Ecrit le 28 avril 2010
Le volcan s’est réveillé
Jeudi 15 avril : éruption volcanique dans le sud de l’Islande, au sommet d’un glacier au nom imprononçable Eyjafjallajokull. La glace qui entre au contact du magma fait exploser le magma, d’où la présence d’un important nuage de fumées contenant des cendres, de l’eau, du dioxyde de carbone et du dioxyde de soufre.
Le vent pousse le nuage vers le sud. Les aéroports du Nord de l’Europe, et en particulier ceux de Grande-Bretagne et de France, estiment nécessaire de clouer leurs avions au sol parce que les cendres volcaniques peuvent concentrer des substances abrasives et surtout, provoquer l’extinction des moteurs.
Un simple coup de pied dans une fourmilière et c’est la panique mondiale : l’économie est totalement désorganisée. 313 aéroports fermés et 7 millions de personnes bloquées. Loueurs de voiture, trains, cars et liaisons maritimes vers l’Irlande ou la Corse sont pris d’assaut. Les témoignages de passagers traversant l’Europe avec des moyens de transport alternatifs sont légion. La Royal Navy a envoyé deux bâtiments militaires à Santander (nord de l’Espagne) pour rapatrier des Britanniques par la mer. N. Sarkozy n’est pas allé à l’enterrement du Président polonais. Martine Aubry a été bloquée en Inde, le ministre chargé de la relance Patrick Devedjian a annulé un déplacement à Brest. L’aller-retour en train lui aurait pris 9 heures…
Ainsi, à cause d’un simple volcan, notre rapport au temps a été remis en question. La mondialisation et ses échanges ultra-rapides, a été annulée. « En un nuage de cendres, les mythes de l’hypermobilité, de l’instantanéité et du citoyen du monde, s’effondrent » comme dit la revue Actu-Environnement. Avant-goût de ce qui se passera quand la rareté du pétrole empêchera les échanges par avion.
La division en classes sociales est aussi mise en évidence par cette histoire de nuage. Comme dit Camille Peugny, sociologue : « certains sont bloqués dans les aéroports, beaucoup d’autres les regardent à la télévision ».
Accentuation de la crise
Représentant 3% en volume du commerce international de marchandises, le transport aérien en représente de 40 à 50% en valeur. Voilà comment cinq jours d’immobilisation totale de l’aviation infligent à l’économie des dégâts pires que ceux du 11-Septembre-2001. Les pertes se chiffrent à 140 voire 200 millions par jour rien que pour les compagnies aériennes. Le secteur du Tourisme évalue ses pertes à 1,5 milliards d’euros. Si on inclut les pertes des aéroports, des hôtels, les jours de travail perdus des voyageurs bloqués, les marchandises périssables, les pièces de rechange non acheminées qui ont engendré des pertes de production, etc, le coût global pour l’Europe atteindra plusieurs milliards d’euros.
Des millions d’emplois dépendent de l’aviation. ’’En France, 15 emplois et plus gravitent autour de chaque emploi dépendant directement du secteur’’, explique Jean Bresson, directeur des études à l’Ecole nationale de l’aviation civile (Enac). Il y aura encore des licenciements, ajoutant à la crise mondiale.
Au Kenya, grand producteur de roses pour l’Europe, 5000 salariés ont été licenciées (selon le journal The Guardian du 20 avril) faisant ainsi économiser 10 000 dollars par jour à la société de production.
Un simple calcul révèle alors que les salariés sont payés 2 dollars par jour soit environ 50 dollars par mois. A titre de comparaison,
l’aliment de base, la farine de maïs, coûte 1,50 $ pour un sac de 2 kg
le prix de vente d’une rose est d’environ 2 $ par fleur.
Katla la sorcière
On ne sait ce que nous réserve l’avenir. La Terre a encore tremblé le 23 avril au Chili et, près du volcan Eyjafjallajokull, les vulcanologues surveillent « Katla la sorcière » : un autre volcan qui, à chaque fois que l’Eyjafjöll est entré en éruption au cours du dernier millénaire, a toujours rapidement suivi. La question actuellement n’est pas « si », mais « quand », le Katla se réveillera. Ce sera alors 100 fois plus important que l’Eyjafjöll .
Alors tout dépendra du sens du vent, du volume et de la nature des cendres rejetées, ainsi que de la hauteur des nuages de fumée ….
Ecrit le 28 avril 2010
Des voyageurs racontent
Galères aériennes : quand Paris est à 16 h de Madrid.
8h30, heure chilienne, dimanche 18 avril : retour d’un voyage au Chili. Le « Volcan » fait aussi les titres de l’actualité chilienne mais le site d’Iberia est rassurant en ce début de matinée : Nantes-aéroport est ouvert, le vol Madrid-Nantes est maintenu.
11h15 : enregistrement des bagages à l’aéroport de Santiago, autre son de cloche : récupérez vos bagages à Madrid, le vol sur Nantes est « cancelado ». Au comptoir, je demande ce que l’on peut faire une fois à Madrid, réponse : « esperar ! ».
Lundi 19, 1h 30 du matin heure chilienne, 6h30 heure madrilène, après 13 heures de vol, et peu de sommeil, arrivée à Madrid Barajas. Récupération des bagages et passage de l’international, où les avions arrivent du monde entier : à l’espace européen nous comprenons qu’effectivement, il va nous falloir « espérer » : pagaille indescriptible de voyageurs errants ou allongés à même le sol et files interminables face à deux guérites, l’une pour la classe affaire (beaucoup de monde), l’autre pour l’économique (encore plus de monde !). Deux interlocutrices par guichet. Nous mettrons 3 heures à parvenir au guichet où l’information délivrée se limite à « vol cancelado », ce que nous savions déjà. En insistant pour trouver des solutions alternatives, nous apprenons que s’organisent, ailleurs, des listes de passagers rapatriés par bus. Nouveau guichet, nouvelle queue. Au bout d’une heure, nous sommes inscrits pour ….Orly, seule destination française. Les deux autres sont Francfort et Bruxelles, il ne fait pas bon chercher à rentrer sur Genève, Turin ou Milan, autres aéroports fermés.
Nous devions partir à 14 heures mais ce n’est qu’à 16h30 que le convoi se forme et le bus quitte Madrid à 17 heures pour 16 heures de route avec quelques pauses et de nombreux passagers qui entament leur deuxième nuit « debout-assis », dans les mêmes vêtements. A 9h30 le lendemain matin, heure française, j’ai cessé de me demander quelle heure il était à mon horloge biologique encore réglée sur l’heure chilienne. Le bus nous dépose à Orly. Une navette plus tard, nous avons la chance de trouver deux places dans un TGV qui nous amène vers 13 heures à Nantes. De Santiago à Nantes, via Madrid et Orly, le voyage aura duré près de 48 heures. Il semblerait néanmoins que par rapport à tous ceux qui sont encore en rade de par le monde, nous ayons été des chanceux. !!!
Italie : des Français ayant choisi une compagnie à bas-coût, se trouvent bloqués à Rome alors qu’ils ne devaient y être qu’en transit. Ils ne parlent pas un mot d’italien. Ils se souviendront de ce voyage dont ils rêvaient depuis des années. Quatre ou cinq heures de queue. Les trains en grève du côté français, en panne du côté italien. Cent euros la chambre d’hôtel. Plusieurs nuits. « L’attente en Italie nous a coûté plus cher que le voyage lui-même ».
Alors que, pour deux, le voyage Paris-Rome avait coûté 120 €, le retour Nice-Marseille fait 80 € et le Marseille-Nantes 380 €. « Nous avons eu le sentiment que la SNCF profitait de notre détresse ».