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Ecrit le 10 octobre 2007
Marie se leva toute guillerette
Ce matin-là , Marie se leva toute guillerette. Elle se souvient : c’était le 1er octobre de l’an 2007. Son rêve allait se réaliser : avoir un meilleur salaire.
Depuis 15 ans au moins elle travaillait dans le grand magasin du coin. A la mise en rayons. Traîner un lourd chariot, prendre un lot de boîtes de conserve, le soulever, se dresser sur la pointe des pieds pour mettre au fond du rayon les boîtes ayant la plus lointaine date de péremption. Ranger soigneusement le tout. Que ça ait de l’allure pour attirer et rassurer les clients sur la bonne tenue de magasin ! Et faire vite, vite, le temps presse. Marie jette un dernier regard et passe déjà au rayon suivant qui commence à se dégarnir. Ne jamais laisser les clients en manque. Faire vite ...
Depuis 15 ans Marie prenait son travail au sérieux, travaillant avec conscience même si jamais on ne l’en complimentait. Elle acceptait tout, les horaires cassés, changeant presque tous les jours, l’obligeant à jongler avec le soin à apporter aux enfants. Elle acceptait même de faire des heures non payées, pour rendre service. Elle espérait, chaque année, que le patron lui en était reconnaissant, qu’il accepterait de lui donner des heures en plus. Un 35 heures, qui sait ? Les enfants grandissaient, bientôt ce serait le baccalauréat. Marie voudrait tant que ses enfants aillent à l’université ou dans une grande école.
Mais non, jamais d’heures en plus. Le patron trouvait plus commode d’avoir deux salariées à 20 heures, aux horaires flexibles, plutôt qu’une seule salariée à 40 heures. Et puis il lui avait bien expliqué : « C’est la faute aux 35 heures. Nous n’avons pas le droit de vous donner des heures supplémentaires ». Marie le croyait. On le lui avait dit si souvent.
Alors, en avril 2007, elle avait voté Sarkozy, pour travailler plus, pour gagner plus.
Oui, c’était bien le 1er octobre : avec une dizaine d’employées, elle était allée trouver le patron . « La loi est applicable, depuis ce matin. Donnez-nous à chacune 4 ou 5 heures de plus par semaine. Cela ne vous coûtera pas beaucoup et nous ça nous arrangera. Nous pourrons dépenser davantage, faire tourner l’économie. Notre président l’a dit : il faut que la croissance atteigne 3 %. Il faut aller la chercher avec les dents. Nous sommes prêtes ».
Partout, dans toutes les usines de France, dans les ateliers et les bureaux, les salariés s’étaient donné le mot : « Nous voulons 5 heures de plus par semaine ». Cinq millions de salariés, 25 millions d’heures par semaine, plus d’un milliard d’heures supplémentaires dans l’année. La France au travail, le grand élan national, la prospérité promise, la croissance annoncée sera au rendez-vous.
Marie se souvient : la fin de non-recevoir du patron qui cherchait plus de souplesse mais n’avait pas envie de donner plus de salaire ...
Pourquoi fallait-il qu’elle ait pleuré alors que, elle le savait bien, elle avait plutôt eu envie de cogner, de rage, de déception. Elle avait baissé la tête pour cacher ses larmes et s’en était retournée à ses rayons. Elle avait compris que, définitivement, elle n’aurait pas le droit d’espérer, pour elle, une vie moins dure, elle n’aurait pas le droit d’envisager, pour ses enfants, une vie meilleure.
Ki céti ki décide ?
1°) Les heures supplémentaires pour les 5 millions de salariés des petites entreprises auraient dû être majorées à 25 % depuis le 1er janvier 2005. C’était la loi voulue par la gauche. MM. Fillon et Sarkozy ont bloqué cela et reporté l’application au 1er octobre 2007. Trois ans de perdus, pour les salariés.
2°) Nombre d’entreprises et de branches ne donneront pas d’heures supplémentaires du fait du marasme actuel. La croissance espérée n’est pas au rendez-vous !
3°) Dans d’autres branches, (hôtellerie, restauration, bâtiment, agriculture, transports, agro alimentaire, etc) cinq, six, sept millions de salariés travaillent plus près de 45 h, de 50 h, voire, illégalement, de 60 h. Ils ne feront pas d’heures supplémentaires.
4°) « La liberté de travailler plus pour gagner plus » n’existe pas. Car seul l’employeur décide du contrat de travail et de la durée du travail et des horaires de travail.
5°) Pour les nombreux salariés à temps partiel (non désiré), il n’y a pas d’heures supplémentaires, elles sont restées « complémentaires » donc non majorées. Et ce n’est pas le salarié qui décide d’en faire !
4°) Les heures supplémentaires sont aujourd’hui estimées à 2,5 milliards. C’est l’équivalent de 1,4 million d’emplois. Alors qu’il y a 4,4 millions de chômeurs (Ã temps complet ou partiel) et que le chômage vient d’augmenter de 11 800 en août 2007.
« Le système Fillon-Sarkozy d’heures supplémentaires, c’est le choix du maintien et de l’extension du chômage » dit gérard Filoche, inspecteur du travail.
Une immense fraude
5°) Plus de moitié des heures supplémentaires ne sont ni déclarées, ni payées au taux légal, et aucun moyen suffisant n’est donné à l’inspection du travail pour contrôler cette immense fraude qui pèse contre nos caisses de protection sociale.
Pourtant il y a 9 plaintes sur 10 à l’inspection du travail pour heures supplémentaires impayées. Au mieux et très souvent, elles sont masquées sous forme de « prime exceptionnelle ». De quoi craindre, si elles ne donnent plus lieu à cotisations sociales ni impôt, que désormais ce soient des primes exceptionnelles masquées en heures supplémentaires !
6°) C’est la droite qui a poussé, avec les lois Balladur et Fillon, aux annualisations et modulations d’horaires sur des cycles. Ce qui est un moyen de rendre les heures supplémentaires invisibles et impayées puisqu’il y a des périodes « creuses » et des périodes « hautes ». Ainsi, lorsqu’il a surcroît exceptionnel de travail, les heures ne sont pas reconnues comme heures supplémentaires mais comme heures normales non majorées.
Borloo, en janvier 2005, a fait voter que « le temps de déplacement professionnel n’est pas du temps de travail effectif », ce qui pousse à faire travailler plus en gagnant moins, nombre de salariés appelés à se déplacer pour leur employeur.
7°) Ce sont encore des lois de droite, Sarkozy-Fillon, qui ont étendu l’usage des « forfaits-jours » d’abord limités aux « cadres autonomes ». Ils ont été étendus aux « cadres itinérants » , aux « salariés itinérants » , puis à tous les salariés (loi Dutreil, juillet 2005) si un accord le permet avec un syndicat.
Or le « forfait jour » peut permettre de violer le calcul des heures supplémentaires et rend le contrôle de la durée maxima quotidienne (qui est toujours de 10 h) quasi impossible. Il ne reste plus que le repos quotidien fixé à 11 h (loi française et directive européenne).
défiscalisation
La défiscalisation des heures supplémentaires, cela peut être intéressant pour les salariés qui paient des impôts. Mais c’est aussi une perte pour la sécurité Sociale. Pour le compenser l’Etat prévoit d’imposer une « franchise » à tout le monde ...
Marie songe ... peut-être qu’elle s’est fait avoir en votant Sarkozy ...
Ecrit le 28 novembre 2007
Mme Parisot, présidente du Medef, ne veut plus de durée légale du travail. Elle souhaite que « la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires » se fasse « branche par branche, ou entreprise par entreprise ». De ce fait, personne ne pourra dire à partir de quel moment commenceront les heures supplémentaires. Wouah ! Merveilleux ! La liberté absolue du loup dans la bergerie ! Le libéralisme sauce sauvage Et qui c’esty qui se f’ra bouffer ?
Ecrit le 14 mai 2008
La face cachée des heures suppl.
« Travailler plus pour gagner plus » le slogan fétiche devient « Je reprends d’une main une partie de ce que je t’offre de l’autre ». Le Canard Enchaîné du 7 mai révèle les choses suivantes :
Les heures sup’ sont défiscalisées, c’est vrai, mais prises en compte pour le calcul de la PPE (Prime Pour l’Emploi) et du revenu fiscal de référence.
Ca veut dire que, en travaillant davantage, un salarié fait baisser sa PPE.
Par exemple, voici un célibataire employé à plein temps, et qui déclare 14 000 € cette année.
sans heures sup’ il paiera 311 euros d’impôts et recevra une PPE de 660 €. Il recevra donc un chèque du Trésor Public de 349 €.
s’il a fait 39 h/semaine pendant les trois derniers mois de l’année, il déclarera 550 € de plus. Il paiera 311 € d’impôts mais sa PPE sera de 544 €. Il recevra donc un chèque du Trésor Public de 233 €. Finalement il n’aura pas gagné autant qu’il croyait.
De plus, son revenu fiscal de référence sera augmenté. Ses heures sup’ risquent de lui faire perdre des abattements ou exonérations de taxe d’habitation, de tarif de cantines ou de crèches, de lui faire perdre des bourses ou des chèques-vacances ou la chance d’avoir un prêt à taux zéro
Mais vous savez, tout ça, c’est pas grave ! c’est juste des histoires de gagne-petit !