Accueil > Thèmes généraux > Police > Polices municipales
Ecrit le 16 décembre 2020
Le maire de Châteaubriant se glorifie d’avoir une importante police municipale, il va même recruter deux policiers supplémentaires. Il est donc intéressant de lire le dernier rapport de la Cour des Comptes.
Publié le 20 octobre 2020, ce rapport dresse un état des lieux des polices municipales. Il souligne leur essor continu et recommande de mieux contrôler et évaluer leurs activités.
Avec une hausse des effectifs de 18 % entre 2010 et 2018, la police municipale est considérée aujourd’hui comme la troisième force de sécurité publique du pays.
Les polices municipales, installées d’abord en ÃŽle-de-France et dans le sud-est de la France, se sont développées sur le territoire ces dix dernières années. La loi du 15 avril 1999 et des textes successifs ont attribué de nouvelles prérogatives aux maires et aux agents, notamment pour répondre aux risques terroristes. Les missions des polices municipales sont aujourd’hui proches de celles des forces nationales.
En 2011, constatant la multiplication des polices municipales et l’absence de régulation, la Cour publiait des recommandations sur la formation des policiers municipaux, le contrôle du ministère de l’intérieur et l’encadrement de la vidéoprotection. Dix ans après, le suivi de l’enquête révèle des avancées sur la formation des agents. Toutefois, le contrôle des polices municipales, l’évaluation du parc et de l’efficacité des caméras restent les points faibles.
Un développement continu et inégal
10% des communes disposent de policiers municipaux, soit 33 000 agents environ fin 2019. Dix ans après sa première enquête, la Cour des comptes constate l’ancrage des polices municipales sur le territoire, notamment en Bretagne, Normandie et Hauts-de-France.
La Cour note à la fois :
– un élargissement des missions (surveillance générale, prévention de la délinquance, contrôle, rappel à l’ordre, interpellation...) ;
– un développement des compétences et des équipements (en 2018, 81% des policiers municipaux étaient armés et 53% disposaient d’une arme à feu).
Les agents de police municipale sont désormais amenés à travailler en complémentarité voire à se substituer aux forces de sécurité nationales. Ce constat a conduit la Cour des comptes à se pencher sur l’articulation entre les services. L’enquête évoque « un bilan positif » de la coordination entre forces de sécurité grâce à la conclusion de conventions de coordination.
Bien que durables, la présence et les missions des policiers municipaux restent cependant inégales selon les communes (de la simple contravention à l’interpellation des délinquants).
L’étude relève l’amélioration de la gestion des polices municipales, mais note des lacunes en termes de suivi de l’activité, réparti entre différentes directions ministérielles et une commission consultative des polices municipales (CCPM).
Mieux encadrer et mieux évaluer
La Cour des comptes formule ainsi plusieurs recommandations pour :
– mutualiser les moyens humains et matériels au niveau des intercommunalités ;
– encourager les contrats d’objectifs locaux de sûreté et les engagements de coordination avec les autres forces de l’ordre ;
– permettre à certains policiers municipaux d’accéder au fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS) ;
– réaliser une cartographie des systèmes de vidéoprotection ;
– évaluer l’efficacité des caméras sur la voie publique ;
– clarifier les missions des polices municipales (dont la question de leur financement) et instaurer un contrôle déontologique par une expertise externe.
La Cour demande enfin de remédier au « vide juridique existant » concernant l’usage non encadré des drones et de la reconnaissance faciale.
Nouvelles technologies
Les nouvelles technologies pouvant concourir à la sécurité de la voie publique peuvent être classées en trois catégories : les logiciels d’alerte, les outils de surveillance mobiles et les technologies avancées.
Les dispositifs d’alerte ne collectent pas de données biométriques. Ils visent à rendre la surveillance de l’espace public moins aléatoire et davantage ciblée sur des signaux objectifs d’anormalité. La clarification de leur usage et de leurs règles d’emploi serait souhaitable.
Ainsi, début 2019, la ville de Saint-Étienne a initialement décidé de s’engager dans la pose expérimentale de dispositifs de captations et d’analyse de sons de la voie publique associés à des caméras. Après une audition dans le cadre d’une procédure de contrôle, la CNIL a estimé que l’atteinte susceptible d’être portée à la vie privée en raison de l’enregistrement constant et indifférencié sur la voie publique des voix et conversations privées, et notamment de données sensibles (opinions politiques, données concernant la santé, etc.), qui constituent des données à caractère personnel, nécessitait un encadrement juridique spécifique, autre que la loi « Informatique et libertés » ou le pouvoir réglementaire de la collectivité. La collectivité n’a finalement pas déployé ce dispositif dans l’espace public.
L’emploi de caméras embarquées sur véhicules progresse au sein des polices municipales qui sécurisent ainsi leurs interventions, sous couvert d’un régime général originellement conçu pour des dispositifs fixes. A l’instar de ce qui a été fait pour les caméras-piétons, il serait nécessaire de définir un cadre d’emploi pour ces moyens à l’utilité opérationnelle avérée.
Si le drone reste encore peu utilisé, le développement de son usage nécessite l’élaboration d’un cadre relatif à l’exploitation des images collectées ainsi qu’aux scénarios d’emploi. Son utilisation pour des missions de surveillance quotidiennes est sujette à caution en raison de son caractère intrusif.
La Cour conclut : « Dans l’ensemble, le dispositif de vidéoprotection est insuffisamment contrôlé au regard de son ampleur et des enjeux d’atteinte aux libertés publiques ».
Surveillance aéroportée
La CNCDH dans un avis du 26 novembre 2020 s’inquiète du recours massif aux dispositifs de surveillance aéroportée
« La rédaction vague des motifs admis pour recourir à des drones munis de caméra, la faiblesse des garanties apportées quant au respect des droits, les risques d’utilisation des drones à des fins d’intimidation ou de dissuasion, encore accrus par le recours à des technologies issues de l’intelligence artificielle », alertent particulièrement la CNCDH.
" L’usage de tels drones, dans un contexte plus général de dégradation des relations police : citoyens, ne ferait qu’accroître la méfiance et la défiance de la population envers la police.
Censure en vue
Samedi 28 novembre, les directeurs de l’information des chaînes de télévision, les présentateurs, producteurs, rédacteurs en chef de magazines d’information, les sociétés de journalistes et diverses instances représentatives ont collectivement dit « stop ». Dans une tribune publiée sur le site de France info, ils s’alarment :
« Les tentatives de contrôle de nos tournages par les pouvoirs publics (police, justice, administration pénitentiaire, gendarmerie notamment) n’ont jamais été aussi pressantes (). En exigeant une validation de nos reportages, avant parution, les pouvoirs publics veulent s’octroyer un droit à la censure. »