Ecrit le 8 juillet 2020
Votre smartphone, il est à vous, vous l’avez acheté tout neuf, vous y avez mis ce que vous voulez et vous ne l’avez prêté à personne. Vous êtes pro-té-gé
sauf que
depuis une mise à jour récente des iPhone et des smartphones sous Android, Google et Apple ont installé à votre insu un petit réglage ’Notification d’exposition au COVID-19’ qui est apparu un peu partout. Explications.
En effet, au-delà des mesures sanitaires imposées à de nombreux niveaux, certains utilisent (ou voudraient utiliser) un outil technologique que la plupart des citoyens ont à disposition immédiate : le smartphone. Le but, c’est le traçage de la maladie. Ultra-connecté (carte SIM, puce GPS, technologie Bluetooth), le smartphone est l’outil idéal à utiliser pour savoir qui a été en contact avec une personne atteinte du coronavirus, dans le but final d’en freiner la propagation.
C’est dans cette optique que Google et Apple ont récemment mis à disposition leur système d’exploitation (Android ou iOS), qui fait tourner tous les smartphones de la planète. Ils n’ont pas installé l’application Stop-Covid, mais ils ont installé un outil facilitant cette installation et facilitant aussi tous les traçages.
Google et Apple ont créé un outil qui s’installe sur les smartphones en même temps que les mises à jour. Ce n’est pas une application de traçage, mais il permet à une application de traçage de mieux utiliser le smartphone. Il permet également de gérer des préférences, notamment d’activer ou désactiver les notifications :
Comment fonctionne une application de traçage « covid 19 » ?
Les explications sont un peu techniques, mais il est important de les connaître. Visiblement, le moyen le plus efficace pour tracer une maladie avec un smartphone se base sur l’utilisation de la connexion Bluetooth de votre téléphone. Celle-ci sert à transmettre et recevoir des données dans un rayon assez restreint (quelques mètres) ; la plupart du temps pour diffuser de la musique ou des conversations vers un casque ou une enceinte.
L’idée des applications de type « StopCovid » est d’utiliser cette connexion Bluetooth pour garder un historique des contacts que vous avez eus. Pour faire simple : si tout le monde installe la même application, et si tout le monde laisse sa connexion Bluetooth activée, un genre de ’journal’ de toutes les personnes (ou plutôt leur téléphone) que vous avez croisées, à une telle distance et pendant autant de minutes, sera créé.
Ce ’journal’ sert dès qu’une personne tombe malade et le signale à l’application. Celle-ci préviend alors automatiquement tous les téléphones qu’elle a croisés ces derniers jours, via une notification. Idéalement, leurs propriétaires iront ensuite se faire tester et/ou se mettront en quarantaine. La maladie cesserait alors de se propager.
En France, qu’elle devienne populaire ou non, la nouvelle application StopCovid, est le symbole le plus évident du changement de monde. Pour la première fois dans l’histoire, ceux qui téléchargent cette application sur leurs smartphones font le choix d’interagir en direct avec un service gouvernemental au sujet de leur santé sans savoir à qui il s’adresse ni ce qui est fait des informations qu’il transmet.
Gaë tan Leurent, chercheur français en cryptographie à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), a découvert que « tous les contacts croisés pendant les quatorze derniers jours » ont été envoyés au serveur central, hébergeant les données liées à l’application, contrairement à ce qu’annonçait le gouvernement qui assurait que seuls les identifiants des téléphones des utilisateurs ayant été en contact pendant 15 minutes à moins d’un mètre de distance d’une personne testée positive au Coronavirus seraient conservés.
« StopCovid envoie donc une grande quantité de données au serveur qui n’ont pas d’intérêt pour tracer la propagation du virus, mais qui posent un vrai danger pour la vie privée », écrit Gaë tan Leurent. « J’ai fait un test en installant StopCovid sur deux téléphones, et en l’activant une dizaine de secondes avec les deux téléphones dans deux pièces différentes (environ 5 mètres de distance, plus un mur). Quand je me déclare ensuite comme malade, mon appli envoie bien ce contact sur le serveur, alors qu’il n’a aucun intérêt épidémiologique. »
Contacté par médiapart, cédric O secrétaire d’État chargé du numérique, n’a pas nié les faits mais a tenté de les justifier, en indiquant qu’un nouvel identifiant était attribué à chaque appareil « tous les quarts d’heure ». « Ainsi, un contact qui ne durerait que cinq minutes pourrait être la suite d’un contact de douze minutes : deux contacts que seul le serveur est capable de relier pour comprendre qu’il s’agit, en réalité, d’un seul, de 17 minutes, donc à risques », explique-t-il à Mediapart.
La question est donc de savoir si, oui ou non, vous acceptez d’installer une application de traçage.
Un échec, provisoire ?
En France l’application StopCovid a été lancée le 2 juin 2020, elle coûte la bagatelle de « 200 000 Ã 300 000 euros par mois », ce serait davantage s’il y avait une deuxième vague. Le succès n’est pas assuré pour l’instant : 1,9 million installations sur des smartphones puis 460 000 désinstallations, soit à peine plus de 2% de la population française. Une proportion beaucoup trop faible pour que l’application soit efficace, En près d’un mois, l’application a vu 68 personnes se déclarer positives au Covid-19, après un test délivrant un code spécifique, permettant au système d’alerter 14 personnes ayant eu un contact considéré comme « Ã risque » (moins d’un mètre pendant au moins 15 minutes), invitant à se faire tester.
Y a-t-il un risque par rapport à votre vie privée ?
Google et Apple le disent clairement : « pour éviter le suivi, l’identifiant aléatoire de votre téléphone change toutes les 10 à 20 minutes » et « votre téléphone ne stocke que les identifiants des autres téléphones ’rencontrés’ des 14 derniers jours ».
Le risque pour la vie privée s’ajoute aux autres ! Pour rappel, en surfant sur internet et en utilisant des applications de réseaux sociaux, nos habitudes, nos comportements et notre profil sont vendus aux annonceurs par Google, Facebook, etc. C’est leur source de revenu, c’est indiqué dans les conditions générales (en tout petit). Et tout le monde, ou presque, les accepte, car en contrepartie on utilise gratuitement tous les outils numériques (communication, organisation, cartographie, création, jeux, etc) mis à disposition.
désactiver
On peut cependant désactiver l’outil d’aide au traçage, de la façon suivante :
– aller sur paramètres du téléphone
– puis sur Google (services de Google) : dans l’onglet ouvert vous pouvez voir la mention « notifications d’exposition au C ovid-19 » qui indique que le téléphone a téléchargé l’outil facilitant le traçage.
– aller sur les trois points de suspension (en haut à droite de l’écran)
– puis sur « utilisation et diagnostics »
– désactivez la fonction pour empêcher le traçage (le mot : désactivé, est marqué)
– si vous revenez sur les services d e Google, vous verrez un rond rouge devant « notifications d’exposition au covid-19 ». Si vous appuyez dessus vous aurez des explications supplémentaires.
Incompatible
Ces dernières semaines, plusieurs pays européens ont déployé leur propre application de suivi de contacts. Mais dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus, il n’est pour l’instant pas possible d’utiliser l’application d’un pays à un autre.