et les impératifs d’aménagement du territoire, dont une société privée ne saurait s’embarrasser si elle peut y échapper.
Les enjeux posés en matière d’aménagement et de maillage du territoire ne font que confirmer le rôle des ADP.
Question écologique
Les aéroports de Paris sont source de création de richesses, mais sont aussi source de nuisance pour leurs riverains comme pour l’environnement.
L’aviation est responsable de 2 à 3 % des émissions de CO2 à l’échelle mondiale et cela peut tripler d’ici 2030. Il est donc nécessaire que l’exploitation et le développement des aérodromes de Paris relèvent d’un service public national afin que la puissance publique puisse décider démocratiquement des conditions d’exploitation et de développement de ces aérodromes pour faire face à cet enjeu.
L’étude de l’observatoire Bruitparif publiée en 2019 démontre que les habitants des communes limitrophes des pistes des aéroports de Paris perdent plusieurs années d’espérance de vie du fait des nuisances aériennes. Il est donc essentiel, au regard de l’impact de ces aéroports sur leur environnement et de leurs perspectives de développement, que les intérêts liés à l’exploitant des aéroports et ceux de la puissance publique, chargée de la protection des populations et de l’environnement, ne soient pas concurrents.
Procédure référendaire
Les parlementaires signataires de la présente proposition de loi référendaire considèrent que les enjeux de portée nationale en matière économique, sociale, stratégique, de mobilités, d’aménagement du territoire et de protection des populations et de l’environnement que revêtent les aérodromes de Paris justifient que leur aménagement, leur exploitation et leur développement relèvent d’un service public national.
Ils proposent donc qu’une question soit posée par référendum au peuple français : L’aménagement, l’exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et de Paris-Le Bourget revêtent les caractères d’un service public national : oui ou non ?
Pouvoir dire stop !
Mais pourquoi Emmanuel Macron veut-il vendre les aéroports de Paris ? Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de privatiser une entreprise qui est le numéro 1 mondial du secteur ? Faut-il encore céder au privé toutes les entreprises rentables ?
D’ici mars 2020, si 10 % du corps électoral le décide, la privatisation d’Aéroports de Paris (Orly, Roissy Charles-de-Gaulle et une dizaine d’autres aéroports) sera soumise à référendum. Sinon la vente sera lancée. Mais pour réunir ces 10 % il faudrait que les électeurs sachent qu’il y a une pétition à signer.
Déjà un million
Mercredi 4 décembre, le Conseil constitutionnel a annoncé que la pétition pour demander l’organisation d’un référendum d’initiative partagée (RIP) sur la privatisation de Groupe ADP (Aéroports de Paris) avait franchi un million de signatures – 1 000 500 précisément – sur le site Internet du ministère de l’intérieur dédié à la procédure. Ce cap du million d’électeurs prenant le temps de suivre une procédure compliquée alors qu’aucune information civique n’a été faite, c’est considérable. C’est une première victoire mais il faut recueillir les signatures d’au moins 10 % du corps électoral, soit 4 717 396 soutiens d’ici le 12 mars 2020.
Le gouvernement a tenté toutes les manœuvres. Le site internet sur lequel on peut voter a été conçu pour décourager les signataires ; Exemple : nécessité d’utiliser le code Insee des communes (44036 pour Châteaubriant par exemple)— et non le code postal (44110 pour Châteaubriant)— ou l’obligation d’absence d’accents et de virgules, et au contraire celle de l’utilisation des majuscules, avec dans chaque cas un blocage de la procédure sans que la cause ne soit indiquée à l’utilisateur.
Le problème lié au code Insee a été finalement corrigé le 1er juillet à la demande du Conseil constitutionnel, les seuls noms des communes étant désormais nécessaires. De même, les impératifs en matière de virgules et de majuscules sont précisés explicitement sur le formulaire. Un tutoriel vidéo ainsi qu’une foire aux questions (FAQ) sont également ajoutés.
Pour signer cette pétition officielle, c’est ici :
voir le site referendum.interieur
Munissez-vous de votre carte d’identité car il y a des chiffres à y relever.
497 personnes ont déjà signé dans les Com’Com’ de Châteaubriant-Derval et Nozay dont 99 personnes à Châteaubriant et 48 à Nozay mais une seule au Petit-Auverné et à Juigné les Moutiers. Il est évident que l’absence de campagne institutionnelle ne favorise pas l’afflux des signatures !
Pour suivre l’évolution des soutiens au référendum :
voir le site adpripr.fr
Jeudi 25 avril 2019, E.Macron s’était prononcé en faveur d’un abaissement du seuil à 1 million de signatures, lors d’une intervention publique à la suite de la crise des Gilets jaunes. Tiendra-t-il parole ?
Un précédent coûteux : les autoroutes
En 2006 Dominique de Villepin a imposé à son gouvernement la privatisation des sociétés d’autoroute, qui appartenaient pour la plupart à l’État. Cette décision a provoqué l’envolée des tarifs comme l’a souligné la Cour des comptes dans un rapport publié dès juillet 2013. La hausse des péages a été presque constamment supérieure à l’inflation, depuis 2006. Exemple : en 2008, la hausse des prix à la consommation atteint 1,9%, mais la société des autoroutes de Paris Normandie (groupe Abertis), par exemple, augmente les péages de... 4,32%.
A quoi ont servi ces hausses tarifaires ? Notamment à augmenter les profits des sociétés d’autoroute. La hausse a été en moyenne de plus de 5% par an pour l’excédent brut d’exploitation, sur la période 2006-2011. Même chose pour les résultats nets. Seuls les autoroutes du sud de la France (ASF, groupe Vinci) ont vu leur bénéfice baisser un peu en 2013.
La quasi-totalité de ces profits ont été distribués aux actionnaires sous forme de dividendes. En effet, alors que les Sociétés d’Economie Mixte Concessionnaires d’Autoroutes (et COFIROUTE) distribuaient en moyenne 56 % de leurs bénéfices à leurs actionnaires entre 2003 et 2005, cette part a atteint 136 % en moyenne les huit années suivantes.
Mettre fin aux contrats autoroutiers, comme le suggèrent des parlementaires de gauche, coûterait très cher à l’Etat : 39 milliards d’€. Mais l’économie que feraient les consommateurs est telle, si les autoroutes étaient reprises par un établissement public, que le jeu en vaut la chandelle : une telle opération (résiliation anticipée + remise en concurrence) permettrait à l’État de gagner plus de 10 milliards d’€, compte tenu de la valorisation des sociétés d’autoroute. » dit Gildas de Muizon dans La Tribune.
Il faut empêcher de faire avec ADP la même erreur qu’avec les autoroutes !
Radio France refuse de diffuser les spots publicitaires préparés par les sénateurs informant sur l’existence d’un référendum contre la privatisation d’ADP. Le journaliste Marc Endeweld rappelle dans son livre « Le Grand Manipulateur » que Sybile Veil, la présidente de Radio France, est une proche d’Emmanuel Macron, et que son oncle Jean Veil est... l’avocat d’ADP !
Mais pourquoi le gouvernemengt veut-il vendre ADP ? L’État avance deux types d’arguments : « nous vendons pour rembourser la dette de l’Etat », ou alors « nous vendons pour créer un fond d’innovation de rupture ». Deux arguments qui ne résistent pas longtemps à l’analyse : faire baisser la dette en se séparant d’une rente garantie est une idée saugrenue, quant au fonds pour l’innovation, il en existe déjà plusieurs. Des fonds qui ne servent déjà pas à grand chose, sauf à rendre la gestion de l’argent public opaque.
Quelles sont les véritables raisons de cet entêtement de l’exécutif à privatiser ? Est-ce par fidélité à la doctrine libérale chère au président Macron ou un petit arrangement entre amis ?
Voir le reportage : ADP la grande arnaque :
voir le site adp-la-grande-arnaque